La nuit a été dantesque. Vers 2h du mat’, j’ai été réveillé par la tempête. Ma tente tangue. Les deux piquets du derrière ont été arrachés. J’ai l’arrière de la tente empêtré dans mon duvet. J’enfile mon tee-shirt et sors pour les enfoncer à bloc. Ça souffle incroyable. J’essaie de me rendormir mais, malgré mes boules Quiès, j’entends le souffle du vent mugir dans ces montagnes. Vers 7h, je décide de sortir et de plier vite fait mes gaules. Le beau temps est revenu. C’est déjà ça.

J’ai la désagréable impression d’avoir retrouvé le bora. Balayé par les rafales, je descends prudemment la pente qui va vers Antirio à 10 kms d’ici. J’arrive les bras tétanisés à force de crispation. Heureusement, en ce samedi matin, la circulation est fluide. Je me dirige vers l’embarcadère pour traverser l’estuaire. Il y en justement un qui s’apprête à partir. Les gars du service m’invitent à bord sans payer. Je profite de la traversée pour déjeuner à l’abri.

Je mets enfin pied à terre dans le Péloponnèse. Je me retourne une dernière fois sur ce gigantesque pont et sur La Grèce Occidentale avant de filer vers Patras.

Je longe au maximum le bord de mer et évite le centre très fréquenté en ce samedi matin. Comme partout, les gens marchent, courent, roulent, se baladent, promènent leur chien. De mon côté, je vais longer la côte en suivant l’ancienne route E09 vers Pyrgos.
Je m’arrête dans une boulangerie-café en bord de mer. La serveuse m’offre un mini-croissant et une mini-chocolatine avec ma café américano. Trop sympa. Avant de repartir, je passe un appel à mon pote Nico du Montcalm qui fête ses 18 mois de congés sabbatiques et son prochain départ à vélo sur les traces de mon périple de 2020 mais en restant en France. Il va y avoir de la viande saoule au Petit Nice ce soir ! Je repars et visualise la pointe tout au fond où je me rends.

Par contre, j’ai du bol. Aujourd’hui, contrairement à hier, le Dieu Eole m’a à la bonne. Le vent souffle mais venant de la mer. Je le prends soit sur 3/4 côté, soit dans le dos. Je file donc bon vent. Dès que je peux, je longe la côte au plus près et c’est ma foi fort agréable.

En avançant vers la pointe de Paralimni et l’aéroport d’Aroxos, je traverse des plantations de pomme de terre. Il me semble que ce sont des hindous qui sont au ramassage en plein cagnard. Après l’aérodrome, ce sont d’immenses serres de fraisiers qui prennent le soleil. Elles sont d’ailleurs fort bonnes. Et toujours des hindous pour faire le sale boulot alors que les grecs encadrent et conduisent les véhicules qui font la navette entre les récoltes et la coopérative.

Je m’arrête après Aroxos dans un bar-snack fort agréable (avec vue sur les serres … on peut pas tout avoir non plus) pour y casser la croûte. Le patron ressemble à Demis Roussos. Et ses 3 filles, dont celle qui tient la caisse et qui poursuit également des études à Patras, sont charmantes. Il est 14h00, je reprends ma route vers Pyrgos à travers plantations de fraises, de choux et de patates. Je finis par rejoindre la route E09.
Juste à l’embranchement, une dizaine d’hindous font le pied de grue. Je m’arrête et essaie d’engager la conversation. Un des leurs parlent quelques mots d’anglais. Il me dit que lui est pakistanais et que ses compagnons d’infortune viennent effectivemente. d’Inde ou du Pakistan. Je comprends également qu’ils sont illégaux (illegal ?). Il faudra que la CEE m’explique comment on peut faire bosser autant de travailleurs clandestins au su et au vu de tout le monde ? Et comment les prix peuvent être équilibrés entre les pays membres si les règles ne sont pas les mêmes pour tous ? Un camion arrive. Ils grimpent dedans et me saluent. Auparavant, je leur avais montré la photo de plantation des salades envoyée par Carmina. Cela les a beaucoup amusé de m’imaginer planter des salades. Et pourtant c’est le cas !
Je repars la gorge un peu serrée. Quel triste monde ! J’ai vent dans le dos. La route est bonne avec une bande d’arrêt d’urgence sur le côté. Rien à voir. Je fonce tête dans le guidon jusqu’à Roviata. Je m’arrête juste pour récupérer une belle casquette noire Sport Wear tombée là par hasard juste pour moi. Elle va remplacer ma vieille casquette Décathlon Artengo toute délavée qui m’a accompagné et protégé pendant pas mal de bornes.

Puis je me pose dans un café pour boire une boisson rafraîchissante et faire le point vu qu’il est déjà 17h00. Je décide de bifurquer à droite vers la mer afin d’y trouver un bivouac.
Un nouveau coup de gueule contre mes amis grecs. J’ai dû vous dire à quelques reprises que le café était servi avec une bouteille d’eau de 33cl. Ils ont aussi des « Coffee to go ». Malheureusement, comme dans beaucoup de pays méditerranéens, les habitants s’en foutent royalement de l’environnement. Donc, toutes ces bouteilles, gobelets, canettes, j’en passe et des dégueulasses … jonchent le bord des routes. Sans parler des cadavres d’animaux en putréfaction (remember la Calabre l’an dernier). Ne pourrait-on pas légiférer au niveau européen pour interdire la vente de toutes ces bouteilles en plastique ? Voire verbaliser tous ces salopards qui balancent leurs ordures sur la voirie ?

On se calme M. Dureau. Je finis par dénicher un chemin sablonneux qui m’emmène vers la mer. J’y trouve un emplacement à l’abri du vent. J’espère que je vais pouvoir récupérer après ma dernière nuit mouvementée. Alors que je monte ma tente, j’entends un crac. Je viens de péter un des arceaux en aluminium. Je pense qu’ils ont bien morflé cette nuit. J’ai un emplâtre de secours. Il ne me reste plus qu’à réparer, finir de monter le bivouac, prendre douche, me changer et boire ma bière bien fraîche accompagnée de cacahuètes salées.

Puis dîner d’une bonne salade grecque faite maison et terminer ma soirée à déambuler au bord de la plage les pieds dans le sable encore chaud. Bon, la plage est jonchée de détritus en tout genre. Il y a même un 4*4 qui débarque sur la plage de je ne sais où pour faire sa balade du soir. Incroyable !

Résumé : 120kms, 6h00, 20km/h, beau venté, bivouac
Merci Gaël de nous partager le nom des vents que tu affrontes. C’est le cadeau aux météos.
Et aussi le peuple des exilés, qu’ils soient pakistanais, indiens ou ivoiriens, le sort est la même. A ce propos, à ton retour, tu pourras lire le livre ‘ Vivre sous la menace, les sans-papiers et l’Etat’ de Stefan le Courant. Bonne suite pour ton périple.
Michèle et Joël
Merci Gaël de nous partager le nom des vents que tu affrontes. C’est le cadeau aux météos.
Et aussi le peuple des exilés, qu’ils soient pakistanais, indiens ou ivoiriens, le sort est la même. A ce propos, à ton retour, tu pourras lire le livre ‘ Vivre sous la menace, les sans-papiers et l’Etat’ de Stefan le Courant. Bonne suite pour ton périple.
Michèle et Joël