Bien m’en a pris de prendre cette chambre, même si celle-ci est sans eau chaude, sans wifi, sans commande TV (m’en fous), sans coin repas malgré un frigo (?). Et, comme les proprios sont partis, je fais sans ! En effet, vers 2 heures du mat’, alors que je suis en plein sommeil, j’entends un grand bruit. C’est le disjoncteur qui vient de sauter. Un méga orage explose. C’est le déluge. Je suis bien au chaud dans mon petit lit. Heureusement que je ne suis pas sous la tente … Au lever, il pleut. Je m’équipe en conséquence et je reprends la route vers 8h.

Je dois remonter sur la route SH8 depuis la mer. J’ai les muscles durs ce matin. Et il me faut enquiller à froid cette forte pente à 10%. Belle séance de RPM (Round Per Minute comme les hamsters qui pédalent en cage) pour débuter cette journée. Dès que je retrouve la route entre mer et sommet, la pluie redouble. C’est un véritable déluge. Je me tape 400m de D+ avec des successions de montée/descente.

C’est dommage. Le paysage est sauvage et superbe. Sous la pluie, les senteurs de romarin et de thym exhalent. A un moment, je retrouve des paysages de terre rouge comme autour du lac du Salagou dans l’Hérault. Alors que je suis sur un faux-plat, je croise un cyclotouriste bien couvert. On s’arrête et discute. C’est un belge de Gand qui est parti d’Allemagne, a traversé le continent jusqu’en Grèce avant de remonter chez lui. Il circule sur un vélo électrique le veinard. On se souhaite bonne route et ça repart sous le déluge.
Une fois le col franchi, je descends les mains sur les freins jusqu’à Himarë en bord de mer pour me réchauffer et boire mon café. La pente est raide, limitée par endroit à 20km/h et détrempée. Je fais hyper gaffe. D’ailleurs, il va falloir que je pense à changer les patins, sans parler de la chaîne et de la K7 voire les pneus ! Par contre, l’addition me semble un peu corsée pour un café américano. J’ai l’impression que les prix, comme les routes ici, grimpe en se rapprochant de la Grèce.

Faut que j’y retourne. La pluie est annoncée pour toute la journée et même pour la semaine. J’espère qu’il fera plus beau au sud …
Les montagnes russes se poursuivent. Je monte tout à gauche. Je descends tout à droite. Je prends cher par en haut. C’est vraiment la plus belle partie de l’Albanie de ce que j’ai parcouru. Dommage que la météo ne soit pas terrible … En longeant la côte, derrière une crique au sable fin pas encore investie par les hôtels, je repère au loin un abri de navires militaires.

Pluie (sic!) plus loin, c’est un vieux village perché sur son éperon rocheux qui domine la vallée. Vraiment pas le courage d’y monter.

Alors que je traverse un nème village perché à flanc de colline et que je dois regrimper sec, j’ai comme un mauvais pressentiment. J’essaie de positiver, de me dire que tout va bien, de ne pas penser au Portugal où j’avais explosé ma chaîne debout sur les pédales dans une pente à 15%. Je pressens quelque chose. Malgré tout, je continue à appuyer fort sur les pédales vu le dénivelé.
Mais, un léger bruit, une mauvaise sensation, un petit craquement par ci, par là, je sens venir les emmerdes. Je trouve un abri sous un balcon à l’entrée d’un poulailler. Je vérifie la transmission : j’ai un maillon qui est en train de céder ! J’essaie de réparer avec ma maigre trousse à outil et, notamment, ma paire de pinces. Mais je n’arrive pas à réinsérer l’axe du maillon dans la plaquette. En désespoir de cause, je vais frapper à la maison au dessus. Au RDC, c’est une mamie au visage parcheminé et abimé par le temps qui me reçoit. Aucune chance de ce côté-là. Je grimpe au 1er et c’est son fils qui m’ouvre. Je lui demande de venir voir. Je lui explique le problème. Il part chercher quelques outils dont un marteau et un burin (!) mais surtout une méga pince auto-bloquante. J’essaie de bien fixer le maillon et, après plusieurs tentatives, clac ! L’axe s’est réenclenché dans la plaquette. Je remercie mon sauveur et reprends ma route en espérant que ma réparation tienne jusqu’à un prochain vélociste …

