Heureusement que je n’ai pas eu d’insomnie cette nuit. Si j’avais voulu partir de très bonne heure, je n’aurais pas pu. Ce que je craignais depuis un moment est arrivé. Mais sans conséquence. A 5h55, j’étais dans le hall de ce motel pour rendre les clés de ma chambre et récupérer mon passeport. Mais la porte du garage était fermée et il n’y avait personne à l’accueil. Et, comme je n’ai pas racheté de carte SIM au Vietnam (ni au Laos d’ailleurs), je n’ai pas pu appeler le n° de tél du gérant. Heureusement, à 6h00, un jeune couple s’est pointé et a pu le joindre. Une fois mon pneu arrière regonflé à bloc et la porte du garage ouverte, je quitte ce bel endroit. A l’extérieur, je tombe à nouveau sur le balayeur matinal.

Pour l’anecdote, en parlant de garage, cela se dit « Ga ra Ô Tô » en vietnamien. Il y a quelques mots français qui sont restés et ont été « vietnamisés » si je puis dire. Je prends une rue transversale agence de retrouver la QL1 (Quôc Lô – Route Nationale n°1) qui mène à Hanoï. A nouveau, les klaxons retentissent. Ce sont vraiment de grands malades du klaxon.

Mais, plutôt que de tirer en direct par cette route infernale, j’ai tracé un circuit parallèle entre cette QL1 et la mer qui ne peut pas être longée sur cette immense baie. Il n’y a que la côte de la station balnéaire de Nghi Son qui est accessible. Je m’y rends en direct. Contrairement à ce que m’indiquaient mes traceurs, il y a une multitude d’hôtels dans cette bourgade côtière. Tant pis. A cette heure matinale, les pêcheurs sont rentrés au port. Leur pêche est vendu directement sur la plage. Ce matin, le temps est à nouveau couvert. Cela m’arrange. Je roule au frais de la princesse.

Ma trace emprunte donc une petite route parallèle à la QL1. C’est un véritable labyrinthe entre cette route principale et la côte. De multiples sentes bétonnées ou pas partent de tous les côtés. Je laisse mon GPS allumé et le suis scrupuleusement à la trace. Cette zone est également très peuplée. Je traverse de nombreux hameaux. De plus, pratiquement aucune voiture, aucun camion ne circule sur ces axes. Seuls les 2 roues motorisés ou pas les empruntent. C’est beaucoup plus calme malgré les coups de klaxon des scooters aux croisements. Je tombe aussi sur le car de ramassage scolaire. En fait, c’est une golfette électrique transformée en bus scolaire ! Les gamins s’agglutinent dedans. Cela a l’air de bien les amuser. Voilà une idée à creuser pour éviter que les parents prennent leur bagnole pour déposer leur gamin directement dans le hall de l’école. Il existe déjà les pédibus (des parents encadrent les enfants pour les emmener à l’école à pied), les vélobus (même principe mais à vélo) … Voilà la golfette bus !

Quant à moi, je me régale sur cette petite route. Vers 7h00, je m’arrête dans un petit café en bordure de route. Ce matin, je n’ai pas encore déjeuné. En fait, j’ai le ventre barbouillé après avoir englouti un paquet de chips aux crevettes épicées mis à disposition dans ma chambre de motel. J’ai pris l’apéro avec ma bière et ces chips avant de dîner d’un bolino également à dispo. Et les crevettes ont dû mal à passer. J’accompagne juste mon café d’un gâteau roboratif acheté la veille. Je me pose à la table du patron. Je passe un très bon moment avec lui et son fils à discuter par traducteur interposé. Il m’apprend entre autre que toute sa famille est chrétienne. Malgré que la photo soit ratée, je l’insère quand même car ce fût à nouveau une belle rencontre.

Pour l’anecdote également, beaucoup d’hommes dans cette région porte ce casque militaire vert. Certains ont même la tenue complète avec la panoplie de guerre. A ce sujet, comme dans tous ces pays asiatiques, le patriotisme est beaucoup plus exacerbé que chez nous. Ma petite route est jalonnée de drapeaux vietnamiens. Que ce soit dans les traversées de hameaux …

… ou même dans les campagnes où le drapeau communiste (la faucille et le marteau) est également présent. J’aimerais que cette matinée dure une éternité. C’est vraiment le plaisir du voyage à vélo à l’état pur : de belles petites routes sans circulation, un beau paysage verdoyant et apaisé, de belles personnes souriantes qui vous saluent d’un « Hello ! », du beau temps sans chaleur ni vent, ni pluie. Le bonheur tout simplement.

Par contre, le bonheur a toujours une fin. Après 2 heures et 1 regonflage de pneu, je suis obligé de retrouver la QL1 pour emprunter un pont traversant le fleuve Sông Yên. Le contraste est saisissant. Je retrouve bien mes drapeaux vietnamiens mais aussi voitures, bus, camions, pollutions et coups de klaxon intempestifs. Une horreur !

