Réveillé par le silence ambiant. Je sors le nez de mon igloo pour aller me vider la vessie. Tout est couleur métal ce matin. La mer est d’un calme olympien. Le ciel est couleur mer. Les îles au loin sont comme figées. J’ai l’impression d’être au-dessus de la mer de nuage lorsque je randonne dans mes belles Pyrénées. Seul un bateau de pêcheurs perturbe ce calme troublant.

Comme chaque matin, le rituel s’instaure. Je déjeune assis sur un rocher qui est couvert de coquillages fossilisés. Et dire qu’il y a des millions d’année, je me serais retrouvé à déjeuner sous la mer ! Alors que je quitte cet endroit paradisiaque, je me trouve coincé par le portail qui a été verrouillé (et pour de vrai, cette fois-ci). J’avise une femme en tenue légère en train de nourrir une armée de chats. Je lui fais comprendre que j’aimerais bien reprendre ma route. Elle m’ouvre le portail et je quitte ce superbe endroit.

Le Roi Soleil a décidé de faire la grasse mat’ ce matin. La température est très agréable. Je suis protégé du vent. J’avance dans ce silence et ce cadre spectral. Seules, les clochettes des chèvres et des brebis en bord de route ou dans les montagnes ainsi que les camionnettes qui livrent les nombreuses fermes marines implantées sur cette côte.

Je continue plein sud à l’abri du vent pour franchir ce cap avant de basculer vers Astakos. Je monte tranquillement à 8km/h en profitant de cette splendide vue sur ces îles avant de plonger à 50km/h dans les descentes. Lorsque je franchis ce cap, le paysage des îles changent. C’est dorénavant un chapelet d’îlets qui s’offrent à ma vue.

Vers 10h, j’arrive à Astakos en fond de baie où je m’arrête dans un super café pour ma pause matinale. Il y a déjà beaucoup de monde en terrasse et ça jacasse fort !
Une pensée aussi pour mes ami.es de L’Arche qui ont dû rentrer de leur séjour à Rome pour fêter les 25 ans de la Communauté. Seule une équipe réduite est restée pour assurer la continuité du maraîchage bio. Comme on ne reconnaît pas les personnes (mais moi je sais qui est qui), je me permets de publier cette photo. A ce sujet, vous remarquerez que c’est du fait-main. Alors oui, effectivement, c’est plus cher que le conventionnel. Mais, quand on est grassement payé, le cul posé devant un ordi au chaud tout l’hiver et au frais tout l’été, pour ne pas produire grand chose d’utile, on ne la ramène pas trop. Et je parle en connaissance de cause !

Avant de quitter ce fort sympathique café (à gauche sur la photo), je vais regarder le résultat de la pêche du jour : de beaux rougets sur la caisse du haut.

Je repars de cette baie et il me faut à nouveau grimper sur la colline pour en sortir. De majestueux vieux chênes verts me saluent au passage. Je plonge ensuite dans une large vallée céréalière, fruticole et viticole arrosée par l’Acheloos. Je roule grosse plaque. Les conditions sont idéales. Ni vent, ni soleil, ni dénivelé. A 13h, je m’arrête déjeuner dans un restau ouvrier dans le village de Katochi. Au menu : salade grecque, bœuf en sauce servi avec riz et frites, bière et café pour 13,50€. Après ce repas et ce répit, je repars repu et reposé. Avec ça, je devrais tenir jusqu’à ce soir.

Après avoir traversé ce beau fleuve (le plus beau que je vois depuis mon départ), je continue mon chemin dans cette vaste plaine.

J’arrive à Etoliko, ville qui me semble très pauvre, où une immense lagune (c’est aussi un parc national) s’étend de part en part de ce pont. Par contre, à partir d’ici, le vent se met à souffler très fort. Il vient de la mer et je l’ai en plein dans le pif. J’avance à 12 à 13km/h nez dans le guidon quand je vois un gars en Gravel me doubler en me saluant tout juste. Comme un couillon de cyclistes, j’accélère et lui chope la roue pour m’abriter du vent. Je lui fais un petit signe alors qu’il regarde dans son rétro. Cela n’a pas l’air de lui plaire vu que, à peine une borne plus loin, il met le clignotant et s’arrête. Mauvais joueur !

Je file ainsi dans la plaine jusqu’à Mesolongi toujours avec ce maudit vent. La route E05 est parallèle à l’autoroute A5 qui attire la majorité du flux routier. La route devient beaucoup plus tranquille. J’arrive à l’entrée d’Evinochori par cette route pour continuer en direction d’Antirio. Mais juste avant le pont qui franchit le fleuve (à sec) Eymos, est posé un panneau « voie sans issue » ! Et, à l’entrée du pont, d’énormes blocs de béton en interdit l’accès. Je m’arrête pour consulter mes cartes alors que je vois un piéton sur ce pont. Si un piéton passe, un vélo passe aussi. Alors que j’allais franchir l’obstacle, deux gros 4*4 Range Rover se pointent. Ils sont immatriculés en France. Les passagers me voient. Je les salue habillé de mon maillot distinctif du Stade Toulousain. Pas un retour. Pas un regard. Ils ne me calculent pas du tout. « Allez vous faire foutre connards ! ». Moi je passe !

J’attaque à nouveau la montagne. Le vent se calme à l’abri de celle-ci. Je m’arrête dans un village pour téléphoner au fiston à Montréal pour mes problèmes de téléphonie. Il me confirme que ma carte SIM est périmée et qu’une nouvelle m’a été envoyée à mon appart. C’est malin. Je vais voir avec mon amie Jessy comment on procède pour que je puisse la récupérer au plus vite. Sans 4G, ce n’est pas toujours simple surtout s’il m’arrive un gros pépin. Je laisse le jeune patron et son vieil acolyte à leur jeu de cartes et je repars.

L’heure avance salement. La météo se gâte. Je suis encore à une dizaine de bornes d’Antirio. Je décide de m’arrêter le long d’un parking pour planter la tente. J’ai une vue exceptionnelle sur l’estuaire qui me sépare du Péloponnèse. Le temps de planter le bivouac, l’orage éclate ! Je me réfugie à l’abri. Ce soir, ce sera figues, gâteaux secs et chocolat au dîner. Bonne nuit les petits …

Résumé : 105kms, 6h20, 16,6km/h, nuageux, bivouac