J154 – mardi 2 mai – Phô Châu / Diên Châu

Ce matin, ce ne sont pas, comme au Laos, les coqs qui me réveillent mais les klaxons des véhicules. J’avais oublié cet aspect vraiment peu agréable du Vietnam. Effectivement, hier, j’avais retrouvé ces doux bruits à chaque fois qu’un véhicule (scooter, voiture, camion) te double ou qu’un croisement arrive. A chaque carrefour, c’est un véritable concert. Quant à moi, je n’ai ni klaxon, ni sonnette, ni trompette, je redouble donc de prudence. Je fais comme lorsque je circule à vélo dans Toulouse et sa périphérie, je me mets en danseuse pour prendre de la hauteur, être encore plus visible et pouvoir accélérer plus rapidement au cas où … Donc, comme chaque matin après ce doux réveil matinal, je quitte mon hôtel vers 6h00.

Au petit-déjeuner, je me tape une brioche au chocolat dans la boulangerie repérée hier soir. Puis je prends la route direction de la ville de Vinh puis de la mer au nord-est. Je quitte Phô Châu par de larges boulevards. Alors que j’arrive en campagne, j’aperçois un couple de coureurs qui arrivent vers moi à bonne allure. Je m’arrête sur le bas-coté pour les encourager. Ils ont l’air facile pourtant ça envoie du lourd. Le gars court même avec des sandalettes. Impressionnant.

Je sors de la ville. Un ensemble d’immeubles est en phase de finition. Encore des terres cultivables qui sont mangées par le béton. Pourtant tous les spécialistes alertent sur ce sujet crucial du dérèglement climatique et de ses conséquences dramatiques dans les métropoles. Il faut arrêter de bétonner et végétaliser nos villes. Mais, à Blagnac, après avoir bétonné la place de la mairie, tronconné de vieux platanes pour implanter une station de tramway, notre bon maire va à nouveau massacrer la biodiversité, détruire des terres protégées et abattre des arbres pour construire de nouveaux immeubles, de nouvelles routes et de nouveaux parkings avec ce superbe projet des Céphéides. Donc de nouveaux habitants qui vont arriver. Donc encore plus de voitures. Donc encore plus d’embouteillages. Donc encore plus de pollution … STOP !!! PAR PITIÉ, STOP !!! Nos chers politiques ne pourraient-ils pas tenter de recréer de l’emploi dans les petites villes qui se meurent ?

Quant à moi, je continue mes pérégrinations asiatiques à travers monts et merveilles. Ce matin, je suis d’humeur vagabonde. J’ai tracé un circuit qui m’envoie dans la campagne. Je traverse d’immenses rizières avec, en toile de fond, les montagnes. Je retrouve ce camaïeu de vert.

J’emprunte des sentes en béton qui traverse les rizières et suivent des canaux d’irrigation. Que le changement est brutal par rapport à il y a 2 jours où je roulais à travers ces rizières asséchées dans un paysage aride.

Il faut dire que l’eau, ici, ne manque pas. C’est même le contraire. L’expression « L’eau, c’est la vie » prend dans ces pays tout son sens. Bientôt, après des années de gaspillage, d’incurie de nos politiques et de non-écoute des experts en tout genre, cela va être notre tour d’y être confronté. Et ce n’est, hélas, que le début.

Au niveau déplacement, les mêmes problèmes vont bientôt se poser ici aussi. Les villes, notamment Chang Mai en Thaïlande ville la plus polluée au monde, commencent à se congestionner à cause des déplacements automobiles et de scooters. De plus, la majorité des jeunes se déplacent maintenant en scooter électrique, nécessitant aussi des ressources rares pour les batteries et, bien sûr, de l’énergie pour les recharger. Sans parler des problèmes d’obésité qui déjà font leur apparition dans ces pays à cause de l’alimentation occidentale (boissons sucrées, chips, bonbons), de l’abus des téléphones portables et du manque d’exercice physique. Les rares personnes qui circulent encore à vélo sont les anciens. Comme eux, leurs biclous ne sont pas de première jeunesse mais ils avancent encore. D’ailleurs, il est quand même symptomatique de ne pas arriver à trouver un seul vélociste pour acheter une foutue chambre à air.

