Comme d’hab’, réveillé à 6h et à 7h au vélo. Moi, en ce moment, c’est vélo, vélo, dodo ! Je ne traîne pas vu que la journée devrait être chargée en kms difficiles et en émotions. Je quitte ma petite crique où j’ai bivouaqué derrière le restaurant et me suis baigné tout seul hier soir. J’aurais presque pu squatter les emplacements sur la plage mais bon … « Faut p’têt pas trop exagérer non plus ! » Mr DUREAU.

Je file sur Kas toujours en empruntant la corniche D400. J’admire à nouveau ces îlets dans le soleil levant. La route est très calme à cette heure. C’est le pied mais ça ne va pas durer …

En effet, après m’être arrêté à l’entrée de la ville dans un camping pour choper la wi-fi, rencontrer un pizzaiolo turc en train de préparer son four, au look et à l’accent italien (normal vu qu’il y a travaillé 20 ans) et une jeune et belle serveuse (mais qui ne propose rien à consommer), je survole cette magnifique ville portuaire. Je suis vraiment bluffé par les paysages et cette côte déchiquetée. Un petit air de Croatie mais avec des habitants ô combien plus accueillants.

Et c’est là que les choses se compliquent. Je pars dans la montagne en escaladant un col qui n’en finit pas. Je suis scotché à la route. Pourtant ce matin, j’ai un peu la pression. Comme je ne peux plus utiliser mon GPS iPhone, j’ai noté à l’ancienne ma route pour aller à Simona Castle. Nous y reviendrons. Une fois arrivé en haut du col, cela redescend évidemment mais pour remonter de plus belle. J’arrive à une bifurcation avec un panneau marron indiquant Kekova. Je regarde sur mon papier. Je n’ai pas ce nom dans les villages notés. Je continue ma route. Au bout de quelques kilomètres, je m’arrête à nouveau et branche mon GPS iPhone. Il fallait tourner à droite lorsque je me suis arrêté. Kekova est le nom d’une île que je n’ai pas noté évidemment. Demi-tour. Je fulmine. Je reprends cette petite route ô combien difficile aussi et arrive dans le port perdu de Kaleüçagiz. C’est magnifique !

Mais il me faut encore continuer sur un route en pavé puis un chemin de terre. Je demande au préalable à un jeune si je suis bien en direction de Simena Castle. Il acquiesce. Un peu avant midi, j’arrive en vue du château lycien. Je pose mon vélo au fond d’un champ et grimpe la fameuse voie lycienne bordée de tombeaux.

Je reçois des encouragements des personnes en haut du château. J’y arrive. Mon ami Vincent, lui, est déjà arrivé depuis un moment. Il finira 2ème de ce Raid derrière Xavi son jeune ami espagnol. A tout cela, à bientôt 61 ans. Nous avons 5 jours d’écart et c’est le seul domaine dans lequel je serai éternellement devant lui. J’aurais aimé le voir arriver mais il n’a pas reconnu. Je l’interpelle. Il me regarde. Quelques secondes de vide. Et on tombe dans les bras l’un de l’autre. J’en pleure presque, et de fatigue après ces 3 journées à enquiller les kms pour être à l’arrivée de ce Raid, et d’émotion après ces quelques semaines sans se voir et ses retrouvailles surprises.

L’accueil de Cyrus l’organisateur, de son équipe et des autres coureurs et coureuses est très chaleureux. Après avoir bu une bonne bière Efes bien fraîche et pris quelques photos, Cyrus me propose de les accompagner sur une embarcation pour faire le tour des îlets et déjeuner. J’accepte avec grand plaisir. Je redescends pour récupérer mon vélo et les rejoindre sur le port, prends un chemin qui ne mène nulle part, reviens, demande mon chemin à un turc ne parlant que turc et finis par comprendre que je dois m’y rendre à pieds. Je pose à nouveau mon vélo, grimpe 4 à 4 la voie menant au château et descends la voie menant au village et au port. Las. Le bateau est parti. Quel imbécile ! Je suis comme un con, seul sur le quai, avec des restaus et d’autres bateaux qui me narguent. Par contre, le site est exceptionnel. Le seul accès se fait par la mer ou par cette voie lycienne en laissant sa voiture sur un parking.
Grand moment de solitude et de détresse. Je me faisais une joie de passer cet après-midi avec toute cette joyeuse équipe et je me retrouve … à quai ! Pour relativiser, je me dis que, finalement, Vincent se retrouve avec sa « famille » de cette semaine et que je n’interfère pas.

