J68 – mardi 4/8 – Bergen(N)/Oslo(N)/Marseille(F)

Il est 4h30 du matin. Je suis dans le train qui m’emmène à Oslo. Je profite du lever du jour pour me remplir encore et toujours des paysages qui s’offrent à moi. Dommage d’ailleurs qu’il ait fait nuit pendant la traversée des montagnes. Par contre, d’avoir fait le fiérot sur ma capacité à dormir partout il y a quelques jours, m’a bien puni cette nuit. En effet, je me suis retrouvé dans un compartiment normal, toutes les couchettes étant réservées, et il n’est vraiment pas évident de dormir sur des fauteuils non inclinables. J’ai tourné, tournicoté et tricoté toute cette courte nuit pour essayer de trouver une position confortable. Mais ce ne fût pas chose aisée. Je suis légèrement mâché en ce mardi matin norvégien où le ciel est toujours aussi menaçant avec de gros nuages noirs et la température extérieure de 8°C …

Ce voyage en train m’évoque mes escapades américaines avec mon fils lors de mes séjours à Montréal. Il y a 2 ans nous étions allés à New-York en train en longeant la Hudson River et, cet hiver, à Boston en bus. Au cours de ma lecture hier soir à la gare en attendant le train, je suis tombé sur une évocation du magnifique poème de Rudyard Kipling « Tu seras un homme, mon fils » que j’aimerais vous faire partager. Je le dédie à ma fille Gwendoline, à mes belle-filles Nathalie et Marine et à mon fils Titouan. Si ce poème pouvait être lu et appliqué par toutes les filles et tous les fils sur cette Terre, nous vivrions certainement dans un monde beaucoup plus serein.

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie

Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,

Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties

Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,

Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,

Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,

Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles

Travesties par des gueux pour exciter des sots,

Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles

Sans mentir toi-même d’un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,

Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,

Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,

Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,

Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,

Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,

Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,

Si tu peux être brave et jamais imprudent,

Si tu sais être bon, si tu sais être sage,

Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite

Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,

Si tu peux conserver ton courage et ta tête

Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire

Seront à tous jamais tes esclaves soumis,

Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire

Tu seras un homme, mon fils.

Arrivé à Oslo, je repère un vélociste qui ouvre à 9h00 et me pose dans un café, j’en suis déjà au 2è de la journée, en attendant l’ouverture du magasin et du diagnostic. Pour me rendre de la gare jusqu’ici, j’emprunte encore un beau réseau cyclable peint en rouge pour faciliter la continuité et la visibilité qui, à nouveau, me rappelle le retard accumulé chez nous. Par contre, je suis ébahi de voir les cyclistes circuler en bras de chemise, en jupe ou en short vu la température ambiante. De mon côté, j’ai ressorti ma veste de vélo d’hiver et mon blouson Uniqlo. Ils sont vraiment fous ces Vikings !

Le vélociste m’informe que je prends forcément des risques en reprenant la route (il n’a pas la pièce cassée) mais que ça devrait tenir vu le profil plat jusqu’en Suède. J’en prends acte et décide d’aller me balader dans Oslo. En ce mardi matin, je trouve cette capitale bien calme. Beaucoup de cyclistes, de trottinettistes et peu d’automobilistes circulent dans le centre-ville. Ceci explique peut-être cela.

Et puis en milieu de matinée tout se précipite. Je reçois un message de mon ami Vincent qui m’avertit que la Norvège interdit le débarquement des passagers de croisière, un autre pour me dire que la Suède est dans le collimateur européen et un troisième beaucoup plus enthousiasmant qui m’incite fortement à réviser mes plans. Je dois avouer que, depuis quelques jours, l’envie n’y est plus. Tous ces éléments extérieurs me perturbent. Dans le passé, je n’écoutais pas les signaux d’alarme et je l’ai payé parfois cher. Mais là, avec l’expérience, je suis aussi plus à l’écoute de mon corps, de mon destrier, de l’extérieur et aussi de mes envies.

C’est décidé. Je plie les gaules et je rentre. Je me pose dans un MacDo du centre pour choper de la bonne wifi et réserve avec LastMinute.com un vol pas cher pour Marseille avec départ à 15h45. A 21h00 , je débarque à Marignane, après avoir survolé l’incendie du côté de Martigues, avec mon vélo en pièces détachées dans un sac spécial acheté dans le magasin XXL de Jessheim à 10kms de l’aéroport. Je ne vous raconte pas toutes les péripéties avant que je ne monte dans l’avion, vous me prendriez pour un grand malade ! Mais j’ai décidé que « Quand on veut, on peut » et que « Tout se fera ! ». Et puis une belle histoire m’attend peut-être ici, je n’ai pas envie de la laisser filer sous mon nez …

Voilà, c’est fini. Après 68 jours de vadrouille, 6.000 kms parcourus, 6 pays traversés, 15 départements côtiers, de belles rencontres, des images pleins la tête, des émotions intenses, j’aspire à d’autres découvertes. J’ai aussi besoin de me reposer après ces dernières nuits compliquées; même la dernière à l’aéroport de Marseille-Provence, en attente de mon chauffeur privé qui n’arrivera que mercredi matin, ne déroge pas à cette fin de périple pour le moins rocambolesque !

Je tenais aussi à vous remercier, fidèles lecteurs, pour tous vos messages, vos encouragements, vos félicitations même qui m’ont boosté pour tenir au quotidien ce journal et vous narrer ce périple mais aussi vous raconter mon passé et mon parcours de vie qui m’a amené sur ces chemins de traverse. J’y ai pris beaucoup de plaisir. J’espère que vous aussi. Après digestion de ce voyage et retour sur terre, j’en écrirais dans quelque temps l’épilogue. Avant, peut-être, de repartir pour découvrir cette fois-ci le sud de l’Europe. Mais ça, c’est une autre histoire …

4 réflexions sur “J68 – mardi 4/8 – Bergen(N)/Oslo(N)/Marseille(F)

  1. salut Gaêl
    Bravo pour ce parcours réalisé dans des conditions atmosphériques difficiles.Bravo pour ce courage;
    Merci, de nous avoir emmené avec toi dans cette aventure, merci pour le partage des photos et récits. J’en garde un merveilleux souvenir.
    Je te souhaite de récupérer physiquement et moralement . Le soleil t’aidera sans doute un peu.
    Au plaisir de te voir un jour à mon passage sur Toulouse.
    Amicalement
    marcel

  2. Merci frangin pour cette jolie et pluvieuse aventure…
    On s’est vite attaché à tes résumés journaliers ponctués par tes belles photos.
    Il y a plus de deux mois, c’est le militant qui à quitté Blagnac et au bout du chemin, un poète que l’on va retrouver.
    Au terme de ce voyage et de ce récit, tu me fais penser à Don Quichotte (les moulins…, le destrier,le compagnon de route…) qui n’en a certainement pas fini de sa  » Vélorution « .
    Emmanuel

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