J157 – vendredi 5 mai – Hâu Lôc / Tiên Hái

La nuit fût très calme malgré le tableau érotique accroché au-dessus de mon lit. Je dois avouer que, au niveau libido depuis quelques semaines, c’est comme la mer dans le Golfe du Tonkin : calme plat ! Il faut dire que quand vous avez passer 6 à 7 heures, sous le cagnard, le cul sur le vélo et les coucougnettes écrasées, cela n’incite pas à aller faire des galipettes après. Et puis, la totale liberté a également un prix à payer : celui de la solitude.

A part ça, tout va bien. Je me réveille comme d’hab’ vers 5h30. J’avale un gâteau roboratif et 2 bananes en guise de déjeuner. Et à 6h00, je quitte cet nouvel Nhá Nghì alors que tout le monde roupille.

Je sors de la ville plein est alors que le soleil a déjà pointé le bout de son museau et que les couleurs du ciel sont orangées en ce vendredi 5 mai. Avant que je n’oublie, j’en profite pour dédicacer cette journée à ma charmante logeuse et fidèle amie : Jessy qui fête son anniversaire aujourd’hui.

Comme la ville, la campagne est encore calme à cette heure matinale. Cela ne va pas durer. J’en profite. A l’ouest, j’aperçois les contreforts de la chaîne montagneuse qui sépare le Vietnam du Laos. De mon côté, c’est aussi le calme plat au niveau de la route. J’emprunte la QL10 au revêtement roulant.

Comme cela m’arrive de temps en temps, je prends l’aspiration dans la roue d’un scooter. Lorsque, évidemment, celui-ci ne roule pas trop vite. Je me demande d’ailleurs où se rend ce couple avec cette amazone casquée portant son morceau de bambou tel une lance, comme si elle partait au combat.

Après être sorti de ce village de Nga Son, je me retrouve dans les rizières au pied d’une montagne tout en longueur dans le sommet n’est qu’à 200 mètres d’altitude. Au pied de cette montagne se trouve un immense réservoir d’eau permettant d’irriguer toute la vallée. A ce sujet, les canaux d’irrigation ne vont pas manquer lors de cette étape.

Dans le hameau suivant, ce sont des drapeaux qui attirent mon regard. J’ai souvent aperçu celui au premier plan mais je ne sais toujours pas ce qu’il représente. Je poserais la question à une personne parlant anglais lors d’un prochain arrêt. Mais j’ai eu le sentiment qu’il bottait en touche alors qu’il m’a répondu pour l’autre drapeau représentant une pagode de la région. Quant aux couleurs de cette province, c’est le jaune et banc.

A 7h45, après avoir traversé quelques villages déjà, j’arrive à celui de Luu Phuong. J’y dégote enfin un Cá Phê situé de l’autre côté du canal que je suis depuis un moment déjà. Les tables se trouvent dans une cour intérieure d’une belle maison. Sur la droite de ma table, un homme nettoie avec difficulté un grand aquarium dont les vitres sont couvertes d’algue. Quant à moi, je déguste mon café da accompagné de son verre de thé.

Alors que je reprends ma route pour cette pause toujours fort agréable, un attroupement de l’autre côté du canal attire mon attention. Un cortège religieux attend sagement dans une rue ombragée accédant à la Statue du Christ et à sa cathédrale auxquelles je ne peux accéder. Je patiente un peu en discutant avec ce monsieur dont je vous parlais précédemment. J’immortalise cette scène avec tous ces personnages au costume de couleur différente : les civils en blanc, le militaire en vert, la dame en bleu roi, le stoïque en bleu foncé, les policiers en beige, les religieux en noir, les porteuses en rouge (à droite). Ces policiers commencent à fermer la circulation. Je comprendrais plus tard que ce cortège attendait la présence d’officiels arrivant en convoi automobile. De mon côté, je retourne de l’autre côté du canal pour pouvoir circuler tranquillement.

