Ce matin, ce sont les coqs qui ont sonné le rappel. Comme d’hab’, à 6h00, je suis dans les starting-blocks. Mais un pressentiment me disait que le portail de cet immense hangar fourre-tout serait fermé. Gagné ! Je fais le tour du propriétaire. A l’entrée sur la droite, il y a un magasin de fringues d’enfants qui est fermé. Le bureau de la patronne au fond à droite est fermé également. Dans les jeux pour enfants, il n’y a personne. Au fond, sur le grand canapé devant la TV, personne non plus. Je toque aux portes. A l’une d’elles, le proprio finit par émerger.

Je peux enfin décoller de ce drôle d’endroit tenu par un couple bizarre. Je me retrouve dans la rue principale. Il est un plus de 6h00. Une rude journée m’attend à nouveau dans ces superbes montagnes vietnamiennes.

Par contre, ce matin, je n’avais plus rien à grignoter avant de prendre la route. Je ne veux pas partir le ventre vide d’autant plus que j’attaque par des enchaînements casse-pattes comme hier. J’achète un paquet de mes gâteaux roboratifs préférés. Puis je me pose dans la première gargote ouverte pour manger un Bánh Cuôn. C’est une spécialité vietnamienne cuisinée avec une large feuille de pâte à riz fermenté remplie d’une mixture avec du porc haché, des champignons et des échalotes. En plus, j’ai droit à quelques morceaux de pâté en supplément. C’est assez copieux. J’en garde une partie stockée dans une boite en polystyrène.

A 6h30, je quitte la ville sous un ciel toujours couvert bien que le soleil essaie de percer les nuages. La température est légèrement frisquette. Je sors mon coupe-vent.

Alors que je viens de quitter la ville, des marchandes ambulantes attendent le chaland le long de la route. Elles vendent leurs produits. La femme sur la gauche est trop occupée à se couper les ongles pour me regarder malgré mes « Hello ! ». Par contre, sa voisine pose parfaitement avec sa belle coiffe colorée, typique de cette région.

Je retrouve mes paysages enchanteurs avec ses rizières verdoyantes au premier plan et ses montagnes embrumées en arrière-plan. Je ne m’en lasse pas.

Je retrouve aussi ces camaïeux de vert en fonction de la maturité des rizières. Par contre, la route est toujours aussi difficile avec ces enchaînements de petites descentes suivies de montées tape-cul à 10%. Heureusement que j’ai changé la câblerie du dérailleur arrière sinon c’était mission impossible. Je n’arrête pas de changer les plateaux et les pignons en fonction de la pente.

Je finis par arriver à hauteur du grand barrage que j’avais en point de mire depuis un long moment. Il retient les eaux de la rivière Nâm Mu.

Je vais grimper à flanc de montagne en suivant cette rivière toujours par paliers successifs. On devine la route sur la gauche à flanc de montagne. En me retournant, je remarque que les turbines de ce barrage sont au-dessus du niveau d’eau actuel. Bizarre … À moins qu’il y en ait d’autres plus bas ?

Je continue ma lente progression dans ce décor impressionnant. Par contre, à part quelques fermes ou hameaux disséminés ça et là, je ne traverse aucune bourgade. Il n’y a pratiquement personne sur cette route. C’est assez flippant surtout avec cette ambiance brumeuse.

Cependant, les rares maisons que je vois en bordure de route sont superbes. Elles sont construites toutes en bois et montées sur pilotis comme souvent.

Il est plus de 9h00. Je continue mon ascension. Je n’ai toujours pas bu mon café matinal. Je suis en manque. Mon p’tit déj’ est loin, je commence aussi à avoir faim. Heureusement que j’ai quelques gâteaux (ou bananes) en réserve de la République. Si je me paie un coup de fringale, je serais mal. Je suis seul au monde. Quoique certains sont bien isolés aussi … Il faut quand même aimer la solitude pour vivre dans de tels endroits. Ou, plus prosaïquement, ne pas avoir d’autres choix tout simplement.

A 9h30, j’arrive enfin au village de Ta Hua. Cela faisait un moment que je comptais les bornes mais je n’en voyais pas le bout. De café, il n’y a évidemment pas. Je me pose donc devant une magasin où j’achète une boisson caféinée qui m’est encore inconnue. En fait, il s’agit d’un café noir glacé … et pétillant ! La marque est « wake-up 247 ». Ma foi, ça se laisse boire. J’en profite pour prendre du solide aussi en finissant mes crêpes au riz de ce matin.

