J48 – dimanche 29 mai – Megali Gefyra / Thessaloniki

Réveillé aux aurores par le craquettement d’un couple de cigognes perchées dans leur nid en face l’église, je me lève et me prépare. Elles font un boucan d’enfer comme dit Renaud. J’imagine que la mère enguirlande le père pour qu’il s’affole un peu et aille chercher à manger pour leurs deux cigogneaux qui réclament leur pitance.

Alors que je commence à plier mes gaules après une bonne nuit sous mon auvent, un vieux monsieur arrive. Il me salue et commence à me baragouiner en grec. Pas facile de communiquer. Je sors mes cartes et lui montre mon parcours. On parle aussi politique : « Macronne : good, Poutine: no good, Erdogan : no good ». Il me quitte en me souhaitant bonne route. Enfin, c’est ce que je comprends.

A 7h30, je reprends la route qui s’annonce pas terrible. En effet, je suis à nouveau obligé de rester dans les terres sans à avoir la possibilité de revenir en bord de mer. Par de petites routes, je traverse d’immenses cultures fruticoles. Je sais maintenant d’où viennent les pommes que j’achète chaque jour. Je vois même des plantations de kiwi. Par contre, manque de bol, soit les fruits ne sont pas encore mûrs, soit ils sont déjà ramassés. Donc pas de cueillette. Ce delta est arrosé par de nombreuses rivières qui descendent des montagnes du Mont Olympe.

Et quand je dis «rivière », ce sont de vraies rivières avec de l’eau qui coule. Pas des cours d’eau à sec ou presque comme j’ai beaucoup vu dans d’autres régions. De plus, le système d’irrigation très performant facilite ces nombreuses cultures. Il y a même des champs de maïs qui demande énormément d’eau. Je finis par rejoindre la route qui longe l’autoroute A1. Je traverse un antique pont en bois parallèle à celui plus moderne du réseau autoroutier.

En milieu de matinée, je me pose à Kymina, grosse bourgade rurale, à la terrasse du Vaniliabar, café tenu par de jeunes et charmantes serveuses. En ce dimanche matin, il y a foule à boire des cafés frappés. Après l’église, ce doit être « the place to be » de ce village en ce dimanche matin.

Une jeune adulte handicapée mentale, accompagnée de sa maman, s’installe à la table d’à coté. Elle s’exprime par sons gutturaux. Contrairement à il y a quelques mois, avant mon expérience hyper enrichissante à L’Arche, je ne suis ni « choqué » ou « dérangé » comme j’aurais pu l’être auparavant je pense. Je le constate maintenant à la réaction des personnes extérieures qui viennent déjeuner au restaurant de L’Arche à Blagnac le midi et que j’observe du coin de l’œil.

Comme avec l’étranger (étymologiquement : qui est étrange), l’humain a peur de la différence. En ce sens aussi, le voyage à vélo est très révélateur. Vous êtes l’Etranger. Et vous êtes aussi constamment en présence de l’Etranger. Cela permet de relativiser, d’accepter l’Autre et de se faire accepter par l’Autre.

C’est bien de philosopher en ce dimanche matin mais il faudrait quand même que je parvienne à arriver à Thessalonique. J’ai réservé la chambre pour 14h. Je reprends ma monotone route dominicale. Je ne croise aucun groupe de cyclistes comme c’est souvent le cas le dimanche matin dans beaucoup de pays visités. Uniquement un Gravel man qui va bon train. Après avoir traversé l’autoroute, je rentre dans la baie. Je tombe sur des rizières ! Si on m’avait dit que je verrais de la riziculture en Grèce …

Les premières entreprises apparaissent. La route s’agrandit. La ville approche. J’arrive par la zone industrielle, les raffineries et le port de commerce. Génial ! Heureusement que nous sommes dimanche et que les camions ne circulent pas. Vers 12h30, je finis enfin par parvenir, en empruntant une belle piste cyclable, le long d’une immense promenade en bord de mer. Me voici arrivé dans la seconde ville grecque la plus peuplée avec plus d’un million d’habitants en comptant sa périphérie.

Plutôt que de me poser dans un restaurant que je réserve pour ce soir, je m’achète un gyro pita / bira à 5€ et vais pique-niquer à l’ombre de la Tour Blanche. Beaucoup de blacks essaient de vendre leur camelote à la sauvette. J’ai même la visite d’une petite gamine adorable … qui vient aussi renifler mon sandwich. Désolé ma puce mais j’ai trop les crocs !

Je pars ensuite me balader le long de cette immense baie en attendant 14h. J’ai raté l’arrivée d’une course à pieds au vu du démontage des barrières et d’un podium installé sur le quai. Il y a également un concours de basket. Et énormément de badauds qui, comme moi, se baladent à pied, à vélo, à trottinette électrique ou à rosalie.

A 14h, je suis devant l’adresse de ma réservation qui se trouve dans une petite rue parallèle à la promenade. Il y a un digicode dont je ne connais pas le code d’ici. Je frappe à la porte en verre. Un gars qui a l’air complètement dans les vapes m’ouvre, me dit d’appeler le propriétaire et me claque la porte au nez. Sympa. J’appelle donc. Répondeur. Je laisse un message. Quelqu’un dans la rue me hèle en français. C’est le proprio. La cinquantaine bedonnante. L’air rassasié et satisfait. Il me propose de prendre un studio, où je peux déposer mon vélo dans l’entrée, plutôt que la chambre avec SDB commune. Mais à la condition qu’il annule la réservation Booking.com et que je lui règle les 25€ en liquide. Pas de problème mon gars. Le studio est neuf, climatisé, frigorifié et SDB indépendantisée. C’est parfait.

Je prends une bonne douche. Je fais une lessive à la main. Je me prépare un café lyophilisé accompagné du reste de ma tablette de chocolat fondu (mise auparavant au congélateur). Et je me fais une sieste de 35’ avec alarme enclenchée sinon j’y serais encore ! Repos en bouquinant L’Equipe (Le Real et La Rochellee sur le toit de l’Europe) avant de partir me balader en milieu d’après-midi. La ville a été détruite par un incendie en 1917 et a été reconstruite selon des plans modernes (selon Wikipédia).

En fin d’après-midi, alors que je rentre à pied en direction de mon MyHome, le ciel s’assombrit méchamment. De plus, une rue se trouve bloquée par de la rubalise et une femme portant gilet jaune. Je me retrouve au milieu d’une course à pied (le 10 kms de Thessalonique qui se court en plein centre ville). J’ai à peine le temps de rejoindre la promenade de ce matin que l’orage éclate alors que les premiers coureurs arrivent au 9é km. C’est le déluge. La température a chuté. La mer est si démontée que des vagues essaient de venir lécher les pieds des coureurs pour les faire finir plus vite.

Je rentre à mon studio en encourageant les coureurs et coureuses qui finissent rincés à tout point de vue. Je suis également trempé. Je prends une douche et reste finalement diner au chaud. Fin de cette journée ô combien contrastée.

Résumé : 70kms, 4h00, 17,5km/h, beau orageux, studio

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