J148 – mercredi 26 avril – Phou Vieng / Pakxong

Le mercredi, c’est comme le mardi : réveil aux aurores. Alors que 6h du mat’ vient juste de sonner aux cloches de la mosquée, je suis déjà prêt à partir pour cette nouvelle longue étape. Je quitte Phonesavanh GuestHouse qui aurait besoin d’une sérieuse reprise en main. Mais c’est le bordel un peu partout dans cet endroit. Aujourd’hui, je n’ai même pas besoin de tracer ma route. Je n’ai qu’à suivre la route 13 jusqu’à Pakxong (avec un X, ne pas confondre avec Paksong !). Au moins cela m’évitera de sérieuses déconvenues comme hier.

Le pneu arrière d’Haka2 est toujours gonflé à bloc comme son jeune jockey qui grimpe dessus. Pourtant je me prépare à une mortelle randonnée. Après avoir aperçu quelques gargotes le long de la route mais qui sont encore fermées, je finis par trouver mon bonheur quelques kilomètres plus loin. J’y déjeune de la traditionnelle soupe de noddles & soja. Par contre, cette fois-ci, je n’ai pas droit à mes crudités. Il faut dire aussi que la jeune cuisinière est enceinte jusqu’aux yeux. Elle a bien du mal à assurer le service. Son mari, lui, bricole en bas de cette belle cabane sur pilotis.

Une fois la panse remplie, je repars pour cette étape qualifiée de transition. Je dois quand même me méfier de l’état du revêtement de cette route principale 13. Comme souvent sur ces axes, le bitume n’est pas de parfaite qualité. C’est le moins que je puisse dire.

Comme je l’ai déjà signalé, le risque est de contourner l’obstacle sans regarder dans son rétroviseur. Si un autre véhicule arrive à grande vitesse, c’est le carton assuré même si les klaxons sont toujours actifs. Je redouble donc de prudence. D’autant plus que je traverse une foultitude de petits villages éparpillés le long de cet axe principal.

Je dois aussi me méfier des troupeaux de vaches et de biquettes qui broutent le long des bas-côtés. Dans le village de Lakhonepheng, je passe devant une superbe demeure en bois. Par contre, le ciel est voilé ce matin. Je n’ai pas encore vu le roi Surya. Ce n’est pas plus mal. La température est encore très agréable alors que 7h00 vient de sonner.

L’heure avance. La circulation augmente. Je croise de nombreux bus chargés comme des mulets. Certains (bus pas mulets) sont avec lits couchettes. C’est assez cocasse de saluer des passagers allongés en train de se réveiller. Ces bus font la navette entre la capitale Ventiane et Pakse. Comme je traverse le village de B. LAK 94, j’en déduis logiquement qu’il reste 94 kms jusqu’à leur destination finale.

Les paysages sont à nouveau tristes et monotones. Ce ne sont que champs de rizières à sec et pâturages arides où les déchets se baladent au grès du vent. Heureusement, en traversant ces nombreux villages, quelques arbres colorés égaient ce tableau.

Pour rompre cette monotonie qui va durer toute la matinée, je branche ma musique sur une compilation de Daniel Balavoine. Je trouve que cela a mal vieilli. Ou, tout du moins, que beaucoup de chansons se ressemblent dans la rythmique. Au bout d’un moment, cela me fatigue. ll est temps que je trouve un kiosque à boisson. Celle-ci fait en plus vente de bijoux. Pour les bijoux, je repasserais. Pour mon café noir et chaud, aussi. J’ai beau répété les mots de Philippe, je me retrouve avec un café au lait glacé. Je pense que la mixture est préparée à l’avance et que les jeunes femmes tenant ces kiosques n’ont pas envie de s’enquiquiner. Elles ont bien raison. Mais le café au lait glacé le matin, je ne suis quand même pas trop fan.

Après cette pause quand même bien venue, je reprends ma route monotone. Il est 9h30. Je passe la borne m’indiquant que je suis à 109kms de Savannakhet. Je croise un collègue cyclotouriste. Dans ces cas-là, les membres agréés de la confrérie de la pédale s’arrêtent pour se saluer et discuter le bout de gras. Je traverse donc la route pour rencontrer Sergio. Il est originaire des îles Canaries. Il est en train d’effectuer une boucle au départ de Hanoï. Il trace la route pour sortir rapidement du Laos vu que son visa arrive à expiration. Et oui, nous rencontrons tous les mêmes « problèmes ». Il chevauche un vélo Fahrrad TX-800, le haut de gamme des randonneuses de ce fabricant allemand. Le modèle est à 2.400€ quand même. Comme nous sommes en rase campagne, nous ne pouvons même pas discuter devant un bon café au lait glacé. Tant pis. Bonne route Sergio !

Pour en revenir aux Canaries, cet archipel est situé au large des côtes au niveau entre le Maroc et le Sahara occidental. C’est dans ce secteur qu’ont encore lieu des affrontements entre les marocains et le Front Polisario, soutenu par les algériens, qui lutte pour l’indépendance du Sahara Occidental. Et, ce, malgré un accord de cessez-le-feu signé en 1991, préalable à un référendum d’autodétermination … qui n’a toujours pas eu lieu. Pour en revenir à Tenerife, la plus grande île de cet archipel, c’est là que de nombreux cyclistes pros viennent s’entraîner pour gravir le volcan Teide culminant à 3.715m et toujours en activité. C’est d’ailleurs ici que Remco Evenepoel s’est entrainé pendant 3 semaines avant de remporter la Doyenne ce dimanche après l’abandon de Pogacar. Fin de la digression et retour à ma route 13 où je franchis le cap des 100 kms pour me rendre à Savannakhet.

