La nuit a été mauvaise. J’ai fait un vilain cauchemar qui me projetait dans le film « Affreux, sales et méchants » (Brutti, sporchi e cattivi) d’Ettore Scola. Je me réveillais sous un ciel plombé et un léger crachin alors que je venais de dormir dans une petite tente sur un plage italienne et que je voyageais à vélo chargé comme un mulet !

Après avoir déjeuné assis sur une planche soutenue par des troncs d’arbre (c’est bizarre des fois les rêves !), j’empruntais une route défoncée et bordée par une forêt sombre et inaccessible à cause de barbelés. Sur cette route défoncée, circulaient des véhicules vombrissant et me rasant de très près. Puis, en sortant de cette forêt, je longeais une ville interminable. Les bâtiments étaient d’une laideur incommensurable. Les plus insalubres étaient détruits par d’immenses pelleteuses alors que leurs habitants assistaient à ce triste spectacle. Les détritus jonchaient les rues. Les rares promeneurs étaient tristes comme un samedi gris et pluvieux. Les plages d’un sable sale ne donnaient pas envie d’aller se baigner.

Devant leur stand de lavage à la main de voitures ou devant une station-service distribuant de l’essence à 1,60€/litre, de vieux hindoux (c’est vraiment bizarre les rêves !) attendaient le client, assis sur de mauvaises chaises en plastique. Ils me faisaient penser à ces vieilles prostituées croisées à l’orée de sous-bois pendant un périple à vélo dans le sud de l’Europe. Elles attendaient aussi un éventuel client, engoncées dans des tenues les boudinant et laissant dégueuler leurs chairs avachies et maquillées outrageusement pour cacher l’usure du temps.
Alors que les véhicules continuaient de me raser les miches au risque de m’envoyer au paradis des cyclistes, des publicités pour une entreprise d’obsèques vantaient ses mérites et ses tarifs !

Un véritable cauchemar, vous dis-je. Et c’était vraiment affreux, sales et méchants (routes). Heureusement, au bout d’un peu plus de 2 heures, je me suis enfin éveillé. J’ai bu un bon café américain accompagné d’un beignet au chocolat dans la jolie station balnéaire d’Anzio. Le ciel était à nouveau bleu. Le temps était beau. Les amoureux en terrasse se disaient des mots doux. Les gens souriaient. J’étais au bord d’un petite plage où les familles commençaient à s’installer en ce beau samedi printanier.

Par contre, en traversant cette ville, je constate avec humour (anglais !) qu’il y a aussi des écologistes responsables et raisonnés par ici. Quelle surprise de voir une belle piste cyclable à l’anglaise en plein milieu d’une ville italienne !

Je sors de cette vile et emprunte une route qui contourne un énorme camp militaire en bordure de plage. Sur cette route, je m’arrête devant un mausolée dédié à un cycliste certainement tué par un automobiliste.

Puis je retrouve la mare et de petites stations balnéaires calmes et paisibles. Je m’arrête dans l’une d’elle à Borgo Sabotino dans la province de Latinia. J’y fais quelques emplettes pour mon déjeuner sur la plage : pizza, croquette de riz, yaourt et une bouteille de Peroni (66cl) pour la modique somme de 6€. Ils poussent quand même un peu à la consommation de bières vu le prix de la bouteille ! Je m’installe sur un tronc d’arbre et admire le paysage tout en observant les gens. D’ailleurs, je suis abordé par un black parlant français. Ils sont quelques-uns à arpenter les environs pour essayer de fourguer leur camelote. Il me dit qu’il n’a pas trop le choix. Ce que je comprends aisément. On discute un long moment et, pour me remercier, il me laisse un bracelet en cadeau. Sympa !
Et oui, la vie est bien faite : les hindous assis aux pompes, les blacks debouts en tong et les blancs couchés en transat ! Quant à moi, je repars assis à vélo au son de Dire Straits et aux effluves de Peroni …

J’emprunte toujours la strada Lungomare qui longe la mer comme son nom l’indique ! De l’autre côté de la route se trouvent de grands lacs : lago di Fogliano, lago dei Monaci e lago di Caprolace. Puis derrière ces lacs, la plaine et des montagnes au loin. Il y a beaucoup moins de monde que hier. Par contre, le stationnement est toujours payant et les pervenches veillent.

J’arrive en vue de la pointe que j’aperçois depuis un long moment. Le village au pied se nomme Mezzomonte. Je m’y arrête boire une boisson sucrée, manger une banane et faire le point sur la situation. De l’autre côté de la baie, je ne repère qu’une plage immense avec d’innombrables quadrillages représentant certainement des lotissements. Je pense que cela ne va pas être facile de trouver un bivouac par là. L’autre possibilité est de grimper en haut du massif. Vu que la journée a été sans relief, un peu de dénivelé ne me fera pas de mal ! Je trace ma route via mon GPS et attaque la mezzo monte … En bas de cette montée se trouve un bâtiment devant lequel il y a … une douche qui fonctionne parfaitement. C’est vraiment dommage qu’elle ne soit pas en haut du promontoire. Et aussi une arrivée d’eau. J’en profite pour refaire le plein et attaque. Il n’est que 17h mais la frondaison et l’étroitesse de la route rend cette montée magique.

Par contre, j’arrive devant une autre station de pompage et la route bitumée se termine là. Ensuite il y a une piste forestière. C’est vraiment pénible ce GPS vélo de Maps.me qui m’envoie sur ces pistes. Je pose le vélo et pars en repérage. Je croise un groupe de randonneurs qui m’indiquent que la route bitumée n’est plus très loin et que ça passe à vélo. Je redescends et repars avec mon destrier. A part quelques passages délicats, ça passe effectivement sans problème.

Tant que j’y suis, je grimpe jusqu’au Monte Circello où se trouvent des antennes militaires. Je suis tout à gauche à 6km/h mais il n’y a pas de gros pourcentages et c’est assez régulier. Cependant, les quelques randonneurs, cyclistes et automobilistes que je croise doivent me prendre pour un grand malade. Ce qui n’est pas complètement faux … Par contre, la route est hyper escarpée et il n’y a pas de replat où bivouaquer. Je trouve juste un endroit en bordure de route qui fera l’affaire. Je me pose, me lave, me réhydrate avec ma Peroni du soir bien méritée et dîne dans une quiétude extraordinaire et devant la mer qui s’étend à l’infini devant moi. Quel pied !!! Devant moi, 3 îles émergent dont la principale Isola di Ponza.

Avant que je n’oublie, je voulais dédier ce fantastique bivouac à mes « Suédoises du sud » … vous savez les deux cousines Julie et Bénédicte croisées l’an dernier à La Rochelle. Elles sont reparties en périple ce matin chacune de leur côté et devrait se retrouver au Grau-du-Roi. Et pour aller où ? Je vous le donne en mille. Comme l’an dernier, elles continueront à suivre ma trace et se dirigeront vers le nord de l’Espagne. Je les ai prévenues des difficultés qui les attendent. J’attends de leurs nouvelles. Quant à moi, je vais essayer de planter ma tente dans la caillasse.
Résumé : 100kms, 5h50, 17,1km/h, temps couvert, bivouac