Il est plus de 14 heures et je n’ai toujours pas mangé. Après ces émotions, je commence à avoir grave les crocs. Je finis par dénicher un café-restau en bord de route où un méchoui est en train de cuire. Je m’arrête et déjeune copieusement : salade grecque, méchoui / frites, bière et café pour 10€. Et oui, les prix grimpent ! Il est plus de 15h lorsque je reprends la route. La pluie s’est arrêtée. Pourvu que ça dure !

Je continue à monter et descendre dans ce paysage sauvage. De temps en temps, je croise un pâtre non pas grec mais albanais avec son troupeau de moutons ou de chèvres. J’aperçois aussi les cabanes dans lesquelles il doit dormir une fois son bétail rentré. Sacré vie …

La chaîne a l’air de tenir le choc. J’espère qu’elle tiendra jusqu’à ma prochaine escale et que je trouverais un vélociste. En attendant, j’aperçois au loin l’île de Corfou. Je repense à ce que me disait mon ami Vincent avant de partir au sujet de cette île et de son vol direct vers Toulouse. Pour l’instant, je file dans une grande descente qui sent bon la fin des casse-pattes. Je croise un couple de jeunes hommes en Gravel. Décidément, cela devient à la mode. On se salue. J’ai presque failli les encourager avec un « Good luck ! ».

J’aperçois au loin une petite chapelle et, derrière, la plaine qui annonce, je l’espère, des profils plus doux que ces 2 derniers jours.

Vers 17h30, j’arrive enfin à Gjashtë. Je me pose dans un café pour y trouver de la wifi et réserver une chambre pour ce soir. Mes affaires sont trempées et moi fourbu physiquement et mentalement. Je trouve un hôtel à mon tarif albanais (20€) à 700m d’où je suis. Parfait. Je le trouve facilement. Mais il est fermé. Décidément ! J’avise un berber (le barbier de service) qui se trouve juste en face. Je lui demande en anglais s’il sait si l’hôtel est ouvert ou pas. Malgré qu’il soit occupé avec un client, il prend la peine de téléphoner. C’est bien fermé. Je me connecte à sa wifi pour trouver un autre hébergement et prévenir Booking.com de mon annulation.
Je trouve une chambre dans une maison pas trop loin d’ici. Et me voilà reparti à crapahuter, après avoir fait quelques provisions de bouche, dans un quartier perché sur la colline. Ça grimpe sec à nouveau et … CRAC !!! La chaîne casse. BADABOUM ! Me voilà encore le cul par terre. Rien de cassé (si ce n’est la chaîne). Juste un nouveau bobo sur le genou. Je ramasse la chaîne et continue mon chemin en poussant mon pauvre destrier qui est bien fourbu lui aussi. Un groupe d’ados me tapent la causette en anglais. C’est sympa les gars mais j’aimerais bien me poser.
Je trouve enfin la maison « Eglent Tourist House ». Tous les volets sont fermés. J’espère que le portail, lui, est ouvert et qu’il y a bien quelqu’un. C’est ouvert. Je rentre. Frappe à la porte. Attends. Une vieille dame m’ouvre et me baragouine en albanais que je ne maitrise toujours pas bien. Puis elle part derrière la maison et revient avec son petit-fils qui, lui, parle anglais. Ouf ! Tous les deux sont d’une gentillesse extrême comme la plupart des albanais croisés. Elle m’offre même une bouteille d’eau minérale. Il est 19h30. Je peux enfin me poser après cette rude journée. Je mets mes affaires à sécher sur le balconnet. La vue y est splendide.

Demain il fera jour et j’aviserai pour mon problème mécanique. TOUT SE FERA !
Résumé : 75kms, 5h20, 14,1km/h, pluie, chambre
C’est ballot, GaËl, deux jours avant tu es passé devant un magasin de vélo !
Tu parlais même de t’installer pour réparer les vélos.
Ceci dit, aujourd’hui a commencé ton apprentissage…