Je meuble comme je peux vu que, ce matin, je n’ai pas grand chose à vous raconter ou à vous montrer. Ah oui, j’oubliais. En milieu de matinée, je m’arrête dans un kiosque à boisson. Alors que je ne suis pas encore descendu de Haka2, une femme âgée se précipite sur moi un téléphone à la main. Je comprends qu’elle est en ligne avec son frère qui parle anglais. Comme elle est en mode vidéo, j’aperçois difficilement un vieux monsieur à l’autre bout du fil … et de la terre. Celui-ci vit en effet à Sacramento en Californie. Nous papotons un moment. Je profite de sa présence pour qu’il demande à sa petite-fille, ado pas très agréable d’ailleurs, de me préparer un café noir glacé sans lait (no milk !). Je le remercie, le salue et me pose. Ma commande arrive … avec du lait ! C’est un running gag. Je le bois quand même et récupère la glace pour ma gourde. Je repars et franchis le pont qui enjambe le Xe Banghiang, autre affluent du Mékong.

D’ailleurs, c’est à cause de cette belle rivière que je suis obligé de suivre cette route. Il n’y aucun autre pont qui l’enjambe jusqu’au Mékong d’où l’impossibilité de suivre une petite route parallèle à ce fleuve. Vers midi, j’entre dans Pakxong. C’est une grosse bourgade bâtie des deux côtés de la route principale. Je dégote une gargote où de jeunes ronds-de-cuir, au tee-shirt bleu identique, déjeunent … avec les mains. Je commande du riz, servi dans sa boite en osier, et une brochette de poulets. Effectivement, il n’y a pas de couvert. J’imite donc les jeunes. Entre-temps, un vieil homme amène à bord de son side-car des légumes. Je pense reconnaître des aubergines rondes mais je n’en suis pas certain. Chaque boule me semble bien lourde et pas spécialement violacée. Encore un mystère de l’est ! Je fais appel à mes ami.es maraîchers de L’Arche afin de résoudre cette énigme.

Après ce déjeuner copieux mais quelque peu sec, je pars à la recherche d’un hébergement. Le premier ne me satisfait pas. C’est une chambre borgne au fond d’une cour et près de travaux d’agrandissement. Le second est parfait. Il est en ville. C’est propre et climatisé. Par contre, au moment de me doucher, je m’aperçois que l’eau ne coule pas. Après renseignement auprès du gérant, il me répète à plusieurs reprises en se marrant « lifi ». Je ne comprends évidemment pas. Tant pis. Ce sera douche à l’ancienne avec le baquet bleu empli d’eau et la gamelle verte pour s’asperger. A ce sujet, je vous fais remarquer qu’il n’y a pas non plus de papier toilette mais, comme dans les pays arabes, un tuyau pour se nettoyer le derrière. Et c’est beaucoup plus hygiénique et écologique aussi. Et oui, cela fait aussi partie du voyage.

Après avoir piqué un bon roupillon puis rédigé ces lignes, je m’aventure en ville alors que la chaleur diminue en même temps que le soleil décline. Il est 17h00. Je me pose sur une table derrière le stand de boissons de l’épouse alors que son mari tient un magasin de tuyauterie. Comme il parle un peu anglais, j’arrive enfin à commander un café noir glacé. En phonétique laotien, cela donne « café dâm ». Je picore aussi des petites boules trempées dans du sel. En discutant, les questions reviennent sur d’où je viens ou je vais. Quand j’évoque mon voyage à vélo, la première chose demandée est « How old are you ? ». D’ailleurs, nous avons presque le même âge avec l’homme en vert. Il semble à la fois dubitatif quant à mon périple mais aussi admiratif. Cela m’est arrivé de montrer mon tracé et mon passeport pour prouver que je n’étais pas un gros mytho. Il est temps de rentrer à l’hôtel puis d’aller dîner.

En rentrant dans le Guesthouse, je suis accueilli par un couple de cyclotouristes qui a repéré mon vélo. Ils sont du Royaume Uni. Comme ils viennent juste d’arriver, nous nous donnons rdv à 18h30 pour aller dîner ensemble dans le restaurant juste en face. Une fois à table, nous faisons plus ample connaissance. La jeune femme se nomme Henriet. Elle est galloise. Elle travaille dans l’achat/vente de stocks de fringues invendues. Son compagnon se nomme Chris. Lui est écossais d’Édimbourg. (J’adore cette ville). Il est âgé de 32 ans. Il a déjà pas mal bourlingué à vélo et vient de finir ses études pour devenir psychologue notamment dans le milieu carcéral. Ils ont pris 6 mois de congés pour vadrouiller, comme moi, à travers l’Asie. Je passe une superbe soirée en compagnie de ce charmant couple. Et puis, cela m’oblige aussi à baragouiner anglais. Après un très bon repas accompagné de quelques bières, il est temps de regagner chacun ses pénates.

Demain, je vais retrouver le Mékong et aussi de mauvaises pistes si j’ai tout bien compris. Fin de cette monotone journée de presque 100 bornes mais ponctuée heureusement de très belles rencontres.

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