Il y a des jours où tout sourit (ou presque). Cela va être le cas pour cette dernière journée au Vietnam. Comme d’hab’, je me réveille aux aurores. Je me prépare puis descends à l’accueil récupérer mon passeport, payer ma bière d’hier avant de partir diner et acheter une bouteille d’eau de 80cl. La patronne m’offre le tout. Cela commence fort. Je les remercie et quitte ce petit hôtel désuet.

Il est 6h00 quand je reprends le chemin, légèrement humide après la tornade d’hier après-midi, pour retrouver la rue principale. Mon Haka2 est déjà boueux avant d’être parti.

Je m’achète un sandwich et quelques gâteaux aux amandes avant de quitter cette bourgade. Je franchis le pont qui enjambe la rivière Ea H’Leo. Puis je prends la route en direction du nord.

Après avoir effectué quelques kilomètres, je m’arrête boire mon café matinal et casser la croûte à Ea Sup. L’endroit est charmant avec de beaux meubles en bois massif. L’accueil est également très chaleureux. Le café da excellent. Le patron me propose de s’installer à sa table. Il est avec son oncle. Sa femme se joint à nous. Je branche mon traducteur et nous engageons la conversation. Il est presque 7h00. J’ai de la route à faire. Je les quitte à regret. Au moment de payer, le patron me dit que son oncle (à gauche sur la photo) m’invite. Décidément … Encore une belle rencontre.

Avant d’enfourcher Haka2, je ne peux m’empêcher d’aller voir le stand du boucher juste en face. Des chiens trainassent devant son étal. Je lui demande par geste si les chiens ne viendraient pas voler sa viande. Il me répond que non.

Cette fois-ci, je décolle pour de bon. J’ai presque 100 bornes pour arriver jusqu’à la frontière. J’emprunte à nouveau un mauvais chemin alors que le soleil daigne se montrer ce matin après ces 2 jours de cache-cache.

Par contre, c’est moi qui ne suis pas bien réveillé. Je roule à bonne allure sur une belle piste bétonnée. Mon téléphone est éteint. Je ne regarde pas ma trace vu que c’est pratiquement tout droit. A part que je devais bifurquer à gauche pour monter vers le nord. Au bout d’un moment, je me rend compte que je roule vers le soleil. Donc plein est. Je m’arrête, consulte ma trace. Effectivement, j’ai raté l’embranchement. J’ai dû faire 1,5 kms de trop. Ce n’est pas catastrophique mais ça m’énerve légèrement. Cela fait 3 bornes en plus au programme. Je reviens sur mes pas et trouve la piste (sans aucun panneau pour me dédouaner) qui monte au nord.

C’est encore un beau chantier. Si c’est comme cela tout le long, la journée risque d’être très longue. Heureusement, cela s’arrange un peu plus loin. Je retrouve une piste bétonnée qui traverse de vastes étendues de broussailles. Le livreur de paquets me double alors que j’entre dans la zone frontalière.

Peu avant 8h00, alors que je file toujours bon train sur cette route sans pratiquement aucun dénivelé. De loin, je pense arriver le long d’un immense lac. En me rapprochant, j’aperçois une grande centrale électrique au bord. Étrange. Y aurait-il un barrage ? En fait, il s’agit d’un gigantesque parc de panneaux solaires. Un peu à l’identique de ce qui est fait dans le désert marocain.

En le contournant, je me rends mieux compte du gigantisme de ce parc. Il est clos de barbelés. Des éclairages, fonctionnant au solaire évidemment, l’éclairent la nuit. De plus des miradors sont disposés à chaque angle. Impressionnant. Un troupeau de vaches longe ce parc sans moufter.

Je continue à progresser à bon rythme sur ces longues lignes droites. Je ne vois pratiquement personne. Quelques fermes sont disséminées ça et là. J’ai branché ma musique. Cette fois, c’est Zebda qui me donne la cadence. Je décolle …

Enfin façon de parler. Je suis plutôt bien ancré sur ma route bétonnée qui traverse toujours ces immensités désertiques. 9h00 sonne quand je passe la borne indiquant qu’il me reste 50 bornes jusqu’à l’intersection avec la route nationale QL19. Actuellement, je circule sur la QL14C parallèle à la frontière vietnamo-cambodgienne.

