Hier soir, j’ai passé la soirée dans le hall d’accueil avec Dang, le fils de la patronne âgée de 38 ans seulement et son ami Anh en tee-shirt noir. En effet, comme la wifi ne passait pas super bien dans ma chambre trop éloignée du relais, je suis descendu pour choper celle de l’accueil qui est toujours meilleure. Ces 2 jeunes de 20 ans étaient trop curieux de mon périple. J’ai sorti les cartes, montré des photos, expliqué les joies et les peines de ce genre de voyage. Vers 22h00, je suis remonté pour dormir un peu quand même.

Ce matin, je me réveille comme d’hab’ vers 5h30. Les ouvriers agricoles sont également éveillés et se préparent à partir au champ. Ils ont dormi sur les paillasses à gauche. Drôle de vie quand même …

A 6h00, je quitte ce bel hôtel, un des meilleurs rapport qualité/prix depuis mon départ à vélo. Je laisse Dang ouvrir le local à scooters (et accessoirement vélo) et le portail principal. Puis je pars déjeuner avant d’attaquer cette nouvelle journée vietnamienne. Ce matin, ce sera soupe de nouille et porc.

Je traverse ensuite le village sur un long faux plat montant en suivant la route principale QL26. En haut de cet échauffement matinal, je bifurque à gauche pour rejoindre mes chemins de traverse dans la cambrousse. Auparavant, je marque un premier arrêt pour photographier l’église de ce village alors que le soleil perce à travers les nuages. Sur les 2 côtés de cette église, des statues blanches représentent un chemin de croix.

Comme hier, la brume envahit ce plateau situé à plus de 700 mètres d’altitude. L’atmosphère est toujours étrange sur ces petites routes de campagne perdues dans la brume. Je traverse à nouveau des plantations de café. Celles-ci sont en fleur. Dommage que le soleil ne les éclaire pas plus.

Après avoir emprunté une route bétonnée, je retrouve un mauvais chemin de terre rouge. J’ai toujours la crainte de casser quelque chose lorsque je roule sur de tels chemins. Entre les pierres et les trous, ça secoue pas mal. Mais mon fidèle Haka2 ne bronche pas. Il virevolte là-dessus sans problème. Pourtant avec ses jantes Shimano, ses roues de 700 et ses pneus de 32, il n’est vraiment pas équipé pour faire du Gravel. D’ailleurs, il va falloir que je prenne le temps de changer le pneu arrière dont la structure est bien entamée. S’il se met à pleuvoir, je vais patiner grave. Je risque aussi de crever vu que la gomme est pour le moins usée. En face de moi, une maman scootérisée amène sa fille à l’école.

Après ce mauvais passage, je retrouve enfin une route bitumée. De plus, le profil de cette étape est descendant. Je vais grimper de 300 mètres pour en descendre 800 ! Je longe à nouveau une plantation de café aux fleurs blanches avec de grands arbres plantés entre les rangs. Mais je ne sais pour quelle raison …

Vers 7h30, je passe devant le lac de Ea Tul. Le soleil daigne pointer le bout de son nez. Ce sera de courte durée. J’ai juste le temps de prendre cette photo avant qu’il ne disparaisse à nouveau.

Puis je rejoins des routes secondaires au bon bitume et au profil descendant. J’envoie du pâté. J’arrive même à accrocher quelques scooters vieillissants comme leur pilote. Je ne prends pas le temps de m’arrêter. De toute façon, il n’y a pas grand chose à voir si ce n’est de vastes plantations de chaque côté de la route. Quant à moi, je la taille. Peu avant 9h00, je retrouve de petites routes. Cette fois-ci, je m’arrête dans ce cimetière dont je ne saurais dire la confession (taoïste peut-être).

Le paysage change à nouveau de visage. Je traverse dorénavant de grands plateaux arides. Comme hier, j’alterne entre route mal bitumée et piste. Juste avant de m’arrêter, je me fais doubler par 2 tracteurs tirant une remorque chargée de jeunes ouvriers agricoles. Le plus âgé s’amuse à tirer avec un lance-pierres sur des panneaux de prévoyance contre les incendies. Il faut bien que jeunesse se passe. Les tracteurs s’arrêtent dans ce champ calciné. J’imagine qu’ils viennent arracher les souches avant de planter de nouveaux plants de caféier. Au loin, j’aperçois un hameau de paysans aux toits en taule.

A 9h30, je trouve enfin un café-commerce-bazar en bord de route. Je m’y arrête et m’installe à la table du patron. J’avale tranquillement mon café matinal en essayant d’expliquer ma présence ici. J’aperçois une bonbonne sur ma droite. J’en profite pour remplir ma gourde alors que je suis à sec. Je bois une gorgée. Waouh ! C’est de l’eau mais de vie, ou du moins une eau-de-vie à la vietnamienne. Evidemment, tout le monde explose de rire. Je n’ai plus qu’à vider ma gourde et la remplir d’eau minérale tirée dans une nouvelle bonbonne, apportée par le patron, sur ma gauche. Pour l’anecdote, quelques paysans s’arrêtent pour faire le plein d’eau-de-vie dans de petites bouteilles en plastique.

Après cet intermède comique, je retrouve la piste qui serpente à travers ce paysage désertique. Je suis toujours surpris de voir débouler un scooter, cette fois-ci une maman et sa petite fille, au milieu de nulle part.

