J117 – dimanche 26 mars – Sralau / Stung Treng

Après une bonne nuit passée dans ma retraite monacale, je me réveille aux aurores. Je me douche sommairement, déjeune de quelques bananes, plie mes gaules.

A 6h30 je suis déjà dans les starting-blocks. Je quitte mon monastère bleu. Les quelques jeunes moines officient déjà à l’intérieur.

Quant à moi, je reprends la route 64. Et je suis également à 64 kms de ma destination finale : Stung Treng. Ce sera une courte étape. Je devrais y arriver en fin de matinée.

La route est un peu plus vallonée qu’hier. De plus, ce matin, je chope le vent dans le pif. Et, évidemment, en ce dimanche, le trafic est moins important. Je ne prends ni charrette, ni autre engin pour me couper le vent. Tant pis. Je m’arrête pour acheter deux chaussons au riz fourrés à la banane. Ce fera office de p’tit déj’. Vers 9h00, je repère un kiosque à café à la sortie d’un village. Je vous refais la séance émotion d’hier.

Donc. Imaginez que vous rouliez sous le cagnard depuis bientôt 2 ou 3 plombes. Les longues montées se succèdent. Les cuisses durcissent dans l’effort. Le paysage est d’une sécheresse infinie. L’eau de votre gourdasse est déjà chaude. Le vent chargé de poussière et de chaleur vous assèche la bouche. Le short et le maillot sont déjà ruisselants de sueur. Au loin, un kiosque à café apparaît. C’est enfin l’heure espérée. Il est tenu par une jeune et charmante cambodgienne au sourire Ultra-Brite. Vous passez votre commande en langage petit nègre : a black café with sweet sugar som toï. Rien que de regarder la préparation du café glacé est un plaisir. Elle vous sert votre verre rempli de ce liquide noir et glacé. Vous trempez la paille à l’intérieur. Les glaçons s’entrechoquent. Vous avalez une première gorgée. Ce n’est pas de la bière mais c’est aussi bon. La suavité du café glacé légèrement sucré vous descend dans le gosier. Vous croquez de petits morceaux de glace pilée qui vous rafraîchissent le palais. C’est frais. C’est bon. On se croirait à la montagne.

Arrive alors un gros pickup blanc. Des inscriptions en cambogien se trouvent sur les côtés. Des personnes en tenue de camouflage en descendent. Je pense qu’il s’agit d’une équipe de gardes d’un parc national tout proche. La femme qui était au volant s’approche du kiosque. Elle est en face de moi. Elle a la trentaine. Elle est grande pour une cambodgienne. Malgré sa casquette à large rebord qui lui couvre entièrement la tête, je remarque sa magnifique chevelure de jais. Elle a de véritables yeux de biche. Elle me regarde. Je la regarde. Elle me sourit. Je lui souris. Temps suspendu. Ces secondes durent une éternité. J’avale une autre gorgée de ma divine boisson glacée. J’aimerais que cette amazone vienne à ma table et reparte avec moi. Après quelques minutes, ses subalternes ont acheté quelques provisions de bouche et remontent dans le véhicule. Elle finit sa consommation, la paie, me regarde une toute dernière fois, me salue d’un mouvement de tête, monte au volant de véhicule, démarre puis s’en va à tout jamais.

Mon dernier plaisir est de verser la glace au goût de café dans ma gourde. Je remplis d’eau. Cela me fera une boisson gouleyante pour quelques kilomètres. Je reprends ma route. Les enfants me lancent toujours leur joyeux « Hello ». Je leur réponds tel un automate. Je pédale pour aller je ne sais où. Je suis seul au monde. J’ai plus de 60 piges. Mon coeur saigne. Même ce bâtiment me renvoie à ma solitude désirée et assumée.

J’avance tel un automate pédalant dans le néant. Heureusement, j’arrive sur ce gigantesque fleuve qu’est le Mékong. Je le franchis par un pont qui l’enjambe avant d’arriver à destination. Des buffles s’y baignent. D’autres paissent tranquillement sur la rive verdoyante.

Il n’est pas encore midi. J’arrive à destination. Je passe une bonne heure à la recherche d’un hébergement Guesthouse ou Hôtel. Même ceux du centre n’ont pas la wifi suffisamment performante pour me permettre de charger mes photos. Je finis par choisir un Guesthouse en désespoir de cause. Je me retrouve au 4ème et dernier étage dans une grande chambre sans aucun charme et avec un ventilo que je n’arrive pas à empêcher de tourner pour rien. Je pars ensuite déjeuner dans une gargote du marché tout proche. Je m’installe à l’une des deux seules tables. Une femme de mon âge y déjeune. Elle me propose de goûter ces petits coquillages vendus un peu partout dans le pays. Ce sont comme de petites praires au goût savoureux. Ils sont marinés dans des épices. Elles m’en ouvrent quelques unes avant de me saluer en souriant et de me laisser son sachet à moitié rempli. Même Mary trouve que c’est exagéré.

Je passe une partie de l’après-midi dans la relative fraîcheur de ma chambre. Puis je vais me balader sur la grande avenue commerçante qui mène au Mékong. J’y retrouve Jacques, croisé en arrivant à mon hôtel. C’est un baroudeur au long cours. Il vit à La Ciotat mais passe une partie de son précieux temps à voyager à vélo. Il a fait, entre autre, la route 66 aux US, la Patagonie, l’Afrique de l’Ouest. Il vient du Laos et descend vers Saïgon avant de rentrer en France. Nous passons la soirée à discuter devant quelques bières. J’oubliais de préciser. Jacques aura bientôt 75 ans. Impressionnant !

Je rentre dans ma chambre pour étudier mes cartes. Après avoir pris des infos en ville, je ne sais plus trop où je pars demain …

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