J147 – mardi 25 avril – Salavan / Phou Vieng

Le mardi, c’est comme le lundi : réveil aux aurores. Alors que 6h du mat’ n’a pas encore sonné aux cloches du temple, je suis déjà prêt à partir pour cette longue étape. Je quitte Chindavone GuestHouse, idéalement situé dans le centre de cette charmante ville de Salavan où la propreté est de mise.

Je sors de la ville direction plein ouest avant de remonter au nord. J’ai le soleil levant dans le dos … et un coureur matinal, au couleur des Chicago Bulls en face de moi. Pour les incultes, c’est une franchise de basket avec le célèbre (et désormais retiré à vie) maillot n°23 de Michael Jordan. Ce doit être la première fois que je croise un joggeur hors grandes agglomérations. Nous nous faisons un petit signe en se croisant pour marquer notre adhésion à la secte des bargeots.

Auparavant, je me suis arrêté devant le stand d’une marchande ambulante pour y acheter de quoi déjeuner. J’ai opté pour du riz et une pochette surprise. En ce qui concerne le riz (et l’Imodium), mon problème gastrique d’hier est résolu. Je m’arrête à une petite table en bordure de route. A cette heure matinale, la circulation est quasi nulle. Dans la pochette surprise se trouve des morceaux de poulet et une sauce bien épicée. Comme je n’ai pas de couvert et que j’ai la flegme de sortir ma popote, ce sera à la malaisienne ce matin.

Heureusement, il me reste quelques bananes pour calmer le spicy. Dorénavant, je sors toujours avec mes bananes. Une fois ce copieux déjeuner avalé, je reprends la route bitumée n°15. Je file bon train. Je passe le village de Nadonkhouang. Sur la droite part une méchante piste en terre. Dans mes pensées secrètes, je me dis que j’ai du bol de rouler sur cette route. Un peu plus loin, je traverse un autre village. Un papa s’apprête à déposer les enfants à l’école avec ce fameux « motoculteur » dont je vous parlais hier.

D’ailleurs, je passe devant l’école du village de Nongpou-Gnai quelques kms plus loin. Ces deux jeunes n’ont pas l’air spécialement pressé d’y entrer …

… dans cette école avec, comme dans toutes les écoles asiatiques, un grand terrain de sport devant les salles de classe.

Avant de repartir, je consulte ma carte GPS sur mon iPhone pour connaître le nombre de kms parcourus. Et j’ai la désagréable surprise de me rendre compte que le pointeur bleu indiquant ma position est hors circuit. Et merde !!! J’ai raté la bifurcation pour monter au nord. Pourtant, il ne me semble pas avoir vu de croisement. Je pense vous avoir déjà dit que j’éteignais régulièrement mon iPhone pour économiser la batterie qui pompe énormément en mode GPS. Je le rallume de temps en temps au carrefour, rond-point, croisement pour vérifier ma route. J’étais tellement bien parti que je vais devoir faire demi-tour. Je reviens sur mes pas en scrutant mon GPS pour trouver la fameuse bifurcation. Après avoir parcouru 6 bornes, je m’aperçois que ma trace part sur la piste que j’évoquais précédemment.

Au départ, cela semble une piste en latérite mais, vu les cailloux sur les côtés, ça ne semble pas terrible. Pourtant, j’ai bien positionné le mode « Vélo de route » sur mon traceur Mapy.Cz installé sur l’iPad. Vu que je n’ai plus de chambre à air de secours, je n’ai pas envie de me taper de la piste pour « Vélo tout terrain ». J’avance et je verrais. Très rapidement, la piste devient caillouteuse. Il me faut rouler sur le bas-côté pour avancer. Cela ne va pas le faire cette affaire. Je trouve une gargote où je m’arrête boire un café glacé en canette. Evidemment, personne ne baratine le rosbif. Je chope le jeune, l’amène sur la piste et lui demande en mimant si c’est comme cela longtemps. Il comprend et inscrit 35kms avec son doigt sur la terre. C’est à dire jusqu’au village de Muang Toumlane. Trop loin. Trop risqué. Trop galère. Je change d’itinéraire et repars d’où je viens !

Avec la carte, c’est plus facile à comprendre. J’avais donc tracé l’itinéraire rouge depuis l’étoile en bas à droite (Salavan) pour rejoindre le seul hébergement (le lit en haut à gauche) trouvé dans ce secteur à +-100 kms du départ. Finalement, j’ai repris la route jaune pour arriver au point bleu d’où je rédige ces lignes. J’aurais aussi pu prendre la route orange depuis Salavan mais ce tracé n’était pas proposé. Cela fait partie du jeu. Il faut aussi accepter de se tromper et de faire demi-tour. D’ailleurs, j’ai pris la fameuse bifurcation en photo. Ce n’était pas forcément très évident de voir qu’il fallait tourner là.

Je reprends donc la route ce matin et repasse au même endroit pendant 6 bornes. Le trafic est un peu plus intense. Après avoir dépassé mon point de retour arrière, je trouve une gargote où m’acheter une grande bouteille d’eau fraiche et boire enfin mon café matinal accompagné de son thé chaud. Ce café fait maison est quand même bien meilleur que la boisson en boite caféinée et sucrée.

Il me faut repartir. Vu le merdier de ce matin, j’aimerais ne pas arriver quand même trop tard. Je reprends la route à bonne allure. Je double d’ailleurs une remorque attelée. Dedans, toute une petite famille avec la grand-mère, la maman, les enfants et le papa au guidon. Je ne sais où ils se rendent mais pas à l’école vu la tenue des enfants.