Je reprends ma route en direction de l’est. Ce matin, je ne verrai pas la mer. En effet, ma trace me fait passer à l’intérieur des terres pour pouvoir franchir les nombreux fleuves qui se jettent dans ce Golfe du Tonkin. En suivant la mer, je serai obligé de remonter à chaque fois pour franchir ce pont ou prendre l’embarcadère. A ce propos, j’arrive à Khanh Thanh où je dois franchir le fleuve Sông Dây. Un embarcadère m’attend. J’ai juste le temps de pisser un coup et de prendre cette photo avant d’embarquer.

Comme d’habitude, les scooters sont nombreux. Je vous fais remarquer la tenue des femmes et des hommes. La plupart sont couverts de tête en cap pour se protéger du soleil. Il n’est pas rare, non plus, de voir des femmes marcher tenant une ombrelle. J’essaie de les imiter en portant gants, manchons, casquette, lunette. Il n’y a que les jambes que je laisse à l’air libre. J’aurais du mal à rouler en cuissard long par ces températures bien que le vent marin les adoucisse.

Je touche terre de l’autre côté fleuve. Je ne parcours que quelques hectomètres avant de tomber devant un nouveau fleuve : le Sông Nhi Có. Je retrouve le camion transportant des cochons qui était aussi sur l’autre embarcadère. Mais cette fois, j’ai hélas l’occasion de voir l’ampleur de l’horreur. Ces cochons sont serrés les uns contre les autres. Sur la gauche un enclos derrière la cabine ne contient qu’un seul cochon. Le veinard si je puis dire. Un autre enclos en contient plusieurs qui peuvent se mouvoir. Mais leur regard implore presque le supplice final.

Quand au dernier enclos à l’arrière de ce camion, c’est l’horreur. Ils sont entassés les uns à côté des autres et ne peuvent se mouvoir. Certains ont du mal à respirer. Quant à l’œil de ce dernier, il va me hanter un long moment. Je crois que je vais finir par devenir végétarien devant de telles atrocités. Ou alors manger, comme je le fais déjà, de moins en moins de viande et n’essayer d’en consommer que du local acheté au marché. D’ailleurs, cela fait au moins 5 mois que je n’ai pas mangé de viande rouge et cela ne me manque vraiment pas. « Et le poulet que tu manges ici ? » me direz-vous. Je sais. Et j’imagine que la plupart sont élevés et transportés dans les mêmes conditions.

Après cet affligeant spectacle, je poursuis ma route. Je retrouve à nouveau mes canaux. J’ai parfois l’impression d’être de retour aux Pays-Bas. A ce sujet, je passe un petit bonjour à David d’Utrecht, Carole et aux pitchounes.

Un peu plus loin, en traversant un autre canal, je retombe sur un pêcheur posant ses filets. Mais, cette fois-ci, il se tient en équilibre dans une espèce de barquasse qui ressemble presque à une baignoire.

Je traverse à présent la ville de Yên Dinh. Je m’arrête à nouveau pour faire le tour de cette belle cathédrale en cherchant vainement une porte ouverte pour y entrer. C’est étonnant comme, ici et en France, ces édifices ferment de plus en plus leur porte alors que les autres temples religieux (bouddhistes, hindouistes, taoïstes sont ouverts à tous les vents et à tous). Je pense que, en France, c’est notamment à cause des vols. Mais ici ? Je n’attache pratiquement jamais mon vélo. Les commerçants laissent leur boutique ouverte quand ils partent faire la sieste. De même pour les étals à l’air libre.

Il est 11h00 lorsque j’arrive à Ngô Dông, terme théorique de mon étape. A nouveau, j’y parviens en suivant un canal. Nous sommes en ville et celui-ci est particulièrement dégueulasse.

