En ce dimanche matin, pas de grasse mat’ pour les braves ! A 5h30, je suis sous la douche mais à 6h00 c’est sur la touche que je me retrouve. A minuit, ma citrouille de destrier a été transformée en magnifique carrosse. Il n’a gardé que sa magnifique robe noire. Haka2 s’est métamorphosé en Aston Martin !

Plus sérieusement, je retrouve mon Haka2, sorti de la maison d’à côté où il a passé la nuit, avec le pneu arrière à plat. Pourtant, hier, j’ai roulé après être sorti de chez le vélociste qui m’avait regonflé les pneus à bloc. Cela commence fort. Je démonte la roue. Je sors la chambre à air. Le réceptionniste m’apporte une bassine d’eau pour que je puisse détecter le trou d’une crevaison lente. Las ! Aucune bulle. Je remonte une chambre à air neuve et verrai cela plus tard. Entre-temps, j’ai demandé au réceptionniste qu’il se renseigne sur le prix d’un taxi pour m’amener au temple de Wat Phou. Cela me coûterait 3 nuits d’hôtel. Je laisse tomber l’idée. A 6h30, je pars enfin.

Je reprends la direction du nord pour sortir de cette ville. Je me prends le vent, qui se lève en même temps que le soleil, dans le pif. Je ne le sens pas. Je m’arrête pour acheter des chaussons sous feuille de banane à une marchande ambulante. J’ai 45 bornes à faire pour retourner au temple. Mentalement, j’ai du mal à faire machine arrière. D’autant plus que des temples khmers, j’en ai vu quelques uns à Angkor. Ça, c’est pour me persuader d’avancer. J’abandonne l’idée. Tant pis. Je prends finalement la route en direction de Paksong et le plateau des Bolovens. Après avoir longé de nombreux concessionnaires automobiles, je sors enfin de la ville par une 2*2 voies. Le long de la route, de nombreux stands de fruits (ananas, pomme jacque, durian, bananes) se font une sacré concurrence .

La route est un long faux plat montant que je passe sur la plaque du milieu en jouant enfin sur les pignons arrières. Ce n’est pas très fluide mais ça passe quand même. A 8h00 pétantes, je passe devant la première factory de café dénommé Café Bachieng. Je m’y arrête pour déguster mon premier express dans un cadre fort agréable de pierre et de bois.

Après cette pause fort sympathique, je retrouve ma grande route. J’enchaîne les traversées de village B. LAK nn (B pour Ban – Village et nn pour le nombre de kms depuis Pakse). Je dois arriver à B. LAK 50 !

Je continue à grimper tranquillement. La pente doit être à 4 ou 5%. De plus, la température est agréable. Plus je grimpe, moins il fait chaud. J’ai aussi la possibilité d’ouvrir les écoutilles en grand avec mon nouveau tee-shirt BMC. J’ai également mis mes manchons attachés par les élastiques rouges de mon « chausson embanané » de ce matin. Je m’arrête photographier les plants de café. Quant aux plantations, elles se trouvent de chaque côté de la route derrière des haies naturelles ou derrière les rangées de maison. Mais, comme les grains ont été ramassés, cela ne m’inspire pas.

Je circule toujours sur ma bande bien à droite des 2 voies. Le trafic n’est pas intense mais je préfère me tenir à l’écart d’un éventuel fou furieux. Cependant, des obstacles m’obligent parfois à emprunter la voie de droite. Ici, c’est un des nombreux bus locaux qui s’est arrêté pour charger un nouveau passager. Ces petits bus n’ont pas de vitres. Les autochtones s’entassent là-dedans et calent leur chargement comme ils peuvent.

Peu avant midi, j’arrive aux chutes de Tad Yuang. L’entrée est payante (1€ pour les touristes) mais il n’y a pas vraiment foule. Je croise seulement 2 couples de touristes anglophones. Les minorités Alak et Katu vivent dans ces forêts primaires et, maintenant, le long de la route. La photo avec quelques femmes de ce village est incontournable. Elles prennent la pose moyennant quelques kips. La mamie de gauche est particulièrement facétieuse avec ses lunettes rouges et sa pipe en bambou.

Par contre, ce pousse-pousse d’époque ne demande rien pour être photographié. J’aimerais bien l’emmener dans mon atelier pour le remettre en état et faire du taxi dans les rues du centre historique de Blagnac. De plus, cela foutrait encore un peu plus le bordel avec ces automobilistes qui aimeraient pouvoir se garer juste devant le petit commerce où ils se rendent. Ou bien qui viennent stationner dans l’aspirateur à bagnoles du parking souterrain de la mairie. Ce serait génial !

Je traverse les quelques magasins de souvenir avant de descendre voir ces chutes. Je dois dire que, vu le niveau des cours d’eau, je ne m’attends pas à quelque chose de fantastique. Et bien, je suis fort agréablement surpris. Cette cascade est superbe.

Je descends par des escaliers au pied. Je rencontre un touriste asiatique parlant anglais qui me propose de me prendre en photo. J’accepte et, au passage, fais un peu de pub pour BMC. Avant je roulais aux couleurs du Stade Toulousain mais je n’ai plus qu’un seul jeu de cuissard/maillot. D’ailleurs, à chaque périple, c’est un cuissard, un maillot et une paire de manchons qui finissaient à la poubelle. A ce sujet, je vais faire breveter mes nouveaux manchons. 90 jours de vélo presque quotidien, ça use !

