En ce jour particulier pour moi, je me réveille dès 6h du mat’. Il me faut patienter et attendre 7h15 pour me tirer du lit douillet. J’entrouve les rideaux. Le ciel est gris. Normal, c’est le jour anniversaire de mon père. Il aurait eu 86 ans aujourd’hui. Mais, peu après la retraite et ses 60 ans, il a décidé d’en finir avec la vie. Pour faire le deuil de cette épreuve, j’avais écrit un poème en alexandrin qui commence ainsi :
Né un 21 février, jour de la Saint-Pépin.
Ton enfance, ta jeunesse, pas de câlin.
Mais, un beau matin, une douce angevine
Tu rencontres. Ce jour, ta vie s’illumine.
A 7h30, nous sommes dans les starting-blocks. Nous n’avons pas réservé le petit-déjeuner. Et nous n’avons ni café, ni thé dans la chambre. Nous allons partir le ventre vide. Comme chaque matin, j’immortalise notre lieu d’hébergement.

Et puis, j’en profite aussi pour prendre en photo le lever de soleil sur la mer au-dessus du pont. Hier, j’ai raté le coucher de soleil sur le fleuve et les montagnes.

Nous allons décollé quand un orage éclate. C’est certainement le ciel qui déverse toutes ses larmes en ce triste anniversaire. Même 26 ans plus tard, l’absence et la peine sont toujours vivaces. Nous patientons quelques minutes avant de partir mais pour un court instant. Un nouveau grain tombe. Nous avons juste le temps de nous abriter sous un arbre. Après quelques kilomètres, nous sortons de la pointe et trouvons une gargote en bord de route.

Ce matin, nous allons tester le nasi lewak (riz cuit avec de l’eau de coco accompagné d’un morceau de poisson et de sa sauce contenus dans le sac plastique) et le nasi ??? pour moi.

Se pose ensuite la question de l’itinéraire. Soit nous retournons sur nos pas pour emprunter une route secondaire en effectuant une quinzaine de kms en plus (et peut-être aussi avec la pluie vu que les nuages s’amoncellent dans la les terres), soit rester sur la route principale n°3 rectiligne qui longe la mer. Comme c’est mon jour de trace, j’opte pour cette option. J’ai vraiment hâte de remonter la côte et de retrouver la Thaïlande. Bien mal m’en a pris ! A part un panneau qui signale la présence de tapirs, il n’y a absolument rien à voir.

La route s’étire indéfiniment. La circulation fatigue la tête. La mer est presque invisible à une centaine de mètres sur la droite. Je trace à un bon rythme pour accélérer le temps. Nico est à la traine. Il doit râler derrière. Chacun son tour. Mais je le comprends parfaitement. Ce choix est débile. Pour me faire pardonner, je lui offre une orange achetée dans un stand qui vend des fruits. Cela me rappelle à nouveau mon père (Saint) Bernard. Quand il était jeune, c’était leur cadeau de Noël avec son frère ainé Moïse qui s’est noyé (et oui, cela ne s’invente pas) à La Rochelle après une soirée de beuverie et sa sœur Yvonne qui, elle, s’est suicidée à 18 ans dans l’étang devant la ferme de mes grands-parents pour refuser un mariage forcé. Dure famille les DUREAU. Vers 11h, nous pouvons enfin approcher la mer. Quant à la mienne, elle est momifiée et décérébrée à Laval depuis de trop nombreuses années.

Un peu plus loin, la plage semble beaucoup plus belle et accueillante avec ses cocotiers et son île paradisiaque au loin.

Après ces 3 heures de mortelle randonnée, nous pouvons enfin emprunter de petites routes qui nous évitent l’axe principal. Nous approchons de Marang. Nous revenons à nouveau vers le littoral pour le longer jusqu’au terme de notre journée. Après avoir dégagé quelques détritus, je capture cette image avec ce dégradé de couleurs entre plage, mer et ciel.

Peu après midi, nous nous rendons sur le port de pêche. Nous nous arrêtons dans un restaurant en bordure rivière et de mer. J’y déguste un poisson farci et grillé.

Après ce repas, il est temps de trouver un endroit où siester. Ce sera en bordure de mer allongé sur le sol. Je suis réveillé par l’appel à la prière alors que j’ai dormi 45 minutes. Nous reprenons notre route toujours plein sud. Nous traversons maintenant des zones pavillonnaires pour éviter la route principale. Alors que nous revenons vers la plage, je repère des bouteilles au sol au pied d’une poubelle. Il y a 2 bouteilles de whisky et 2 de Cognac. Elles ont l’air fermées. Comme je ne suis pas fan de whisky (à cause d’une de mes rares cuites avec cet alcool), j’opte pour une bouteille de Cognac. Nico pense que c’est de l’essence. On verra ce soir. Nous retrouvons à nouveau la plage. Quelques familles en profitent malgré les détritus qui la jonchent. Quel dommage !

Nous profitons de cet arrêt pour regarder les hôtels. Un motard, qui m’a doublé sur la route et avec qui j’ai discuté un petit moment, réapparaît. C’est un retraité comme moi de 63 ans qui travaillait sur les plateformes pétrolières de la compagnie malaisienne Petronas. Alors qu’il me parle, Nico se mêle puis monopolise à nouveau la conversation. Je dois dire que cela me contrarie quelque peu. Cette tendance a toujours vouloir tout diriger et monopoliser l’attention alors que, de mon côté, je suis plutôt sur la réserve. A ce propos, je n’ai rien réservé. Nous filons donc vers la sortie de Kuala Terrenganu. Nous traversons ce Tower Bridge malaisien avant de nous diriger vers un guest house repéré sur nos sites de résa.

Nous y arrivons vers 16h00. Il est situé juste à côté de l’aéroport et à une centaine de mètres de la mer. La chambre est propre, grande, avec fenêtre et deux lits. Parfait pour nous. Nous réglons en liquide. Il est temps de se doucher, de faire notre lessive quotidienne et de se poser sur les rochers le long de la mer pour rédiger notre prose.

Nous partons ensuite dîner avant de rentrer ouvrir et déguster notre flacon de Cognac Courvoisier Fine Champagne. C’est bien du Cognac et pas de l’essence. Bon anniversaire papa !