Il n’y a aucun bruit dans cette superbe GuestHouse. Je traîne un peu ce matin. J’ai RDV avec Philippe à 6h30 pour boire le café puis aller chez le réparateur de scooters qui bricole aussi les vélos. Avant cela, je descends vers le fleuve pour y admirer le lever de soleil.

Peu après, je rejoins Philippe qui est déjà branché sur les infos françaises. Nous partageons le café et discutons un moment au sujet de Mayotte où cela chauffe grave en ce moment. Ma belle-fille Nathalie (gros bisous si tu me lis) et son compagnon Thierry y ont passé quelques temps. Ils sont depuis revenus sur Bergerac où Thierry exerce dorénavant le même métier que moi. Et, effectivement, cela devenait vraiment trop compliqué à Mayotte. Quant à Philippe, autre retraité, je comprends pourquoi il s’est installé ici depuis 11 ans alors qu’au départ il ne devait rester que 3 mois.

Je suis tombé sous le charme de l’endroit aussi. Malgré cela, vers 7h00, je le quitte pour aller voir si le garagiste est ouvert. Philippe m’accompagne avec son VTT alors que sa sœur fait le ménage devant l’entrée en balayant puis brûlant les ordures.

Le garage est toujours fermé. Cela fait 5 jours que son proprio est parti. Il a dû aller fêter le Nouvel An Laotien ailleurs. Tant pis. Je quitte à regret ce franco-laotien retraité et érudit. Je reprends la piste bétonnée pour me diriger vers l’embarcadère et revenir sur le continent.

Mais avant de prendre la piste, je vous fais un rapide topo sur le Laos (ou République démocratique populaire lao). C’est un pays sans accès à la mer d’Asie du Sud-est, entouré par la Birmanie (ou Myanmar) et la Chine au nord-ouest, la Thaïlande à l’ouest, le Cambodge au sud et le Vietnam à l’est. La ville de Vientiane est sa capitale, la langue officielle le lao, la monnaie officielle le kip. Ce fût un protectorat français de 1893 à 1954. Sa superficie est de 238.000km2 (2 fois plus petit que la France) pour une population de 7,5 millions d’habitants (9 fois moins peuplé). Depuis 1975, le Laos est un État socialiste dirigé par le Parti révolutionnaire populaire lao, parti unique d’obédience marxiste-léniniste. Le président de la République démocratique populaire lao, Thongloun Sisoulithn, est élu par le Parlement pour 5 ans.

Après cet intermède culturel, je retrouve une piste en latérite parallèle au Mékong. Pourvu que ça dure … Comme toujours, le spectacle est partout. Cette fois-ci, c’est dans cette bétaillère où un pauvre cochon rose se trouve coincé par deux énormes buffles et une vache. Et, en plus, il y a celui de droite de buffle qui lève la queue !

La piste est belle. J’avance à bonne allure. Le paysage défile devant moi. De temps en temps, une pointe de couleur différente de l’ocre et du vert attire mon regard. Un peu de couleur dans ce paysage aride ne peut faire que du bien à la rétine.

Quelques rizières sont encore irriguées et peuvent donner une deuxième récolte. Après la récolte, les brins portant le riz sont hachés et nourrissent les herbivores. La vieille dame apporte de quoi se restaurer aux hommes en plein boulot et en plein cagnard.

Je poursuis mon petit bonhomme de chemin. Je traverse de nombreux hameaux en bordure de fleuve. Comme sur les îles, je ne suis doublé pratiquement que par des scooters. En suivant au plus près le fleuve, la trace est parfois étroite.

Seuls quelques pickups apportent leur chargement d’eau, de bière ou de nourriture. Mais la route principale est de l’autre côté du fleuve. Il y a également une autre route à l’intérieur des terres que je rejoindrai plus tard. Ici, c’est plutôt calme. Dans les petits villages traversés, la présence française est encore marquée sur les entrées des écoles ou collèges.

Je m’arrête d’ailleurs dans ce village pour y boire un café et manger quelques biscuits aux céréales. Le vélo, ça creuse … comme le chemin de terre aux nombreuses ornières qui a fait place à la piste en latérite. Le rythme n’est plus le même. Je dois faire gaffe aux trous pour ne pas casser quelque chose. De plus, le paysage devient sacrément aride lorsque les cultures ne sont plus irriguées.

J’avance cahin-caha. Dans le village de Moonlapamok, j’ai la surprise de voir arriver devant moi de charmantes laotiennes en tenue traditionnelle apportant des présents à un mariage. Je pile, sors mon iPad en mode appareil photo, me positionne et leur demande l’autorisation de les photographier. C’est avec de grands sourires et des « Sabadi ! » qu’elles me répondent en chœur.

Après ce moment magique, je continue ma route. Je les aurais bien suivies pour faire la fête et déguster les mets présents sur ces plateaux. Je m’arrête un peu plus loin en bordure de fleuve pour me remettre de mes émotions. Mais, ici, je tombe à nouveau sur de jeunes femmes. Elles sont habillées et se baignent. Cela me donne envie … de me baigner.