Quant à moi, je file vers la ville frontière avec la Thaïlande de Savannakhet distante de 215kms. Je devrais y trouver un magasin de vélo pour y acheter une chambre à air. A ce sujet, je suis en train de me rendre compte que mon pneu arrière est légèrement dégonflé. Je le sens quand je passe des ponts. Ça tape et ça flotte signe de crevaison lente. Décidément, ce n’est pas ma journée. Je m’arrête et regonfle. Je verrais si cela tient ou si je dois réparer.

Je continue ma traversée d’est en ouest pour revenir vers le Mékong, fil conducteur finalement de ce périple asiatique. Mais, pour le moment, c’est toujours la rivière Xe Don que je suis. Je m’arrête à nouveau pour franchir cet ouvrage à pied. Haka2 m’attend sagement de l’autre côté. J’ai bien fait de le laisser seul vu que de nombreuses têtes de clous affleurent les planches.

Je poursuis ma route à travers cette campagne verdoyante. Des canaux provenant de cette rivière permettent d’irriguer les rizières. Deux récoltes par an, c’est deux fois plus de revenus pour les paysans. Au loin se dresse le sommet du Parc protégé de Xe Bang Nouan. Ma route me faisait passer au nord de ce parc. Là, je le contourne par le sud.

Je franchis à nouveau la rivière mais par un pont en dur. Le niveau est particulièrement bas. Comme déjà écrit, j’aimerais bien revenir dans ces régions à la période des pluies. Je n’ai pas dit « à vélo » … ou alors, éventuellement, à pédalo !

A 10h30, je m’octroie une pause fraicheur & couleur avec un bon verre de jus de canne frais et un coup de ventilo dans le village de Vapy. C’est un couple de petits vieux qui tient l’endroit. Le vieil homme m’accueille en parlant français. Il me dit qu’il l’a appris à l’école de Salavan en 1969. À l’époque, on lui enseignait « Nos ancêtres les gaulois ». Véridicte ! Les hommes politiques étaient aussi cons que maintenant. Je papote avec lui en sirotant ma boisson fraiche et naturelle préparée par sa femme. J’en profite aussi pour redonner un coup de pompe à Haka2.

En sortant de ce village, quelques stands proposent des articles en osier. Pour mémoire, les paniers à gauche ne servent pas à mettre le linge sale mais à enfermer les coqs.

Arrivé dans le village de Napi-Pua, je bifurque, cette fois-ci sans l’oublier, sur la droite pour éviter de descendre jusqu’à la ville de Napong puis de remonter en empruntant la route 13 (ou AH11 – Asia Highway 11). Au départ, j’emprunte une piste étroite bétonnée. Mais cela ne dure hélas pas. C’est de nouveau une piste en latérite qui s’ouvre devant moi. Je croise à nouveau quelques motoculteurs à remorque. Pour l’instant, la piste est roulante. Pourvu que ça continue …

Par le contre, le paysage change à nouveau. Comme je m’éloigne de la rivière et des canaux d’irrigation, la campagne redevient aride, les villages hameaux, les demeures en tôle et bois, les vaches squelettiques, les baroudeurs neurasthéniques.

Même la traversée des rivières à sec offrent un spectacle de désolation. Je me demande comment on peut vivre dans de tels endroits. D’autant plus qu’il est bientôt midi et que le soleil tape à nouveau très fort.

D’ailleurs, je commence à avoir la dalle (comme le SCO de la belle époque). Il ne reste plus qu’une dizaine de bornes à parcourir. Mais, comme les gargotes ferment tôt, je n’ai pas envie de rater mon déjeuner. Vers 12h30, je me pose dans une gargote du village de Lakhonepheng. J’y suis chaleureusement accueillie par une jeune femme et sa maman. Elle m’invite à m’installer à la table de sa fille qui déjeune avec une copine. Au menu, ce sera soupe et crudités. Avant de partir, j’ai encore droit à ma séance photo. J’ai parfois l’impression d’être un extra-terrestre en terre inconnue. Je fais de même.

Avant de partir, je regonfle à nouveau mon pneu arrière pour la dernière partie de cette étape. Je parcours encore quelques kilomètres sur la piste en latérite avant de tomber sur la route 13. Cela sent l’écurie … Comme moi, Haka2 frétille d’impatience.

Au lieu de partir à droite et monter au nord, je remonte sur la gauche pour dénicher le GuestHouse repéré. A 14h00, je m’allonge tout propre dans un bon lit avec la clim’ qui diffuse des vagues de fraicheur. Il est temps de faire un gros siestou. Après 15h00, je sors sous une chaleur accablante pour réparer mon pneu. Il y a bien un éclat (verre, pointe, pierre, ?) qui a perforé le pneu. Mais, avec mon peu d’outil, je ne parviens pas à l’extraire. Je me résous à l’enfoncer dans le pneu en espérant qu’il ne ressorte pas. Cela m’était déjà arrivé en roulant avec les copains du Stade où j’avais crevé 3 fois en quelques kms à cause d’une pointe de silex inséré dans le pneu. On verra demain. En fin d’après-midi, alors qu’un orage menace à nouveau, je sors vite fait faire quelques emplettes pour la soirée dans le magasin le plus proche. Au menu, ce sera un gobelet lyophilisé, quelques bananes anti-spicy et une grande Beerlao pour fêter cette journée compliquée avec plus de 100 bornes au compteur.

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