D’ailleurs, les habitants du coin doivent être hyper heureux lorsqu’ils voient arriver une route en dur dans leur périmètre. C’est effectivement le cas un peu plus bas. De gros travaux se déroulent pour bétonner ce chemin. J’imagine que cela doit leur changer la vie : terminés la poussière, les cahots, les risques de se prendre une gamelle, … Mais quel sacré chantier avant que cette route ne devienne opérationnelle !

Après ce chantier, j’arrive au lac de Ea Sup Thuong Lake. Enfin, ce qu’il en reste en cette saison sèche. J’y arrive par une longue digue. A droite, le lac dans un piteux état, à gauche les plantations bien vertes qui ont dû certainement pomper généreusement dedans.

A ce sujet : stop au mégabassines, stop à l’agro-industrie, stop aux pesticides, stop aux néonicotinoïdes, stop à cette surenchère du toujours plus. A ce sujet, j’ai lu un article édifiant (et terrifiant) sur Libé il y a quelques jours au sujet de l’extinction des insectes. Comme pour le climat, les scientifiques nous alertent depuis des années sur les conséquences catastrophiques de la disparition quasi définitive de milliers d’espèces. Les plus résistantes sont les blattes, mouches et moustiques entre autres … Comme d’habitude, les politiques, certainement de la même espèce que ces saloperies, entendent bien mais ne font rien. Il y a encore tellement de pognons de dingue en jeu. Cela me mine vraiment. Mais quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? En attendant, ici, ils pêchent le peu de poissons qui doit rester.

Après avoir longé ce lac, je suis obligé d’emprunter une nouvelle piste pour rejoindre la bourgade de Ea Sup et retrouver une route correcte. Et là, c’est gros chantier également. Je descends de mon destrier de peur de péter une roue tellement c’est défoncé.

Après cette partie de cyclo-cross, j’arrive dans la bourgade. Il est bientôt 11h. Je suis couvert de poussière et j’ai soif. Je m’arrête dans une gargote pour y boire un jus de canne à sucre bien frais. Un délice ! Et là, c’est vraiment du producteur au consommateur.

Je repars pour le dernier tronçon, tout du moins je l’espère, de la journée. Je traverse cette fois-ci la bourgade de Ea Le. Les moissons des rizières ont eu lieu. Le riz est mis à sécher dans tous les endroits, même sur la route parfois.

En fin de matinée, j’arrive à Ea Rôk, terme théorique de cette étape. Avant de penser « hébergement », je pense à me remplir la panse. Le vélo, ça creuse. Je trouve une gargote dans ce village tout en longueur. Il suffit simplement de repérer les panneaux « Com » et de regarder s’il y a quelques clients. Ce qui est toujours bon signe en principe. Je m’installe et, comme d’hab’, je déjeune copieusement d’un plat riz-poisson accompagné d’un bol de soupe aux épinards pour mouiller le riz. Ensuite, je m’installe dans un hamac pour ma sieste digestive. Puis, je demande à la famille, attablée à leur tour, s’il connaisse un hôtel dans le coin. Tout cela avec photo et traduction en vietnamien bien sûr. Ils ont beau tourné et retourné mon téléphone, avec la carte affichée dessus, dans tous les sens, je repars sans info cohérente.
Je décide d’aller boire un café pas très loin dans un cadre anglicisé avec de belles phrases sur le développement personnel. Pourtant, le jeune patron ne le parle pas. Mais il m’indique quand même un point dans ce village. Après avoir demandé confirmation à un magasin de téléphonie, j’arrive bien devant un « Nhà Nghi » après avoir emprunté un chemin de terre. La chambre est au même tarif que d’habitude. Je ne demande même pas à la voir. Je me pose. Pour le même prix qu’hier, c’est du rural ! Il y a un lit, un tuyau de douche (la pomme a été mangée), une clim’ réglée sur 20°C (brrr), une fenêtre sans vitre mais avec des volets fermés par un fil de fer. Et j’ai vu sur le champ d’à côté. Ce sera parfait pour cette nuit. Sinon il me fallait rejoindre la route principale QL14C, longeant la frontière cambodgienne, à 24kms d’ici sans être certain du tout de trouver un hébergement. Je m’installe. Il est un peu plus de 14h. Fin de cette nouvelle étape de 85 bornes accidentées.

Il est maintenant 16h00. Alors que je suis confortablement assis sur mon grand lit pour rédiger ces lignes, le ciel s’assombrit méchamment. Le vent se lève violemment. Le paysan rentre ses vaches prestement. La gérante détend son linge rapidement. Puis le déluge s’abat subitement. C’est d’une rare violence. Je m’imagine sur la route sous ces trombes d’eau.

J’avais décidé de changer mon pneu arrière. Mais, vu les conditions, cette opération est à nouveau reportée. En quelques minutes, tout est inondé. Je retrouverai mes sandalettes trempées, ainsi que les autres chaussures laissées devant la porte, une trentaine de mètres plus loin sous mes fenêtres. Impressionnant ! Vers 18h00, une fois l’orage passé, je pars diner en ville à scooter prêté par le proprio. Je m’arrête à la 1ère gargote trouvée. Ce sera soupe au riz gluant, tenu au chaud dans un chaudron sous feu de bois, et abats. A la fin du repas, j’ai toute la petite famille autour de moi : le père et la mère, leur fils barber dont le salon est sis à coté, la jeune et charmante belle-fille et leur fils âgé de 7 ans. Je branche le traducteur pour pouvoir échanger plus facilement. Chacun me pose ses questions ce qui amuse beaucoup la mère. En début de soirée, je rentre dans ma chambre. Demain, je continuerai ma remontée ver le nord en longeant la frontière cambodgienne.