J152 – dimanche 30 avril – Nakay / Lak Sao

Le dimanche, c’est comme le samedi : réveil aux aurores. Alors que 6h du mat’ vient juste de sonner aux cloches de l’église, je suis déjà prêt à partir pour cette nouvelle étape. Je quitte Anunda GuestHouse, un des plus beaux de tous. Aujourd’hui, comme hier, je n’ai pas besoin de tracer ma route. Je n’ai qu’à suivre la route 1E qui mène à Lak Sao situé à 33 kms de la frontière vietnamienne de Cau Treo.

Hier soir, la soirée a été rugbystique. Après avoir mangé un « Bolino » accompagné d’une grande Beerlao et de chips pour fêter mes 150 jours en Asie du Sud-Est, j’ai regardé les 2 défaites françaises. Celle des françaises contre les rosbifs féminins puis celle des toulousains contre les irlandais du Leinster. J’aurais pu me rattraper avec la victoire des toulousains en foot mais cela faisait vraiment trop tôt ! Et, pour en finir avec hier, j’ai bien fait de ne pas bouger. En effet, un gros orage s’est abattu vers 17h00. Il a plu ensuite une bonne partie de la soirée.

Donc, ce matin, je pars à la fraîche en direction du belvédère où je voulais me rendre dans l’après-midi. C’est à 3 kms du village endormi en ce dimanche matinal. Comme souvent, je m’attendais à tomber sur un site avec belvédère en bois, restaurant, bar terrasse pour admirer cet immense lac de Nam Theum, mais le lieu est un plus champêtre.

Le paysage est austère mais néanmoins impressionnant avec ces montagnes au loin enveloppées par la brume. Le ciel est couvert. La température est très agréable après les grosses pluies de la veille.

Derrière moi, un bateau a été posé en haut d’une colline. Il a dû être transformé en bar/restaurant mais me semble à l’abandon. Ce lieu est vraiment étrange. J’ai quand même bien fait d’y venir. En effet, je ne verrais plus trop ce lac une fois sur la route.

Je retourne ensuite au village afin de retrouver la route 1E. Malheureusement, les rares gargotes sont encore fermées. Je me contenterai de bananes en guise de déjeuner. Pendant une vingtaine de kilomètres, je longe ce lac en suivant cette route vallonée à flanc de petites montagnes. Le sommet de cette chaine est à 982 mètres. Sur ma gauche, la forêt primaire s’étend à perte de vue. Hélas, comme on peut le voir avec ces colonnes de fumée, cette forêt est saccagée par les brûlis.

Le long de la route, ce sont des pans entiers de forêts calcinées. C’est un vrai désastre. Tous ces pays tropicaux d’Asie du Sud-Est, comme ceux d’Amérique du Sud et d’Afrique, sont les plus touchés par la déforestation. Cela fait vraiment mal au coeur de voir cette magnifique forêt partir en fumée.

Je comprends bien que, devant une démographie en forte expansion et après la catastrophe du Covid, les besoins en terres cultivables pour fournir plus de nourriture sont nécessaires. Mais, c’est vraiment se tirer une balle dans le pied que de détruire ainsi ses propres ressources naturelles qui permettent de notamment de séquestrer le carbone. La forêt contribue ainsi à la lutte contre le changement climatique, atténue les événements climatiques extrêmes, filtre l’eau et offre une protection contre les inondations. À l’inverse, la déforestation contribue à environ 11 % des émissions de gaz à effet de serre ! Je poursuis ma route à travers ce paysage désolé par endroit.

Côté lac, le paysage est assez impressionnant également. Là aussi, la forêt a été détruite laissant place à de grandes landes marécageuses.

Sur ces terres impropres à la culture, seuls les bovins y paissent. L’endroit est désertique à part quelques fermes implantées ici et là. La circulation est pratiquement nulle en ce dimanche matin. Sensation de bout du monde. J’avance en jouant de la manette gauche pour passer de la plaque du milieu dans les faux-plats montants puis sur la grosse plaque quand ça redescend, et aussi de la manette droite pour monter et descendre les pignons arrières. C’est la symphonie de la bicyclette montagnarde.

Vers 7h30, j’arrive à Thalang situé au milieu de ce lac. Je m’attends à tomber sur une grosse bourgade. Mais, en fait, c’est juste un petit village avec quelques maisons en bord de route et un quartier derrière la route. Je ne trouve ni gargote, ni restaurant.

Cependant, en sortant de ce village, je passe devant un GuestHouse pour motards. Je m’y arrête. Il y a également un restaurant « occidentalisé » tenu par un couple fort sympathique. Je suis le seul client. Je me commande un riz frit poulet (khao phat). Le patron a dû me voir arriver à vélo car il me sert une copieuse assiette. Je me régale. Entre-temps, une famille française est entrée pour déjeuner. Ce sont encore des nantais. Ils sont en vadrouille pendant 6 mois et se déplacent en bus et scooter à travers l’Asie du Sud-Est. Les 2 jeunes ados âgées entre 12 et 15 ans sont déscolarisées pendant cette période. Je reste un long moment à discuter avec eux et, notamment, de la défaite du FCN hier soir. Mais il me faut repartir pour profiter de la fraîcheur matinale.

Cherchez l’intrus ?

Peu avant 9h00, je reprends ma route qui traverse le Nam Theun National Park. Le paysage change à nouveau. La route 1E, qui est surélevée, traverse littéralement cet immense lac.