Heureusement, cela ne dure que quelques kilomètres avant que je ne replonge vers la côte, mais aussi la plage et la mer que je retrouve à Quang Thai. Le temps est toujours couvert. La plage et la mer n’incitent pas vraiment à la baignade. Seules, deux ados prennent des selfies et font trempette des pieds alors que, derrière, un pêcheur à pied installe son filet.

En bordure de plage, je retrouve ces embarcations de pêche à fond plat. Je remarque à nouveau ces rampes de lampes pour la pêche de nuit.

Mais, je pense vraiment que la mer soit plate pour que ces embarcations prennent la mer. De prime abord, ces barques n’ont pas l’air d’un robustesse à toute épreuve. Cependant, le drapeau vietnamien flotte toujours … par vent et marée.

Après cette incursion sur la côte pour vérifier que la mer ne s’est pas fait la malle, je retrouve un nouveau réseau de petites routes. Comme je n’ai pas trop envie de manger du solide, je décide de me faire plutôt une cure d’ananas. Cela m’aidera certainement à digérer mes crevettes. Je trouve facilement un « stand » de fruits et légumes et m’y arrête. L’ananas que j’achète vient juste d’être épluché et mis sous vide. Je plaisante.

A nouveau, l’ambiance est à la rigolade avec ces femmes. Alors que je demande à la vendeuse si je peux la prendre en photo et qu’elle accepte fort gentiment, sa copine insiste pour qu’elle tombe son masque. Avec le sourire, c’est quand même beaucoup plus sympa ! Evidemment, à la vue de tous ces beaux légumes, j’en profite pour envoyer de gros bisous à tous mes collègues de l’Arche-en-Pays-Toulousain. Avec une pensée particulière pour la Belle Carmina, la co-responsable de cet atelier au sein de l’ESAT, qui vient de rentrer dans les 50è hurlants il y a 2 jours. Gros bisous.

En regardant les photos et, notamment les panier contenant les euros, me revient en mémoire une anecdote. J’avais évoqué avant-hier, lorsque j’ai déjeuné sur la plage avec la famille vietnamienne, que mon voisin avait ingurgité un balut (je viens de découvrir ce nom). C’est une spécialité culinaire d’Asie. . Il s’agit d’un oeuf de cane ou de poule cuit à la vapeur. L’œuf est incubé et le fœtus est déjà formé. Mon charmant voisin m’en avait proposé un mais, bien que je ne sois pas bégueule, j’avais poliment refusé.

Cela m’a rappelé mon premier voyage à l’étranger avec mon grand frangin, mon oncle Dédé et ma tante Claudie, hélas décédée beaucoup trop jeune (et oui, le tabac tue !). Nous étions partis de Paris jusqu’en Grèce à 4 à bord d’une Simca 1100 immatriculée « 5099 BR 92 » alors que mes parents gardaient leur fils Guilhem. Pour les moins de vingt ans, regardez à quoi ressemble cette voiture sur Google mon ami. D’ailleurs, c’était aussi la marque de ma 1ère voiture mais je ne me rappelle plus, contrairement à Dédé, de son immatriculation. Je devais avoir 15 ans à l’époque. Alors que nous nous étions arrêtés déjeuner dans un restau routier dans l’ex-Yougoslavie, Claudie avait commandé des œufs à la coque. Après avoir décapité son œuf, elle découvrit des plumes à l’intérieur. Elle partit direct aux toilettes. Je profite de cette anecdote pour passer un bonjour à Dédé ainsi qu’à tous mes oncles et tantes avec qui j’ai passé de si beaux moments. Famille, je vous aime ! Revenons au présent et à la fin de cette immense baie de Nghi Son où je m’arrête pour y déguster mon ananas en bordure de mer.

Le temps est toujours couvert. Le ciel et la mer se confondent en ce jeudi matin. Je constate de visu que ces embarcations typiques flottent bien. Par contre, une fois mon ananas avalé, je me rends compte que mon pneu arrière est à nouveau dégonflé. Il ne tient la pression qu’une dizaine de kms. Je me suis encore arrêté dans deux échoppes à vélo mais je ne trouve toujours pas la bonne dimension. A chaque fois, on me propose une chambre à air de vélo de course en 700×25 alors qu’il n’y a pratiquement aucun coursier dans le coin. C’est quand même dingue. De toute façon, je dois passer par la ville de Thanh Hoá à l’intérieur des terres pour enjamber un nouveau fleuve.. Pour y arriver, j’emprunte une longue route rectiligne à 2*2 voies de 8 kms. Mais pratiquement sans aucune circulation. J’arrive en ville. En suivant l’artère principale, je finis par dénicher, après avoir demandé à droite et à gauche (mais surtout à gauche), un vélociste, à nouveau de marque Giant, non répertorié sur mes traceurs.

