En ce mardi 14 juillet, Fête Nationale, ici c’est la fête des avions. En effet, je suis dans un couloir aérien et suis réveillé par le bruit des avions qui entame leur approche du méga-aéroport d’Amsterdam Schiphol. De plus, de gros nuages noirs avaient fait leur apparition hier soir et il a plu cette nuit. Le ciel est plombé et la journée s’annonce humide. Il faudra faire avec. Je déjeune sur mon banc et sous un léger crachin avant de plier le barda trempé. Cela faisait longtemps …
Je reprends mon périple en suivant toujours l’EV12. Heureusement d’ailleurs que je suis cet axe sinon j’aurais de sérieux problèmes pour alimenter mes iMachins, notamment avec le GPS qui me bouffe beaucoup d’énergie. Ma batterie autonome, que je charge en roulant grâce à ma Dynamo dans la roue avant et mon système eWerk, ne suffit pas à recharger mes 2 appareils. En traversant les rares bourgades dans cette chevauchée vers le nord à travers les parcs nationaux, je découvre des maisons à l’architecture typique des P-B.

De temps en temps, je tombe sur de splendides demeures aux toits de chaume.

Voire une charmante petite église également au toit de chaume.

La pluie s’est invitée alors que je serpente à travers le Parc National des Dunes de Nord. C’est hyper sauvage. En cette matinée maussade, je ne croise pratiquement personne. Les paysages de dunes et de forêts de pins se succèdent découvrant parfois la mer du Nord.

Je m’arrête boire mon café et déguster un délicieux gâteau chaud aux pommes et à la cannelle et essaie de joindre mon frangin Franck, que je suis allé voir en Normandie, qui fête aujourd’hui ses 56 ans déjà. Mais ni lui, ni Corinne ne sont sur Whatapps et je ne peux communiquer qu’avec la Wifi. Bon anniv’ Franck !
Comme ce bonhomme, je regarde au large si je vois des éclaircies mais c’est pas gagné. Le ciel est bien plombé et il tombe des cordes mais, vêtu de ma tenue de marin-pêcheur, je continue ma route sans broncher.

La mer se confond d’ailleurs avec le ciel et il est difficile de discerner le voilier qui croise au large derrière cet océan de dunes.

Par bonheur, le long de la route, je tombe sur un champ de fleurs qui apportent une belle note de couleur dans cette matinée bien grisâtre.

Midi passé, je m’arrête dans la station balnéaire de Callantsoog pour déjeuner et, après moultes hésitations vu le nombre de restaurants proposant tous des menus fort alléchants, je finis par me prendre un hamburger poulet-frites à emporter. Mac’Do peut encore aller se rhabiller. Pour 6,50$, j’ai de quoi manger pour 3 avec de vraies frites et un morceau de poulet énorme … Le vélo, ça creuse sacrément l’appétit. Je m’éloigne de la ville pour déjeuner tranquillement à l’écart et trouve un banc où je m’installe. Puis je sors ma popote pour me faire un petit café accompagné de ma barre de chocolat.

Je profite d’une éclaircie bienvenue et d’un rayon de soleil pour faire sécher ma tente. C’est alors qu’un vieux monsieur promenant un chien me demande en néerlandais s’il peut s’asseoir. Je lui réponds en anglais que je ne le comprends pas mais qu’il peut bien évidemment poser son céant. Il me demande alors, dans un très bon français, si je ne suis pas du pays de Voltaire justement. Et nous commençons à deviser. Il me dit s’appeler Jans et avoir été, dans une vie lointaine, prof … d’Espagnol à Besançon; très belle ville avec sa citadelle construite dans un cingle du Doubs dans laquelle je suis passée l’an dernier lors de mon périple vers Budapest.
Puis il aborde le sujet du vélo et me demande si, en France, cela a évolué depuis son dernier voyage. Bien évidemment, mon discours est négatif. Celui-ci m’explique que ce fût un choix politique fort après la guerre quand il a fallu reconstruire le pays et, contrairement à la France où nous avions un grand nombre de constructeurs automobiles (Peugeot, Citroën, Renault, Panhard, …) et qu’il fallait faire vivre cette filière donc développer ce système, les Pays-Bas n’avaient pas cette « contrainte ». D’où la construction en parallèle de pistes cyclables, de voies piétonnes et de routes et le développement d’un réseau de tramway très performant dans chaque ville. Je lui raconte que c’est la raison pour laquelle je m’étais présenté aux élections municipales de Blagnac en proposant de déconstruire ce « Système Voiture » au profit du « Système Alternatif » (avec ces modes de transport évoqués). Mais que ce « Système Voiture » (pub débiles où on voit des véhicules connectés se baladant dans des villes désertes, image sociale de la voiture, budget faramineux pour construire des infrastructures, dépenses générées par ce Système, …) était tellement ancré dans les mentalités qu’il était très difficile de faire bouger les lignes. Quand je disais en rentrant de Budapest que nous avions 30 ans de retard, je rectifie : c’est 70 ans de retard. Un gouffre à combler !!!

