Encore une douce et longue nuit de sommeil. Je n’ai besoin ni de berceuse, ni de somnifère pour m’endormir. Et, ce matin, ce sont les chants des oiseaux qui me réveillent à l’aube. Après mes préparatifs quotidiens, je me présente à 6h00 à l’accueil pour rendre les clés de ce superbe hôtel. Mais, à part un n° de téléphone à joindre sur le comptoir, il n’y a personne. Evidemment le portail est fermé à clé. En jetant un œil sur le comptoir, je repère un trousseau. JE le prends et vais essayer les clés sur le cadenas en évoquant la formule magique : « Sésame ouvre-toi ! ». Et le cadenas s’ouvre. Il est temps de reprendre la route.

Je sors de la ville encore endormie en empruntant les routes secondaires QL39B et QL37B. Puis, rapidement, je bifurque sur ces réseaux de petites routes à travers la campagne. Je passe devant un des nombreux élevages de canards de cette région humide. Il n’est pas encore 7h00 mais le soleil commence déjà à taper. Il n’y a pas un seul nuage à l’horizon. La journée s’annonce chaude.

Un plus tard, alors que le soleil est déjà haut dans le ciel, je traverse de nouvelles rizières. Comme dans toutes les régions agricoles du monde, ça sulfate !

Je poursuis mon petit bonhomme de chemin sur ces petites routes que j’affectionne tant. J’en profite. Cela ne va, hélas, pas durer.

Je traverse à nouveau quelques villages. Mais je ne trouve aucun café. Contrairement à ce que chantait Nino Ferrer (On dirait le sud), cela n’y ressemble pas. Ce matin, au p’tit déj, je me suis acheté un sandwich et un beignet au chocolat. Je sature de la soupe aux nouilles. De plus, je peux déjeuner en pédalant à la fraiche. Lorsque je me pose, j’ai l’impression de perdre ce temps où la température est agréable. A 8h00 sonnent (dans ma tête) les cloches de l’église du village de Ly Hoc que je traverse. Je tombe enfin sur ce panneau que je cherchais depuis un moment.

D’ailleurs, la patronne se précipite à l’extérieur lorsqu’elle me voit poser Haka2 devant sa boutique. J’ai l’impression que ces commercants se sentent honorés lorsque je m’arrête dans leur magasin. Je peux me poser un peu et déguster mon nectar matinal.

Après cette pause bien méritée, je repars toujours en direction de l’est en longeant cette côte inatteignable. Je me rapproche du fleuve Sông Thái Binh. Tout proche de ce fleuve et dans cette commune de Ly Hoc se trouve le temple de Trang Trinh. Il a été reconnu comme Héritage National le 8 janvier 2016 en présence du Premier Ministre Vietnamien pour célébrer les 430 ans de la mort de Nguyen Binh Khiem connu sous le nom de Trang Trinh (1491 – 1585).

Cet homme était un expert en physionomie et astrologie. Il était adoré en tant que plus grand « prophète » du Vietnam de cette époque. C’est un peu notre Nostradamus. Je pars en visite dans cet immense lieu où il a vécu. Derrière ce monument où trône sa statue, se trouvent deux grandes sculptures en bronze racontant sa vie.

Dans le parc jouxtant ces sculptures, des statues de bronze de taille humaine représentent la vie des vietnamiens de cette époque …

… ainsi que le prophète recevant les villageois en ces lieux.

Et la dévotion qui lui est portée. A ce sujet, je risque d’en choquer plus d’un ici notamment les chrétiens, je pense que Jésus était également un prophète, non pas envoyé sur Terre par je ne sais quel Dieu et par également l’opération du Saint-Esprit, mais né de ces parents mortels Joseph et Marie. Et que, comme certains hommes (bon ou mauvais), il a réussi à entraîner des foules avec lui. Tant que l’existence de Dieu n’aura pas été prouvée scientifiquement, je continue de penser que tous les prophètes de quelque religion que ce soit , ne sont que des humains avec des dons particuliers. Cela, c’est ma croyance en tant qu’agnostique.

Je continue ma déambulation dans ce magnifique endroit ombragé et ventilé. Je visite également le temple surveillé par un gardien. J’obtiens aussi la confirmation du fameux drapeau représentant cette pagode.

Une nouvelle fois, je suis seul à visiter ce lieu alors que 9h sonnent. Et, une nouvelle fois, le gardien du temple veut poser avec moi pour la postérité. J’ai parfois l’impression d’être le prophète des cyclotouristes ! Je plaisante.

Je quitte ce bel endroit alors que des étudiants en tenue arrivent. Je reprends ma petite route à travers la campagne verdoyante en longeant le fleuve. Cette fois-ci, je prends le temps de m’arrêter pour photographier un champ de tabac (en Dordogne, on prononçait tabak) devant lequel sèchent au soleil les feuilles une fois hachées menu. Une femme à vélo, surprise également de me voir au milieu de nulle part, s’arrête pour me le confirmer et m’en proposer. Non merci, sans façon.

Je finis par arriver à franchir ce nouveau fleuve alors que de gros travaux de renforcement de la digue et du chemin sont en cours m’obligeant à zigzaguer sur ce réseau de sentes en béton.