Et, miracle, ce couple super sympa a en stock des chambres à air en 700×35. « Tout se fera ! ». Mais il était temps parce que ma chambre à air est maintenant vraiment percée. Je profite de l’atelier et des outils pour enlever enfin cette limaille de fer insérée dans le pneu puis coller une nouvelle rustine sur ma chambre à air. J’en achète deux nouvelles. Comme cela, j’en aurais comme papa deux en réserve vu que je vais bientôt attaquer la montagne et des routes pas forcément carrossables. En sus, le patron m’offre une paire de poignées de guidon, les miennes étant vraiment nazes. Une fois les pneus regonflés à bloc et ce souci évacué, j’en profite pour visiter cette grande ville et, notamment, admirer cette gigantesque statue en granit représentant Lê Lợi (1385-1433).

Par la suite, il est connu sous son nom de règne en tant qu’Empereur Lê Thái Tổ. il régna sur le Đại Việt de 1428 à 1433. C’est un héros national au Vietnam du fait de sa lutte pour repousser les envahisseurs chinois et son travail de reconstruction du pays. Il est aussi connu comme étant le héros de la légende de l’épée restituée du lac Hồ Hoàn Kiếm de Hanoï. C’est cette légende qui est à l’origine de la ferveur des vietnamiens vis-à-vis des tortues depuis de nombreux siècles. Après cet intermède historique, je m’arrête déjeuner dans une gargote (riz poulet impératif) sise avant le fleuve Sông Mâ. Vers 12h30, je reprends ma route et traverse ce fleuve bordé par une magnifique promenade qui court tout le long.

A nouveau, je suis obligé d’emprunter la route QL1 avant de bifurquer vers la côte. Je traverse alors la voie de chemin de fer qui suit la côte depuis Saïgon jusqu’à Hanoï. Comme chez nous, il y a de nombreuses années, une maison de garde-barrière se trouve à l’intersection. La femme est d’ailleurs à l’intérieur à faire sa sieste, la veinarde. Quant à moi, j’ai prévu de me rapprocher de la côte. Il doit me rester une petite heure de route. Si tout va bien, ce sera bientôt mon tour de siester.

Comme chaque jour en milieu de matinée, le ciel s’est dévoilé. Le soleil tape à nouveau fort en cé début d’après-midi. Je me retrouve à nouveau sur une charmante route. De plus, il est l’heure de la sieste; la circulation y est vraiment très calme. Je traverse le village de Thuan Loc et enjambe une rivière recouverte par des plantes aquatiques. Nouveau superbe camaïeu de vert sur fond bleu azur.

Je n’en dirais pas autant de cette surprenante maison sise dans ce même village. J’aime le vert mais là, c’est un peu too much. Ce doit être un vietnamien qui a vécu au Brésil.

Peu avant 14h00, j’arrive à destination. Sans hébergement sur mes traceurs, il me faut à nouveau partir à la pêche aux infos pour dénicher un hôtel. Peu avant la sortie de cette petite ville, je trouve mon bonheur et retrouve les prix pratiqués un peu partout au Vietnam : 200.000VND (8€) la chambre avec air cond’. C’est l’heure de mon petit moment de bonheur après ces longues étapes : douche et sieste ! Vers 15h00, je sors de l’hôtel à la recherche d’un café. Alors que je marche tranquillement sur le trottoir, je me fais à nouveau interpeller par 3 hommes attablés dans un restau. Je m’arrête. Ils m’invitent à m’installer à leur table. C’est reparti pour la séance de questions-réponses avec traducteur. Et aussi pour faire des libations à la gloire du Vietnam.

Comme l’homme au torse nu est le patron du restau, la bière coule à flot du fût mis en perce. Et, comme chacun fait un vœu avant de trinquer, je repars avec 4 demis dans le gosier. Heureusement que j’avais bien déjeuné et m’étais reposé avant … Je laisse mes acolytes alcooliques anonymes à leur beuverie avant de repartir à la recherche du Cà Phé ô combien désiré que l’homme au tee-shirt blanc m’a indiqué. Mais il est fermé. Je me balade encore avant d’apercevoir une enseigne «coffee ». J’entre à l’intérieur. Surprise ! C’est une salle de billard. La jeune salle explose de rire en me voyant entrer. Il faut dire qu’avec mon pantalon bariolé et éléphanté thaïlandais et ma liquette blanche, je ne passe pas inaperçu. En guide de café, l’un d’eux me montre un frigo contenant des canettes de café frais. Cela fera l’affaire. Je me pose pour regarder tous ces jeunes jouer au billard américain.

Cela ne rigole plus. Je ne sais pas s’ils jouent de l’argent mais c’est redevenu sérieux. Les jeunes au premier plan ont même le gant sur lequel faire glisser la queue. Il est l’heure de retourner dans mes pénates et de rédiger ces lignes. Tous les matins, je me dis « Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter aujourd’hui ? ». Et puis, les rencontres, les paysages, les circonstances font que je sors un roman à chaque fois.
Moi, ma devise inspirante c’est :
Serre ton bonheur, impose ta chance, va vers ton risque. René Char.