Je dors comme une marmotte. J’ai cette chance de pouvoir me poser n’importe où, de mettre mes boules Quiès et de roupiller. Ce qui n’est pas vraiment le cas d’Iker qui, sans matelas, a tenté de dormir dans un des 2 fauteuils noirs à moitié défoncé. Il me réveille vers 6h30 du mat’ en me tirant sur le duvet. Une personne du camping est déjà présente dans la boutique qui jouxte notre salle. Je lui dis de ne pas s’inquiéter mais me lève quand même. Par contre, Iker est déjà sur le départ. La panthère rose en a marre de ce temps pourri et aimerait rejoindre Egersund rapidement pour prendre le train de Stavanger et réparer son vélo. On s’échange nos numéros et on se quitte. C’est toujours un moment difficile, quand après quelques jours passés ensemble, il faut se séparer et reprendre chacun sa route. Je lui dis de faire gaffe car il veut couper au plus court et suivre la route principale 465. Puis il part. J’espère te revoir ici peut-être, à San Sebastian, Toulouse ou ailleurs et je te dédie cette journée Iker le basque fantasque.

Par contre, il y en a une qui ne nous a pas quittés depuis quelques jours. Elle est encore là ce matin et devient légèrement collante. On aimerait bien s’en défaire un peu mais elle s’inscruste cette pernicieuse. De plus, qu’est-ce qu’elle mouille cette petit cochonne ! Ce matin elle est plutôt d’humeur bruineuse. Mais elle nous colle quand même aux basques (si je puis dire …). Et oui, notre amie la pluie est là ! Je déjeune tranquillou, consulte mes cartes et repars vers 8h30. Je suivrai l’itinéraire cyclable quitte à faire plus de kilomètres et de dénivelés. C’est reparti. Je croise à nouveau de belles demeures sur la route qui longe la côte.

Puis je prends à droite plein nord pour rejoindre Knivesdal tout au fond d’un fjord. Évidemment il faut traverser à nouveau des montagnes, longer des fjords ou des lacs. Mais, malgré la météo, que ces paysages sont grandioses !

A un moment donné, je quitte la route bitumée pour emprunter à nouveau une piste. Je vérifie sur mon GPS que je ne branche pas en permanence avant d’attaquer cette partie que je pense ardue. C’est bien la bonne route. J’attaque à nouveau tout à gauche en me disant que, finalement, ce ne serait pas mal aussi d’aller élever des escargots dans le Haut-Var par exemple … Mais là, il faut que j’appuie sur les pédales.

C’est rude. En plus de cela, après qu’Iker ait pété un câble, moi c’est l’élastique que je pète en enlevant mes câles rapides; en l’occurrence, ceux de la protection chaussures de mon pantalon ciré. Il faut dire qu’avec l’humidité le matos est soumis à rude épreuve. J’aurais du collage et de la couture à faire pour ce soir.
Je ne rencontre absolument personne. Pour le café, ce n’est même pas la peine d’y penser. A part quelques hameaux ou fermes isolées, je ne croise aucun village, ni aucun commerce évidemment. Que des décors sauvages noyés dans la brume et la bruine …

… excepté un couple de lamas et son petit perdus dans ces montagnes norvégiennes si loin de leur Amérique de Sud natale.

Je finis par arriver au fameux croisement avec la voie rapide E89 couplée à la route 465 qui va directement à Feda. Cet axe est interdit aux vélos et aux piétons. J’inspecte les lieux et trouve effectivement que c’est hyper dangereux : pas de voie de service, un tunnel de 2kms à emprunter, de la circulation. Je préfère faire une quinzaine de bornes en plus et traverser ce fjord à Kvinesdal que de prendre des risques inutiles et de me retrouver dans un fauteuil roulant voire pire. Je pense qu’Iker a dû malheureusement emprunter cet axe. Je prends donc la « route des crêtes » qui surplombe la vallée.

