Après 20h30 hier soir, je me suis endormi en lisant Libé. Le pépère avait besoin de récupérer. Après 9h00 d’un profond sommeil, je me réveille comme d’hab vers 5h30. A 6h00, je descends les 2 étages avec mes sacoches. J’entends couiner les portes du portail en fer. Le proprio vient juste de se réveiller et ouvre la boutique. Il était temps.

Comme cet hôtel, beaucoup de maisons récentes ont cette forme très étroite et très profonde. Les pièces à l‘intérieur sont haut de plafond. Je ne sais pas pourquoi; peut-être est-ce dû au prix du terrain ? Après ces considérations immobilières, je m’installe sur la terrasse de la gargote en face pour y déjeuner. Ce matin, ce sera soupe au riz et légumes bouillis, le tout accompagné d’un beau bouquet d’aromates frais.

Alors que je me suis installé sur une grande table, une maman et se 3 filles s’installent pour déjeuner avant d’aller au boulot et à l’école. J’essaie d’engager la conversation mais pas une ne parle anglais. Tant pis et dommage. Après ce copieux p’tit déj’, je retourne sur ma route QL6. La trace vélo me faisait partir très à l’ouest, pour contourner le mont Chu Prông culminant à 1050 mètres, avant de remonter vers le nord. Je récupèrerai les chemins de traverse plus loin.

Pour l’instant, je taille la route pour avancer un peu plus rapidement. C’est tout droit. Ça monte et ça descend. J’avance bon train d’autant plus que la température est idéale. Le ciel est bien couvert ce matin. Je n’ai même pas pu saluer le dieu Surya. En plus de la brume, des brûlis sont effectués dans les champs déjà moissonnés. Cela ajoute à cette atmosphère étrange en ce vendredi matin.

A 7h30, je m’arrête boire un café en haut d’une bosse peu avant Ea Pil. Ça tombe pile-poil. Comme d’habitude, il n’y a que des hommes. Les femmes sont dans les champs en train de bêcher. Le mobilier de ce café est tout en bois massif. Et ce ne sont pas des plateaux de 3 cms d’épaisseur !

Je repars après ma dose de caféine bien venue. En effet, ça grimpouille toujours. C’est d’ailleurs beaucoup plus facile à scooter, même avec la clope au bec. Pour l’instant, la route est correcte avec ce revêtement de béton couvrant un ancien chemin. Pourvu que ça dure …

Après cette longue montée, je traverse un hameau. Je trouve une petite épicerie pour y refaire le plein d’eau fraîche. A côté se tient un garage à scooter. Le patron bricole entouré de plusieurs personnes qui tapent la causette. Une nouvelle fois, ma présence dans ce bled paumé interpelle. Le patron, baragouinant quelques mots d’anglais, vient taper la causette au grand amusement de ses potes. Il demande à l’un d’eux de nous prendre en photo avec son portable. J’en fait de même avec le mien. Puis, après cet intermède comique, je repars.

Je traverse encore et encore ces paysages de rizière avec ses buffles paissant tranquillement. Cela m’émerveille toujours autant. J’avais déjà vu ces images du Vietnam. Mais, comme m’avait dit un jour mon ami Gaugau grand baroudeur devant l’Eternel : « je suis dans le paysage ». Cette phrase m’avait marquée. Là c’est le cas, je suis dans le paysage. Je circule sans aucun bruit. Il n’y a personne. Que le paysage, les buffles et moi. Magique !

Evidemment, cette belle route ne pouvait durer éternellement. J’emprunte à présent un chemin de terre. Comme j’ai dû traverser quelques gués, mon pauvre Haka2 est déjà tout dégeulasse. Il sera bon pour reprendre une douche ce soir. Je traverse toujours un immense plateau aux cultures variées. Vers 10h00, je prends ma pause café matinale dans un petit village pour me nettoyer un peu et me remettre de ce chemin cabossé et poussiéreux.

Mais ce sont quand même principalement des rizières. D’ailleurs, je suis la petite rivière Ea Krông Pach qui doit irriguer tout ce plateau complété par un grand nombre de lacs naturels et artificiels. Dans cette rizière, une femme y travaille seule dans ce camaïeu de jaune-vert.

Un peu plus loin, le décor change complètement. J’arrive au village de Vu Bon. Un lac et une carrière approvisionnent de nombreuses briqueteries. Les briques de terre sèchent sous les hangars de plastique. Puis elles sont cuites dans ces énormes fours. J’en ai compté une vingtaine comme celui-ci en à peine un kilomètre.

Evidemment, de nombreuses maisons du coin sont fabriquées avec ce matériau. Une seule épaisseur de brique suffit souvent pour construire une baraque. Ce n’est pas le celle-ci. Comme souvent, je tombe sur de belles propriétés au milieu de ces campagnes asiatiques. Et, comme je l’imagine, elles appartiennent à de riches propriétaires terriens soit de palmiers à huile, soit de bananeraies, soit d’hévéas … soit de caféiers.