Il est déjà 10h00. Je commence à avoir faim. De l’autre côté du pont, je trouve une gargote où un homme vend quelques gâteaux dont ma marque préférée. Je lui en achète un paquet. Il me propose de me poser pour les manger et de partager un thé chaud. Comme au Maghreb, cette pause « thé chaud » (« Oui, je suis très chaud … je fond même !») est appréciée. Evidemment, je sors mon traducteur pour discutailler avec ce personnage casqué et édenté.

Le compte-rendu de ce sommet franco-vietnamien a ensuite été communiqué à l’AFP. « Après le partage du thé et des gâteaux traditionnels, nos deux représentants nationaux ont pu échanger leur coiffe pour démontrer l’amitié solide et sincère qui unit nos deux peuples malgré les conflits qui nous opposés dans un passé peu glorieux. La France et Le Vietnam resteront à jamais unis à travers les liens indélébiles de l’Histoire. »

Après cette belle rencontre, je repars vers une deuxième partie de matinée beaucoup moins agréable. Mais, juste avant cela, je traverse la ville de My Duc. Je passe devant un vélociste où est exposé un beau vélo cadre en V Peugeot. Ce sont ces vélos qui sont particulièrement recherchés par ma « clientèle » blagnacaise. J’adore les restaurer avec ces pièces toutes fabriquées en France. Je pile et m’arrête discuter avec le gérant du magasin.

Au sujet vélo, j’ai oublié de publier hier les rencontres cyclistes de ma journée. Je répare cet oubli avec ce vieux monsieur si fier et droit sur son antique bicyclette …

J’aime bien aussi cette vieille femme violette avec son vélo de marque LIFE (« Ben oui, le vélo, c’est la vie ! ») assorti aux couleurs pastel.

Et, enfin, après le monsieur et la madame, la jeunesse qui part à l’école plein d’entrain avec casaque et toque blanche, et « cravache » rouge. Haka2 était tellement en admiration devant ces belles cavalières qu’il a failli me désarçonner le salopiot.

Après cet intermède hippique, je reviens à mes moutons. Tout du moins à ma pollution. En effet, j’entre dans la périphérie de Hái Phòng, grande ville portuaire sise au bord du fleuve Sông Cám qui se jette dans le Golfe du Tonkin distant de quelques encablures. Je vais passer plus d’une heure à circuler dans ce merdier bruyant et asphyxiant. Avec la pollution, la chaleur devient oppressante. Vers 11h30, j’emprunte enfin le pont qui me sort de cet enfer urbain.

Je me rapproche du but. Il me faut encore rouler pendant une heure à travers de nouveaux et moches quartiers sur de grands boulevards urbains afin de rejoindre l’embarcadère pour traverser cette fois-ci le fleuve Sông Dá Bac. Il me tarde d’arriver. Je n’ai toujours pas déjeuner. J’espère trouver une gargote ouverte de l’autre côté du fleuve où se trouve actuellement l’embarcadère. Comme les scooters, alors que le traversier est en approche, je patiente dans la cage aux fauves. Ou plutôt aux intoxiqués du téléphone.

Je monte à bord et laisse Haka2 sur le pont en plein cagnard. Je prends juste en photo ces bateaux de pêche avec de grands carrelets à l’avant …

… avant de rejoindre la troupe agglutinée sous le auvent pour se protéger du soleil.

Après avoir touché terre, je prends rapidement la direction du terme de cette étape. J’ai la chance de trouver une gargote encore ouverte alors que les rues de Quáng Yên sont désertées. Trois jeunes hommes finissent de déjeuner, mais aussi de picoler, avant de repartir à scooter chargé de légumes. Puis je me dirige vers le centre. La gérante du 1er hôtel trouvé me propose la chambre à 100.000VND. Cela ne me paraît pas cher vu l’emplacement. Je suis perplexe. Je lui demande d’écrire le prix sur un papier. Elle m’écrit 100.000 et en-dessous 300.000 ?!? Je ne comprends pas. Je lui tends un bifton de 200K au cas où. Elle me montre alors l’horloge en me montrant l’aiguille qui va jusqu’à 3. Je comprends. Elle veut me faire payer 100K la chambre pour ce jour jusqu’à 15h00 puis 300K pour la nuitée ! Certainement une vietnamienne d’origine chinoise. Je la quitte en riant avant de trouver un peu plus loin un Nha Nghi à 200K comme d’hab’. Après une longue sieste, je trouve un café très sympa où passer une partie de l’après-midi au frais en compagnie du fiston de l’une des jeunes serveuses.

Vers 18h00, je passe au marché m’acheter de quoi diner. Cette fois-ci, je choisis des pochettes surprises. Comme les Kinder, je vois l’enveloppe mais ne sais pas trop quoi trouver à l’intérieur. J’ai bien choisi. Je dine d’un chausson salé et d’un sucré farci au maïs, accompagné d’une bière Halong, et d’un gâteau fourré pour finir en beauté.

Je passe mon début de soirée au téléphone avec mon ami Loïc qui rentre du Brésil et mon ami Nico que j’arrive enfin à joindre. Après bien des péripéties, il se trouve actuellement à Hanoï. Peut-être nos chemins se croiseront-ils à nouveau. Mais, à vélo, rien n’est sûr. Quant à moi, je serais (je mets le conditionnel, on ne sait jamais justement à vélo …) demain enfin dans la Baie d’Halong.