J’arrive enfin à Knivesdal. Il est bientôt 13h. Je me pose dans un restau italien pour y dévorer un hamburger américain avec des frites. La pizza (16€ la margarita) attendra mon retour en France. D’ailleurs je suis le seul client. Peut-être aussi parce que la serveuse ni norvégienne, ni italienne n’est vraiment pas accueillante. Au moment de payer, alors que la serveuse est partie sans même me dire au-revoir, je sors un billet de 200NOK ayant calculé une addition de 175NOK. Le cuistot me dis 215NOK. Je lui demande de répéter et de me montrer l’addition pensant qu’ils m’ont compté un double-hamburger. Mais non, ce sont les frites qui sont en plus. 4$ pour des frites congelées ! Je lui demande « if it is a joke ? « et lui dis que je n’ai encore jamais vu un hamburger servi sans frites ou autres. Finalement, il me prend mon bifton de 200 et je me casse. Si vous passez un jour dans le coin, vous pouvez éviter le restau italien « La Scala ».

J’ai quand même pu me connecter à la Wifi et ai eu un message vocal d’Iker qui est planté dans la station de train de Storekvina à 9kms au nord d’où je suis ! Il attend le train de 17h pour Stavanger en n’étant pas sûr de pouvoir monter son vélo alors qu’il voulait le prendre à Egersund beaucoup plus à l’ouest. Il a bien pris la route directe et s’est fait de grosses frayeurs en empruntant la voie rapide E89. Puis en s’arrêtant à Feda faire des courses, on lui a dit qu’il y avait un train où il attend maintenant. Sacré Iker !!! Si tu rencontres à nouveau l’Amour, je te dédie aussi ce menu.

De mon côté, je me dirige dorénavant vers Flekkefjord. J’emprunte également quelques tunnels, mais sur une route secondaire, pour ne pas avoir à suivre l’itinéraire vélo qui fait faire encore des tours et des détours ascensionnels.

Avant Feda, je passe en-dessous du pont de l’E89 qu’a dû emprunter Iker ce matin. Je comprends pourquoi il n’a pas arrêté de se faire klaxonner. La panthère rose a encore frappé …

De mon côté, je m’arrête aussi à Feda faire quelques emplettes au cas où. Puis j’attaque à nouveau une ascension dans laquelle je m’arrête pour déguster à nouveau des framboises sauvages alors que le Roi Soleil daigne percer quelques nuages et darder ses rayons sur ma vieille carcasse toute moisie. Malheureusement, ce ne sera que de courte durée et il réservera sa prodigalité à d’autres. « Tant pis, c’est la vie papa. » (dicton guadeloupéen).

Je profite toujours des paysages que je croise, à défaut de croiser des personnes. Et je fais bien d’en profiter car, quelques kms plus loin, je tombe sur la route 466 beaucoup plus empruntée. L’itinéraire est obligé de l’emprunter également si ce n’est de temps en temps de méchants détours pour descendre et grimper des rempaillous terribles. Je me demande quand même si les personnes qui tracent ces itinéraires l’ont déjà testés avec des sacoches ? Cela m’étonnerait.

J’arrive vers 17h00 à Flekkefjord, charmant port qui ferme un fjord. Je m’y balade dans ses petites rues piétonnes sans prendre le temps de prendre une bière. Et oui, l’heure du bivouac approche …

Et comme il ne pleut plus, j’envisage un bivouac sauve. Je traverse donc cette ville et suit l’itinéraire en direction d’Egersund à 60kms à l’ouest avec encore 3 belles bosses à grimper. Arrivé près du lac d’Halsavann, je repère une petite maison nichée sur un promontoire à droite de la route. Je vais voir. Elle est fermée et semble bien délaissée mais il y a une terrasse devant qui sera parfaite pour m’accueillir la soirée. Je monte le vélo avec difficulté et je peux dresser le campement. En fin de soirée, lors de ma balade digestive, je tombe sur des myrtilles qui ne passeront pas l’été. Je sors mon duvet et dodo sur ce grand canapé hyper confortable. Le ciel a l’air de s’éclaircir. Je croise les doigts avant de m’endormir et de rejoindre ma chère Morphée …

Résumé : 80kms, 5h40, 14.3km/h, bivouac