Je dois avouer que j’ai horreur de taper l’incruste mais là, ce n’était vraiment pas l’intention de rater ce moment. Tant pis pour moi. Encore un acte manqué. Plutôt que d’attendre leur retour et d’avoir la problématique de mon vélo à laisser toute une nuit dans le champ, je décide de reprendre ma route sous un terrible cagnard. Je n’ai toujours pas déjeuner mais je n’ai pas envie de rester sur place. Trop les boules. Je reprends la route et m’arrête dans un petit endroit très sympa où je suis accueilli par un papa-gâteau et son adorable fille toute blonde âgée de 16 mois. Sa femme est partie faire les courses mais il m’apporte quand même de quoi me sustenter avec mon çay.
Je repars, grimpe le petit col pour revenir dans le village de Cevreli puis bifurque cette fois-ci à droite pour prendre la direction d’Antalya. Depuis que j’ai changé ma chaîne et que le vélociste m’a enlevé 2 maillons je ne sais pas trop pourquoi, je rencontre un pb de roue libre. Dans les descentes, la chaîne saute. Et là j’ai vraiment de mauvaises sensations. Je m’arrête : roue avant avec crevaison lente. Quelle journée ! Je trouve un coin à l’ombre pour réparer avant de repartir, retrouver la route D400 et descendre vers Desme.

Je traverse la ville en suivant la D400 et m’y arrête juste pour apprécier une boisson fraîche et faire mes emplettes quotidiennes. Je m’en éloigne en longeant une magnifique plage de galets. Sur la promenade, des abris en bois permettent de pique-niquer. J’en repère un avec un banc. Ce sera mon lit de ce soir. En effet, au fond de la baie, je distingue la corniche entre montagne et mer où il me sera encore compliqué de trouver un emplacement. Je me pose et vais me baigner. A 3 mètres du bord, il y a un tombant et 1,50m de profondeur. Quel plaisir de se baigner après une telle journée. J’étends ma serviette et m’allonge en faisant gaffe de ne pas m’endormir après toute cette fatigue accumulée.

Alors que je me prépare mon çay, un gars vient me demander d’intervertir nos abris je ne sais trop pourquoi. Je lui explique que je vais dormir sur le banc cette nuit. Il me fait comprendre qu’il partira avant la nuit et qu’il me fera signe. J’espère bien. Alors que j’ai changé d’emplacement, un vieux monsieur vient faire causette. Il me dit qu’il a travaillé très longtemps à Munchen (Munich) et me demande mon parcours à moi. Difficile d’expliquer en allemand ou en turc. On se salue. Il part sur la plage avec ce que je pense être une serviette. L’appel à la prière retentit. C’est en fait son tapis de prière.

Je m’installe sous mon abri à l’ombre pour pianoter, bouquiner, diner puis roupiller. Fin de cette longue journée ô combien éprouvante à tout point de vue.
Résumé : 85kms, 6h05, 14km/h, chaud, bivouac
Quelle énorme émotion, mille merci Gael pour cette surprise incroyable de te voir à l’arrivée de ma course de trail ! Quelle terrible déception aussi de se perdre de vue et ne pouvoir profiter ensemble de l’après-midi sur le bateau. Après l’énorme effort que tu as fait durant 3 jours pour arriver à temps, c’était vraiment injuste. Tu as raison, je suis resté complètement scotché en te voyant là haut face à moi, avant de percuter dans un flot d’émotion !
Un beau moment d’amitié qui restera longtemps gravé dans nos mémoires.