Malgré cela, Je fais une pause Nuoc Mia pour faire le point au bord de ce canal poubelle. Comme partout ici et ailleurs, la jeune femme tenant ce stand est scotché à son portable. C’est hallucinant. Je crois que, depuis mon départ, n’avoir vu qu’une seule ado avec un bouquin à la main. Tous les ados et adultes passent leur temps à regarder des conneries soit sur le portable, soit à la TV.

Comme il est encore tôt pour m’arrêter, je décide de pousser plus loin jusqu’à Tiên Hái à une quinzaine de bornes. Pour y parvenir, je dois à nouveau emprunter un embarcadère pour traverser le fleuve Sông Hông. Mais, cette fois-ci, il est sur l’autre rive. Je patiente devant une gargote quand un homme, attablé avec ses comparses, m’invite à venir boire un thé glacé avec eux et partager quelques gâteaux. J’accepte avec plaisir d’autant plus que je commence à avoir les crocs. Le traversier arrive. En fait de traversier, c’est un bateau qui tracte une barge.

Je retrouve de charmantes petites routes à travers la campagne et les rizières. Depuis mon départ, je n’ai fait que traverser hameau, bourgade, bourg, village et ville. Je comprends pourquoi le Vietnam est si peuplé. Pour rappel, plus de 100 millions d’habitants sur une superficie 2 fois plus petite que la France. Entre la pollution sonore (klaxon), visuelle (panneau) et atmosphérique (pot d’échappement puant), je suis heureux de retrouver la pampa. Quand je vois le boxon alors que je suis en campagne, c’est sûr que je vais éviter la capitale Hanoï. Je retrouve les rizières balayées par le vent.

A 12h30, j’arrive au terme de cette étape de 100 bornes pile-poil. Je crois que je n’ai jamais été aussi vite pour parcourir cette distance. Entre le bitume parfait, le relief plat, le vent dans le dos, les pneus gonflés à bloc et les jarrets en furie, j’ai pu envoyer du lourd. Je me pose dans la première gargote venue avant de partir à la recherche d’un hébergement. Comme hier, j’ai droit à mon plateau-repas plutôt copieux. Ce midi, je ne prends pas de viande mais du poisson. Et j’ai droit à de la salade en plus.

Juste à côté se trouve un Nha Nghi. J’y vais après ce festin. Mais la gérante qui tient également boutique est en pleine sieste. Ses ronflements m’incitent à la laisser roupiller en paix. Je me dirige dans le centre. Le premier hôtel trouvé est trop cher. Le second est le bon. Le cadre est pourtant superbe, la chambre aussi avec clim, frigo et douche propre. Cela ne sent pas le moisi comme hier. Mais le prix est pourtant le même (8€). Va comprendre Charles ?

De plus, la fille de la gérante parle très bien anglais. Ce qui facilite les choses. Après mon rituel quotidien d’arrivée (douche, lessive, sieste), je descends changer mes poignées de guidon. Elle part à scooter avec son jeune fils faire des courses. Quand elle revient, elle me tend un pochon contenant un ananas épluché et découpé en tranche. J’en prends une. Mais elle me dit de le garder. Que c’est bon pour la santé et pour les sportifs. Trop cool. Décidément, ma première impression négative en arrivant dans ce pays est contredite pour toutes ces délicates attentions. Je pars ensuite dans un sympathique Cá Phê climatisé et wifïsé pour rédiger ces lignes et boire un cafe da. Manque de bol, le patron fait des travaux d’électricité et fait sauter les plombs. Je retourne à l’hôtel après avoir acheté un chausson fourré et une bière. Fin de cette belle chevauchée fantastique à travers patelins et canaux.

Une réflexion sur “J157 – vendredi 5 mai – Hâu Lôc / Tiên Hái

  1. Cette jeune fille qui parle anglais, ne t’a t’elle pas dit la signification des couleurs du drapeau ! Maintenant que l’eau m’a été mise à la bouche….j’ai hâte.

Laisser un commentaire