Comme partout, les autochtones passent leur temps à regarder des feuilletons ou des vidéos à la con sur leur portable. C’est également le cas de la jeune vendeuse de ce magasin. Je vous fais aussi remarquer la coiffure typique des femmes de la région. Elles se font un énorme chignon au-dessus de la tête. Je dois dire que, avec le casque par-dessus, l’effet est assez comique. J’essaierais d’en prendre une en photo si je peux …

Après cette pause ô combien appréciée, je repars pour continuer à grimper. Après quelques virages, je surplombe ce village posé sur un promontoire perdu au milieu des montagnes. Et ça grimpe toujours …

De temps en temps, je croise des animaux domestiques : vaches, veaux, cochons, coqs, poules et couvées et aussi buffles qui déambulent tranquillement au milieu de la route. Cependant, ce jeune buffle, lui, a l’air décidé à ne pas vouloir me laisser passer. La mère surveille sa progéniture au cas où. Je passe au large. On ne sait jamais …

Un peu plus loin, je m’arrête pour tourner une vidéo que je voudrais adresser à la Communauté de l’Arche. Cela fait un moment que je repousse ce moment d’auto-filmage. Mais je me décide. J’en profite pour vous adresser un selfie. En me voyant je constate que les cernes sous les yeux m’invitent à plus de repos, mon visage émacié à plus de nourriture (ou moins de vélo !), mon grain de beauté sur le nez à mieux me protéger malgré ma casquette. A part ça, tout va bien !

Je suis enfin arrivé en haut du col à presque 1.000 mètres d’altitude. J’entame la descente dans ces paysages toujours aussi somptueux. Par contre, la pluie fait son apparition. Ce ne sont que des averses mais je préfère sortir mon ciré jaune au cas où ça se gâterait vraiment.

Je descends maintenant vers la rivière et les plans d’eau de Sông Dà. La descente est superbe mais toujours entrecoupée par ces tape-culs qui suivent le relief du contrefort des montagnes. Et, ces grimpettes d’une centaine de mètres tout à gauche debout sur les pédales, font vraiment mal aux cuissous. Ça chauffe Marcel !

Par contre, quand je repasse tout à droite sur la grosse plaque, ce n’est que du bonheur. J’arrive enfin sur cette rivière élargie en faisant gaffe de ne pas rater mon virage. Sinon plouf !

Le décor change radicalement. Après le végétal, je passe au minéral. Mais c’est toujours aussi superbe.

Je contourne ce « lac » par la gauche avant de franchir un pont pour passer sur l’autre rive. Quelques vendeurs proposent les produits de ce lac, notamment des poissons séchés.

J’en achèterais bien un sachet tellement j’ai les crocs. Mais la ville est à encore une dizaine de kilomètres alors que midi est passé depuis un moment. Je risque d’arriver quand tout sera fermé. Finalement, je tombe sur un restaurant qui domine le lac. Je m’y arrête.

Plutôt que de regarder la carte et me prendre la tête à traduire, je commande ce que la patronne et ses deux adultes de filles mangent. Et mon choix est fort judicieux. Je vais déguster du poisson blanc de la rivière dans son bouillon de légumes accompagné de riz évidemment.

Dans le bouillon, je crois deviner du céléri, de l’aneth et de la ciboulette. De plus, j’ai deux beaux morceaux de poisson et un saladier de riz pour moi tout seul. Je me régale. C’est délicieux. Tellement délicieux (et affamé) que je dévore tout.

Je dois avouer que je n’ai pas mangé tout le riz. J’en ai gardé pour ce soir. Il me faut repartir. Les muscles ont refroidi. J’ai bien du mal à remettre la machine en route pour le peu de kms qu’il me reste à parcourir. D’autant plus qu’une statue perchée en haut d’un promontoire m’invite à une petite balade digestive.

Depuis le promontoire, la vue sur le lac est évidemment splendide.

J’arrive enfin en ville vers 14h00. Je passe devant un premier Nha Nghi à l’entrée de la ville mais éloigné de tout. J’en trouve un en plein centre. J’entre dans le hall. Personne. Le patron est allongé et roupille. Je n’ose pas le réveiller. Je pars m’acheter un café en cannette et me balader dans l’artère principale. Puis je reviens en attendant qu’il émerge. C’est sa femme et son bébé qui le tire de son sommeil. Alors qu’un couple de jeunes clients descend d’une chambre et que j’en demande une au patron, il me fait ce signe caractéristique de la main qui veut dire non. Je ne comprends pas. J’insiste. Lui aussi. C’est quand même incroyable. Je pense que c’est peut-être le fait de l’avoir surpris dans son sommeil qui l’a dérangé. Cela m’était déjà arrivé avec une vieille femme. Je finis par partir. Et m’en retourner à celui vu en arrivant. De toute façon, je n’ai pas trop le choix.

J’essaie de négocier le prix à 200.000VND comme dans tous les autres Nha Nghi mais le gérant, d’origine chinoise vu la déco et l’autel à l’entrée, ne veut rien savoir. Il me rend 250 sur mon bifton de 500. Et basta. De plus, la pluie se remet à tomber. Je n’insiste pas. Je rejoins ma chambre pour siester un peu avant de finir l’après-midi dans le cossu salon. En fin d’aprèm, je lui demande s’il pourrait me vendre une bière. Refus. Je suis obligé de remonter en ville. J’en profite pour acheter un bánh bao (petit pain farci cuit à la vapeur) que je mangerai avec mon riz de ce midi.
Fin de cette nouvelle rude journée avec 88 bornes au compteur, 2.800m D+, 3.000D-