Ou, tout du moins, un immense marais où les arbres calcinés forment un décor lugubre. Il n’y a pas âme qui vive. Je croise quelques scooters, notamment des occidentaux enfin réveillés qui font ce fameux Loop.

Cette traversée, au milieu de ce no man’s land, dure une dizaine de kilomètres. Je m’arrête à plusieurs reprises prendre des photos tellement ce décor est captivant.

Mais il me faut avancer encore et encore. Alors que je suis presque revenu sur la terre ferme si je puis dire, la borne des 42 kms me rappelle que j’ai encore un bout de chemin à tailler. Il est bientôt 10 heures. Comme je n’avance pas aussi vite que les meilleurs marathoniens mondiaux, j’ai encore pas mal de temps à rouler. Pour info, le record du monde est de 2h01’09 (soit une moyenne de presque 21km/h) établi par le kényan Eliud Kipchoge à Berlin 2022 alors que le jeune Kelvin Kiptum, âgé de 23 ans seulement, vient de s’imposer à Londres à 16 secondes seulement de ce record du monde.

Lorsque je rejoins la terre ferme, la route s’élève. Je reste sur la plaque du milieu. Le pourcentage doit être dans les 4 ou 5%. Je roule plutôt sur les allures de mon record perso sur marathon à 15km/h en faisant gaffe quand même de ne pas écraser un éléphant qui aurait l’impudence de traverser devant mes roues.

Comme je suis toujours dans le Parc National, la forêt est préservée. Je retrouve la magnificence de cette forêt primaire.

De plus, le spectacle est aussi sur les parois rocheuses le long de la route. Je fais un nouvel arrêt pour admirer ces sculptures taillées directement dans le rocher.

Pendant cet arrêt photo, je suis surpris de voir 2 couples de jeunes occidentaux à scooter passer en trombe devant ces lieux sacrés. Quel dommage de faire ce Loop sans en admirer les beautés. C’est aussi pour cela que j’aime ces périples à vélo. Je suis dans le paysage. Je peux arrêter à tout moment le film qui se déroule sous mes yeux. Je n’ai aucune contrainte si ce n’est celle de manger, boire et trouver un lieu où dormir.

Cette route est effectivement superbe. Je comprends pourquoi une boucle a été tracée en ces lieux sauvages. Je me régale et ne vois pas le temps passé. Par contre, je suis bientôt en fond de gourde et je ne trouve toujours pas de village où me ravitailler. Arrivé en vue de Khamkeuth (ou Ban Katan), je sors du Parc National.

Je suis à 660 mètres d’altitude. La route continue de monter régulièrement. Ce village est perdu au milieu des monts de plus de 1.000 mètres qui l’entourent. Je rate la première cabane faisant office d’épicerie. Au bout du village, je fais demi-tour après n’avoir trouvé aucun commerce. Je peux enfin acheter une bouteille d’eau fraiche. J’étais sur la réserve.

De nombreuses biquettes se baladent autour des cabanes et sur la route. Comme les troupeaux de vache, elles se baladent en toute liberté. Il n’y a pas d’enclos et très peu de vachers ou de chevriers. Je ne sais pas comment leurs propriétaires arrivent à les reconnaître.

Il est 11h00. C’est l’heure de la tétée. Les chevreaux attaquent goulûment les tétines de leur mère nourricière. Quant à moi, c’est la tétine de ma gourde que j’attaque. Il commençait à faire soif. Heureusement, la température est toujours aussi agréable. C’est un vrai plaisir de rouler dans ces conditions.

Quelques kilomètres plus loin, je parviens au sommet de cette route. La plaine cultivée s’ouvre devant moi. J’attaque une grande descente qui y mène. J’adore les descentes.

Lak Sao n’est plus qu’à une quinzaine de kilomètres. Je tiens le bon bout. Les bornes kilométriques défilent à bonne allure. A 12h30, j’entre en ville qui se trouve nichée au pied de ce promontoire rocheux culminant à 1.413 mètres.

Je me pose dans le premier restau venu pour y déjeuner à nouveau d’un khao phat. Je sature un peu de la soupe aux nouilles. Puis je trouve facilement un GuestHouse avec une belle chambre mais sans clim’. Mais, vu la température clémente, le ventilo suffit amplement. D’ailleurs, c’est l’une des rares fois où je peux rédiger ces lignes, confortablement installé sur un banc à l’extérieur et en buvant un café glacé. A ce sujet, je suis parti me balader dans la rue principale et tous les magasins sont ouverts. J’ai l’impression qu’il n’y a aucun jour de relâche dans tous ces pays asiatiques.

En fin d’après-midi, je vais dîner dans un restau, recommandé par le réceptionniste, qui se trouve juste à côté du GuestHouse. Une jeune serveuse me présente une tablette pour choisir mon plat. Aucun prix n’est indiqué. Je commande une soupe. Mais c’est carrément une soupière qu’elle m’apporte après qu’un jeune girly-boy a passé un certain temps à la préparer.

Je me régale. Je ne sais pas quelle est la composition des ingrédients mais c’est un délice. Par contre, la note est en rapport avec la qualité. Pour mon dernier repas au Laos, avant un crochet par le Vietnam, j’y laisse un bifton de 100.000LAK. Je retourne dans ma chambre pour y passer la soirée avant mon retour chez les Viet demain.

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