Vers 8h30, je me pose à Trung Phuoc Cuong pour y déguster mon café da accompagné d’un gâteau roboratif. La brioche matinale est loin. Je retrouve mes tables et mes chaises de dinette.

J’emprunte ensuite l’immense pont qui enjambe la rivière Sông Lam et ses marécages. Les vaches, qui paissent de l’autre côté, n’ont pas l’air perturbé par le trafic au-dessus de leur tête. Celle-ci se porte bien contrairement à beaucoup de ses congénères cambodgiennes ou laotiennes.

Vers 9h30, j’entre dans la grande ville de Vinh où j’ai repéré un magasin Giant. Pour m’y rendre, je traverse le centre et, notamment, son marché. Je m’arrête juste prendre ce stand boucherie. Mais chaque stand mériterait une photo tellement c’est atypique. Seulement, avec mon iPad, je ne passe pas inaperçu. Et je trouve qu’il est délicat de photographier les gens comme des bêtes de cirque. Je demande et, quelquefois, j’ai des refus.

Je trouve facilement mon magasin. Auparavant, je retire des pépètes. J’avais gardé un peu d’argent vietnamien mais mon portefeuille est déjà vide. Le patron du magasin est un jeune cycliste. Apparemment, il connaît son affaire. Il me change et me graisse mon câble de dérailleur arrière puis me règle tout cela aux petits oignons. C’est beaucoup plus fluide. Je n’aurais pas à appuyer 2 fois sur la manette pour changer les pignons du milieu. Par contre, il est en rupture de stock pour les chambres à air en 700×35. Décidément.

Nous arrivons à échanger par traducteur interposé. A la vue des nombreux trophées dans sa boutique, je comprends aussi que c’est un champion. Il gagne pratiquement toutes les courses de la région ! Après, je ne sais pas s’ils sont très nombreux au départ …

Une fois le réglage terminé, je sors de la ville et me paie une dizaine de bornes en ligne droite le long d’une grande route pour rejoindre Cua Lo et la mer. Quel plaisir de retrouver l’immensité bleue après avoir traversé des immensités vertes.

Plutôt que de reprendre la route, j’emprunte la digue qui devrait m’emmener jusqu’à cette station balnéaire.

Manque de bol, lorsque j’arrive au niveau des arbres, celle-ci a été emportée. Je dois rejoindre la route en traverse ce sous-bois côtier. Alors que j’emprunte une sente, un groupe de personne me hèle. D’ailleurs, en ce mardi, je trouve qu’il y a beaucoup de groupes qui pique-niquent dans ce sous-bois. Je me rapproche. Ils m’invitent à m’installer avec eux. J’accepte volontiers. Ils me servent différents mets (poulet, calamar, crevette, riz, soupe, oeuf). Le tout accompagné bien évidemment de bière. C’est un véritable festin.

C’est toute une famille avec la grand-mère (au bout à gauche), ses 3 filles et ses 2 gendres, et tous ses petits-enfants (dont la grande debout qui parle anglais) qui festoient pour la Fête de la Réunification du Vietnam le 30 avril 1975. Comme le Nouvel An, cette fête dure quelques jours. Après toutes ces agapes, je commence à fatiguer drôlement. Il faut dire aussi que je me suis enfilé 3 bières fraîches dans le cornet. Et, de plus, j’ai la 3è soeur qui devient légèrement collante comme le bánh chung.

Si je reste, je risque fort d’agrandir la famille. Une fois le repas terminé, tout le monde participe au nettoyage des lieux et au rangement des affaires. Ensuite, il est l’heure de digérer et de siester. Quant à moi, je les remercie infiniment pour ce beau moment de partage et reprends mon chemin solitaire. Mais, avant cela, la grand-mère m’a tendu un pochon contenant une bière, un coca, un bánh chung (gâteaux de riz gluant carré) et des œufs (dont 2 couvés). Je ne sais comment la remercier. J’espère qu’une bise suffira …

Je parviens à rejoindre la ville où je trouve un parc ombragé en front de mer pour m’allonger et récupérer un peu. Vers14h00, je repars. La chaleur est beaucoup moins étouffante que dans les terres. J’aimerais avancer un peu. Je me dirige à présent vers le nord en suivant, lorsque c’est possible, la côte. En traversant un village, je retrouve également de petites et charmantes églises.