Une fois arrivé au pied de ces chutes, je ne garde que le cuissard pour aller faire un plouf. La température de ‘l’eau est beaucoup plus fraiche que celle du Mékong. Une fois remonté dans le village commerçant, un vieux monsieur laotien m’interpelle : « Vous êtes français vous ? ». Pourtant, je porte une marque suisse. J’entame la conversation … avec Inpong le propriétaire de ce site. Cet homme de 79 ans en pleine forme a appris le français à l’école au Laos. Puis il est parti en France et a passé son bac en 1963 à Montpellier. Il a ensuite vécu très longtemps dans le centre de la France. D’ailleurs, il est connu sous le nom du « Berrichon du Mékong » (Le berrichon du Mékong). Encore un sacré personnage ! Je parcours les 800 mètres du chemin qui me ramène sur la route. La météo se gâte à l’ouest. De gros nuages noirs s’accumulent sur le sommet du Phou Chun Tuar à 1250 mètres d’altitude.

Le vent vient du nord-est et le ciel est plutôt bleu de ce côté-là. Je pense que ça devrait tenir. Il ne me reste plus qu’une dizaine de kms vu que je viens de passer devant le village du km 40. C’est étonnant cette appellation. Les nuages sont encore un peu plus impressionnant devant ce temple. Je n’aimerais pas être en montagne sous les orages qui éclatent au loin.

Je poursuis ma route à la recherche d’un endroit où déjeuner. Il est bientôt 13h et les restaus ferment tôt dans ces pays. Auparavant, je m’arrête devant ce petit stand où des sachets de thé et de grains de café sont à vendre. Dans la corbeille en osier se trouvent des morceaux de charbon de bois.

Je finis par dénicher une gargote à l’intérieur d’une maison. Il n’y a qu’une grande table sur laquelle je m’installe. Cette grande famille est surprise de me voir débarquer ici. Je demande à manger le plat du jour et m’installe. Une des jeunes cuisinières m’apportent une belle assiette de soupe. Par rapport à celle d’hier, j’ai de beaux morceaux de bœufs ainsi que des tranches de « cervelas » et des boules de « je-ne-sais-pas-quoi ». C’est délicieux ! Je fais un signe du pouce pour faire comprendre que je me régale. La cuisinière me demande alors « niom ? ». Je lui réponds « niom, niom ! ». Toute la famille explose de rire. Ben oui, c’est bon, bon ! Avant de partir, je leur demande si je peux prendre en photo les enfants mais les adultes veulent poser aussi, excepté les cuisinières au fourneau.

Le sol de cette pièce, où se trouve la cuisine, la table et ce grand lit, est en terre. Les poules, coqs et chiens s’y baladent en toute liberté. J’ai l’impression d’être revenu 35 ans en arrière quand j’allais chez mes voisins, la famille Gaillard, en Dordogne. Alors que je les quitte, la jeune cuisinière m’appelle pour m’offrir un pochon contenant des bananes qu’elle est train de faire frire à la poêle. Je la remercie elle et toute cette grande et sympathique famille pour leur chaleureux accueil. J’adore ces beaux moments de partage malgré le barrage de la langue. C’est vraiment ce qui fait le charme de ces vagabondages. Je repars en dégustant mes bananes chaudes. Quelques kms plus loin, j’arrive à destination. Le GuestHouse repéré est complet. C’est bien la première fois. J’en trouve un autre sans problème et me pose. Il est 14h00, l’heure de la douche puis de la sieste.

Ensuite, après 30’ de sieste bien méritée, j’attaque l’opération de changement des pneus. En effet, le pneu avant, acheté et monté hier, est un 35 pouces orienté chemin. Celui de derrière est un 32 route. J’intervertis les 2 pour avoir plus d’accroches sur l’arrière. J’en profite aussi pour nettoyer le dérailleur et les pignons et vérifier ma chambre à air. Il s’avère que c’est au niveau de la valve que ça fuit. Je pense que le vélociste a surgonflé le pneu et que la pression l’a fait se détacher légèrement. Je n’ai plus qu’à la balancer avant d’en trouver une nouvelle.
Une fois ce problème réglé, je reçois un appel du fiston qui a solutionné mon autre problème de billet de retour. Je rentrerais (je le mets au conditionnel vu qu’il y a souvent des changements avec les compagnies aériennes) finalement le 14 juin en France. Une fois ces 2 problèmes solutionnés, je me pose dans un Café Amazon en face de mon GuestHouse. Vers 17h30, les gros nuages noirs sont arrivés dans le secteur. J’ai juste le temps de plier les gaules et de traverser la 2*2 voies en sprintant que l’orage éclate. C’est à nouveau le déluge.

Et quel bonheur également de me retrouver au sec dans cette chambrette à la température agréable même sans clim alors que, dehors, le thermomètre a chuté salement. J’attends que ça se calme avant de pouvoir sortir dîner dans le restau juste à côté. Après avoir avalé un plat de riz frit accompagné d’une Beerlao et acheté un gâteau à la banane, je rentre dans mes pénates. La pluie a repris de plus belle. Je vais regarder la Doyenne (course cycliste Liège-Bastogne-Liège) avec le duel attendu entre les 2 phénomènes Pagocar et Evenepoel. Fin de cette journée sur le plateau des Bolovens.