En effet, je traverse de nombreuses plantations de ce café si précieux. Je comprends pourquoi il y a autant de Cá Phê partout dans le pays.

Au cours de cette matinée, j’alterne entre route mal bitumée, route bétonnée, chemin de terre, chemin de pierre. Et je traverse toujours des villages signalés par des arches à chaque entrée. La traduction du haut est « Le village est fleuri et significatif ». J’ai un léger doute. Sur la colonne de gauche est marque « Solidarité, Solidarité, Grande Solidarité ». Pour l’anecdote, le «a » et le « o » ont 18 accentuations différentes, le « e » 12, le « i » 6. Et qui peuvent évidemment changer la signification du mot !

A midi, je m’arrête déjeuner dans le village de Ea Phe qui se trouve sur la route principale QL26. Comme d’habitude, j’y mange copieusement et bonnement. Et, comme d’habitude. J’en profite également pour consulter mes cartes. Le prochain hôtel repéré est à l’entrée de la ville de Buôn Ma Thuôt … à presque 40 bornes et avec du dénivelé. Cela va être chaud patate. Après ce déjeuner, je repars en direction de ce point de chute. Mais, avant cela, je m’arrête boire un nouveau café. Je vais en avoir besoin. Puis je m’allonge dans le hamac pour une trentaine de minutes de sieste. A tout à l’heure les petits …

Je me réveille 2 minutes avant la sonnerie de 13h45. Je suis un peu dans le coltard mais il me faut repartir. Je ne vais pas passer la nuit ici. Après avoir circulé toute la matinée au-dessous de cette route QL26, je vais dorénavant rouler au-dessus. A ce sujet, j’ai compris pourquoi tout le monde klaxonne dans ce pays. A part les feux tricolores au carrefour, il n’y a que des priorités à droite, même aux ronds-points. Cela me rappelle d’ailleurs ceux de Colomiers (65 au total).. Je crois que c’était la dernière ville en France avec cette particularité. La fin a été voté le 24/04/2002, il y a presque 21 ans. « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. » En parlant de bohème, revenons à la mienne. Je retrouve avec plaisir mes rizières. Je ne m’en lasse pas.

Je poursuis tranquillement ma route. De toute façon, je n’ai pas le choix. Je suis sur un long faux-plat montant interminable. Je roule plaque du milieu et grand pignon. Cela me permet vraiment de profiter du paysage et des à-côtés. D’ailleurs, je suis attiré par le tee-shirt jaune de ce drôle perché sur son tracteur. Le temps que je m’arrête, il est descendu. Je demande à ses grands frangins dans la ferme si je peux le prendre en photo. Il y retourne mais pas très enthousiaste.

Pourtant, dans ces campagnes retirées, contrairement aux stations balnéaires et grandes villes, les vietnamiens sont beaucoup plus accueillants. Comme dans les autres pays, beaucoup me saluent d’un sympathique « Hello ! » et me gratifient d’un large sourire qui suffit à mon bonheur. Par contre, j’attaque une portion en travaux. Je retourne de nouveau dans la poussière pendant quelques kms. « Bi Châm ! »

Danger sur les bas-côtés effectivement vu qu’il y a de la pierre. Il ne faudrait pas que je crève maintenant. Je finis par sortir de ce chantier et retrouver ma quiétude avec une dernière pour la route.

Je rejoins à présent la route principale QL14 (et aussi Asia Highway 17) dans la bourgade de Cu Bao. Je retrouve les coups de klaxon intempestifs. Il est déjà 15h30 et il me reste encore 20 bornes avant d’arriver au premier hôtel repéré à l’entrée de la grande ville de Buôn Ma Thôt sur cette route. Je m’arrête devant un commerce pour y acheter un gâteau et de l’eau. A tout hasard, je montre à la commerçante la photo du départ ce matin avec le mot « Nhà Nghi » (« hôtel » pour ceux qui ne suivent plus). Elle acquiesce. Elle me dit de tourner à gauche sur la QL14 et de filer. Je ne suis plus à quelques hectomètres près. J’y vais. Et je trouve effectivement un hôtel en bord de route. Je m’y arrête. A mon arrivée, la réceptionniste est morte de rire. Au moins, je fais rire. C’est déjà cela. Je lui montre mon traducteur qui lui demande une chambre pour une personne au meilleur prix. 200.000 VND. Vendu. Décidément, c’est le tarif baroudeur. Chambre nickel qui donne sur un couloir russe. Comme quoi, tous les hôtels ne sont pas étroits !

Cette fois-ci, j’ai même deux fenêtres. Une qui donne sur cet immense hall; une grande baie sur un atelier de mécanique en-dessous. Je me pose après cette rude journée sur ces routes compliquées. Je dépose mes sacoches, me pose et me repose. Vers 18h00, après avoir passé un coup de jet sur mon Haka2, je remonte en ville pour y diner. Ce soir, ce sera une succulente soupe de gros vermicelles avec petits oeufs et moyens poissons, accompagnée de verdure inconnue. Et, bien évidemment, d’une bonne bière Larue en apéro !

Fin de cette nouvelle belle mais rude journée.