Vers 9h30, je traverse le hameau de Chu Prong en bord de route. Je cherche un café pour ma pause syndicale. Je demande à des jeunes attroupés dans un atelier scooter. Ils m’indiquent qu’il faut prendre une piste pour trouver un café ouvert. Je m’y dirige. A nouveau, l’accueil est chaleureux. Je m’installe à l’unique grande table en face du patron avec sa fille dont il a l’air très fier, comme tous les papas avec leur fille. J’engloutis aussi une brioche à la noix de coco en buvant mon second café da de la journée.

Il me faut à nouveau repartir et relancer la mécanique. La route devient bitumée. J’avance bon train. A part que, de temps en temps, des obstacles imprévus encombrent quelque peu la route. C’est quand même une route nationale, très peu empruntée certes, mais il est étonnant de voir un troupeau bloqué toute la route. Mais c’est l’Asie !

A part quelques plantations fruitières, la matinée se passe à travers de grandes friches. Sur ma gauche, des monts parallèles à la route se dressent au-dessus de ces friches. Je pense que la frontière se trouve sur la crête. Alors que je prends cette photo, une vieille femme sort de cette cabane pour s’enquérir de ma présence.

Je repars. Le profil devient beaucoup plus accidenté. J’enchaîne de gros coups de cul, montés sur la plaque du milieu, suivi de belles descentes. Je suis trempé. Je tomberai bien ma chemise, comme me le suggère Zebda, mais je risquerais de prendre un gros coup de soleil. Je roule toujours avec mon vieux tee-shirt noir à manches longues pour me protéger justement du soleil. Par contre, mes jambes prennent cher. En rentrant, ma dermato risque de me passer un savon. Mais, cela me paraît quand même compliqué de rouler avec un cuissard long. Déjà que je baigne dans mon jus en cuissard court.

Je traverse dorénavant une magnifique forêt d’hévéas dont les frondaisons forment une voute bienfaitrice. Il est bientôt midi et le soleil bastonne fort.

Il est 12h15 quand j’arrive enfin à l’intersection avec la route nationale QL19. J’aurais mis plus de 3h pour faire ces 50 bornes pauses comprises. Une nouvelle fois, Haka2 a bien envoyé. Il me reste à peine 10 kms à faire.

Par contre, je ne trouve aucun « Com’ » ouvert dans la bourgade traversée après ce carrefour. J’emprunte à présent une grande route bitumée en parfait état. Cela ne dure pas. Après quelques kilomètres, le chantier reprend. Je roule sur des gravillons. Finalement, j’arrive enfin à destination. Comme chaque midi, j’ai les crocs. J’aimerais bien me poser dans un restau. Mais je me fais intercepter par 2 hommes à scooter. C’est improbable. Ils me prennent en photo sous tous les angles avec une boite de lipide pour sportif. Avant de repartir, ils me proposent une boite pour me remercier. Je refuse vu le peu de place restante dans mes sacoches.

Encore un dernier effort. Il est 13h00. Je m’arrête devant le premier restau venu. Un truck énorme à l’américaine, avec une grande remorque, est garée devant. Je salue la compagnie et m’installe su une table non occupée. Le gars au polo noir, Dong, m’invite à se joindre à sa table. J’accepte bien volontiers. Ils sont quatre à festoyer. Dong est cambodgien mais vit au Vietnam. C’est lui le chauffeur du poids-lourd. Je sors mon traducteur et je réponds à ses nombreuses questions. Il me propose de piocher dans leurs plats : poisson, sanglier, riz ! Et bière à volonté … D’ailleurs, deux de ses acolytes sont bien éméchés. Un ne me calcule pas trop. Une bonne heure plus tard, je m’apprête à partir. Je suis naze. J’ai un peu trop picolé. Et j’ai envie de me poser.

Une discussion houleuse s’engage entre les quatre. Je ne comprends pas trop. Finalement Dong, qui a l’air quelque peu embêté, prend mon traducteur. Sur l’injonction de son pote patibulaire, il me demande de payer 100.000VND pour le repas et la bière. Je tombe des nues. J’explique à Dong qu’il m’a invité et que ce n’est pas correct. Mais son pote lui dit que je viens de France et que je suis riche. Ça sent l’incident diplomatique. Effectivement, son pote me sort que je suis un « sale colonialiste français ! ». L’alcool n’étant pas toujours bon conseillé, je m’abstiens de répondre et d’envenimer les choses. Je préfère m’éclipser alors que Dong ne sait comment s’excuser. Décidément, je suis entré au Vietnam avec une mauvaise impression et la sortie est de même. Dommage, entre les deux, c’était presque parfait.