Je retrouve ce jeu du chat et de la souris lorsque je circule le long des côtes. Il est très rare de pouvoir suivre une côte en la longeant vraiment. Mais, lorsque c’est possible, j’en profite pour aller admirer la mer et ses criques. Hélas, la propreté des plages laissent à nouveau à désirer. Avant d’arriver à cette crique, je passe devant un hôtel d’une petite station balnéaire. Je vais me renseigner sur le prix d’une chambre au cas où. La jeune femme à l’accueil me dit « forty ». Je comprends donc 40.000VND. Mais ce n’est pas possible. Peut-être est-ce plutôt « forteen » (140.000VND). Je demande à voir la chambre. Elle sent le renfermé. Un jeune homme arrive. Frère, ami ou mari je ne sais. Lui me montre sur son téléphone 400.000VND. Je ne suis pas un jambon, ni un con qui va mégoter mais c’est 2 fois plus cher que tous les hôtels vietnamiens du sud. Je lui montre mon tableur. Le prix passe alors à 300.000VND. Je laisse tomber et continue ma route.

J’emprunte ensuite une route bétonnée parallèle à la côte distante d’une centaine de mètres. De nombreux scooters y circulent. Un jeune fait demi-tour pour venir taper la causette. Cool … Au loin j’aperçois le clocher d’une église et le village autour. S’il n’y avait des cocotiers et des bananiers, j’aurais l’impression de rouler sur l’île d’Oléron avec ses cultures maraîchères d’un côté et la mer bordée de pins de l’autre !

Peu avant 16h, j’arrive juste à l’entrée de Diên Châu. Un hôtel se trouve sur la gauche de la route un peu en retrait de la mer. Je m’y arrête. Le réceptionniste parle un peu anglais. D’ailleurs, quand je lui dis que je suis français, il me dit avec une certaine émotion que ses 2 fils vivent à Londres. Mais qu’il lui est difficile de s’y rendre vu le prix du voyage. Je compatis. Je sais que j’ai cette énorme chance de pouvoir voyager comme bon me semble. D’aller voir mon fils au Canada ou ailleurs. De passer d’un pays à l’autre en me faisant faire un visa à la frontière. Je suis un privilégié. Beaucoup de nous, occidentaux, sommes des privilégiés. Une fois installé, je vais faire un tour sur la plage toute proche. Il y a énormément de monde.

De petites tables sont disposées le long de la plage. De nombreux groupes de jeunes discutent, picolent et fument. Un de ces groupes m’invitent à les rejoindre. C’est ma journée. Je vais tester le calumet de la paix. Evidemment, je recrache mes poumons ce qui amuse beaucoup la tablée.

En fin d’après-midi, un énorme quiproquo m’emplit de honte. En effet, alors que je me rendais à la plage, j’ai déposé un pochon, contenant les cannettes de coca et de bière offertes par la grand-mère, dans un réfrigérateur du restaurant, tenu par la maman du réceptionniste, sis derrière mon hôtel. Mais, lorsque j’ai voulu récupérer mon pochon, je me suis rendu au restau d’à côté avec la même terrasse, les mêmes tables et la même disposition des cuisines. Evidemment, je ne l’ai plus retrouvé. Après bien des palabres et l’intervention d’une personne parlant anglais, je me suis rendu compte de mon erreur. Grand moment de solitude. Alcool et fumette ne font pas décidément pas bon ménage.

Il est temps de rejoindre mes pénates et de déguster les mets offerts par la grand-mère. Fin de cette magnifique journée de vagabondage entre paysages superbes, rencontres incroyables … et quiproquo gagesque.

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