Je poursuis ma route sur une trace qui mène dans un cul-de-sac. Ou, tout du moins, au bord de la rivière H.Khala qu’il me faut traverser pour poursuivre mon chemin le long du Mékong. Je pose mon vélo au bord de l’embarcadère. J’attends. Des gars attablés dans une gargote m’ont vu descendre la rampe. De l’autre côté, j’entends parler et je suis également visible. J’attends. Vu l’endroit, comme je suis en nage et couvert de poussière, c’est tout indiqué pour un plouf. Comme les jeunes femmes, je vais à la baille tout habillé.

Cela fait un bien fou. En remontant sur la berge, je retire mon tee-shirt à manche longue, que je porte depuis 3 mois, afin de l’essorer. J’entends un craquement. Je l’ai ouvert dans le dos. De toute façon, à force de le porter et de le laver quotidiennement, il était au bout du bout. Cependant, il va falloir que je trouve une solution pour me protéger les bras, mon autre tee-shirt étant à manche courte. J’irais faire des emplettes demain. Ceci est un petit problème. Le plus important est de régler celui de mon dérailleur arrière. Le pilote du traversier arrive dans ces entrefaits. Il n’y a que moi de ce côté. J’embarque et on traverse. Je retrouve un chemin longeant le fleuve. Au loin, je remarque une longue bande de sable blanc. Je m’arrête devant un Resort 5* qui a squatté la rive (humour noir comme les bâches de cette cabane).

Je repars. Quelques kilomètres plus loin, c’est ce four à bois, pour produire du charbon de bois, qui attire mon attention. Il vient d’être bouché par de la terre encore fraiche. D’un trou s’échappe de la fumée.

Vers midi, je m’arrête déjeuner dans le village de Bounkeo. Au menu, il n’y a qu’un seul plat et c’est encore de la soupe aux nouilles et bœufs. Alors que je déjeune, j’aperçois ce papa avec sa marmaille sur un banc-balançoire. Je le regarde et lui demande si je peux les photographier. Le papa, portant le maillot du Bayern de Munich, accepte avec le sourire; ses deux garçons aussi alors que ses deux filles n’ont pas trop l’air d’accord.

Après ce déjeuner et cette longue matinée sur mes chemins de traverse, une sieste s’impose. Je sors du village et trouve cet emplacement idéal, avec ce magnifique arbre au pied, pour mon activité préférée de début d’après-midi. Je mets le réveil à sonner. Je déconnecte pendant 40 minutes.

A mon réveil, je bifurque à gauche pour rejoindre cette route à l’intérieur des terres. J’ai encore 40 bornes à faire. Heureusement, la route est bitumée. J’avance à bonne allure dans ce paysage désertique. Tout est sec. Les parcelles de rizière sont assoiffées.

Je me rapproche de Champasak. Au loin sur ma gauche, la montagne Phou Khao barrent le paysage. Le sommet de celui-ci culmine à 665 mètres. Ces monts marquent la frontière avec la Thaïlande. Et oui, déjà. Mais le voyage n’est pas encore terminé.

J’entre dans Champasak peu avant 16h00. Je n’ai pas chômé. Je repère un réparateur de scooters avec quelques vélos à l’intérieur. Je m’arrête. Je montre mon problème de câblerie. Apparemment, le patron n’a pas de gaine pour dérailleur et me propose de remplacer la mienne par une gaine de frein. Au point où j’en suis, je n’ai pas trop le choix. Un mécano attaque le boulot. Quand il découpe le câble au niveau dérailleur, je perçois les emmerdes pour le remettre vu qu’il s’est effiloché. Et, bien sûr, il n’y pas de câble pour dérailleur non plus. Je laisse le gars galérer.

Finalement, il est obligé de changer aussi la gaine arrière. Il finit par arriver à ses fins non sans mal. Par contre, au niveau réglage, il n’y connaît rien. Je reprends la main pour régler les butées, bidouillées par le premier mécano à qui j’avais montré mon problème il y a quelques jours de cela. Apparemment, les vitesses re fonctionnent. Je ne sais pas pour combien de temps. Le principal est que je puisse grimper quelques cols. Je règle la douloureuse de 30.000LAK (2€). Comme à L’Arche dans mon atelier vélo, ils ne font payer que les pièces !
Je repars et me dépêche vu que le temps est en train de tourner à l’orage. Le premier GuestHouse visité est trop cher. Le second, tenu par un jeune couple de lyonnais qui a repris l’affaire depuis 2 mois, est le bon. J’ai juste le temps de poser le vélo que l’orage éclate. Cette fois-ci, j’ai carrément la terrasse au bord du fleuve. Le vent souffle si fort qu’il soulève des vagues sur le Mékong. C’est impressionnant. Je m’installe sur la table pour rédiger ces lignes. Mais, après une accalmie, la pluie redouble d’intensité. Le toit fuit. Je rentre au sec.

Vers 19h00, je pars diner, sous une petite pluie, alors que l’orage s’éloigne enfin. Sur les conseils du gérant, je vais diner dans un restaurant tout proche qui donne aussi des cours de cuisine. Je me régale de nouilles frits accompagnés de légumes frais. Je me tape aussi une bière noire Beerlao pour arroser cette nouvelle étape de plus de 100 bornes. Pendant ce bon diner, j’en profite pour regarder les vidéos envoyées par mon amie Leïla qui a filmé toute l’équipe de l’atelier Maraîchage. Que cela me parait loin mais quel plaisir de revoir tous mes compagnons si chers à mon coeur. Il est temps de rentrer et de me coucher.