J’aime d’ailleurs à prendre l’exemple de Los Angelès vu dans le superbe documentaire suédois « Cars VS Bikes » dans lequel il est rappelé que, au début de XXé siècle, cette ville était une des villes au monde avec le meilleur réseau cyclable et tramway. Mais General Motors a racheté le tramway géré alors par la ville, démantelé les rails et foutu les wagons dans le Pacifique. Idem pour les pistes cyclables. Tout cela pour construire des routes et vendre leurs bagnoles. De plus, avec l’American Dream, chacun voulait sa maison individuelle. D’où cette ville immense où il faut dorénavant 1h30 à 2h00 pour se rendre à son boulot en voiture sur des autoroutes à 2 * 6 voies !!!
Nous ne cessons de répéter que la construction d’infrastructures routières ne fait qu’aspirer encore plus d’autosolistes dans ce Système. Alors qu’en offrant un réseau cyclable de qualité, comme ici, les gens ne se posent même pas la question et circulent à vélo (20 à 25% de port modale). CQFD et fin de la digression militante.
Jans me dit également qu’en 1953 là où nous sommes assis, la mer était passée par dessus les dunes et avait inondé toute la zone. Son chien ayant une forte envie d’aller se baigner, Jans finit par me quitter. Je le remercie pour ce moment convivial à parler français, je plie la tente et reprends la route vers le N-O de Hollande-Septentrionale où, après avoir pris la roue d’un couple à VAE pour me couper le vent de travers, je prends à droite vent plein ouest dans le dos vers le phare, pousse sur les pédales et atteins les 30km/h. On s’amuse comme on peut …
J’arrive dans la zone de départ du ferry mais il y a des panneaux EV12 dans tous les sens et je ne sais plus trop où aller. Je finis par demander à une personne qui dirige les voitures vers l’embarcadère et me dis que ce ferry ne dessert que l’île de Texel et qu’il me faut contourner la baie.

Et là, cela devient chiant. La piste suit la route et, à part de grands champs sablonneux plantés de fleur, il me faut, comme en France, prendre des tours et des détours, traverser des ponts à bascule …

… longer et franchir des canaux pour arriver à Den Oever à la pointe N-E de cette région.

En suivant la digue en bord de mer, je tombe sur un petit camping mais il s’est blindé de caravanes et de camping-cars, comme la plupart des campings en bord de mer d’ailleurs à cette époque estivale. Cela ne me tente guère. Je poursuis mon chemin et finis par tomber sur un cul-de-sac à l’abri de la digue. Ce sera parfait pour bivouaquer. Je plante ma tente cul au vent et monte sur la digue pour dîner et profiter du paysage que m’offre Dame Nature.

Je passe ma soirée, allongé dans l’herbe bien au chaud dans mon duvet, à bouquiner et admirer le spectacle. Que du bonheur !!! Il ne manque qu’une baroudeuse à mes côtés pour partager ces moments magiques.

Résumé : 95kms, 5h15, 18.3km/h, bivouac
Le nouveau premier ministre vient de décréter le lancement d’un plan vélo ambitieux…
Voilà qui va te faire plaisir.