Réveil à 6h30 du mat’. Je suis un peu dans l’expectative. Je n’arrive pas à avoir la confirmation pour savoir si cette frontière est ouverte ou pas. Le cerbère de l’ambassade du Laos m’a dit que oui. Mais j’ai un doute. Et les infos sur les sites ne sont pas clairs. De toute façon, si ça ne colle pas, je devrais me résoudre à remonter à Diên Biên Phu. Sinon, les autres postes frontières sont trop au sud vu que j’aimerais faire le nord du Laos. A 7h00, je décolle et je verrais bien. Je ne suis plus à un jour près. Je quitte cet hôtel tranquille sous un beau ciel bleu.

Je traverse cette ville finalement pas si petite que cela. Elle est même très étendue et particulièrement dynamique. D’ailleurs, à l’entrée de la ville, on se croirait presque à Hollywood.

Je passe devant des écoles. J’essaie de repérer une de ces marchantes ambulantes qui vendent du riz gluant sucré avec des arachides. Bingo ! J’en trouve une avec sa fille qui assure la caisse. Tout est savamment disposé, avec les deux chaudrons sur le côté et tous les ingrédients devant, pour être le plus rapide et le plus efficace possible quand les jeunes arrivent. Quant à moi, je prends mon sachet et vais m’installer un peu plus loin sur une placette pour déjeuner tranquillement.

Juste à côté de ce stand, se tient celui du boucher. Là, c’est vraiment en circuit court du producteur au consommateur. La bête est découpée sur place. La tête du bestiau en est d’ailleurs toute retournée (en bas à gauche). Dans la bassine de fer, la tripaille attend d’être nettoyée. Les autres pièces sont découpées par madame et monsieur. En guise de p’tit déj’, il faudrait que j’essaie un de ces 4.

Au coeur de la ville de Môc Châu, je quitte la route principale QL6 pour emprunter la route QL43. La frontière se trouve à 30kms dans la montagne avec 1210 mètres de D+. Après quelques kilomètres à traverser hameaux, plantations fruticoles (fraises, prunes, mangues, …) et zones maraichères, j’entre dans la zone frontalière. Je me dirige vers le poste frontière de C.Khâu à 22kms de ce point.

Je passe devant des rûches. La jeune fille à l’entrée se tient prête à intervenir avec son tuyau d’arrosage. On ne le voit pas bien sur la photo mais ça bourdonne sacrément au-dessus des ruches alors que les grilles sont sorties pour extraire le miel.

Je continue ma progression en suivant ce charmant vallon. Au fond coule un torrent. Quelques habitations sont construites le long. En contrebas de la route, j’aperçois un des habitants de ces cabanes, ermite des temps modernes, en train de pêcher.

Pour l’instant, la route grimpe tranquillement. De plus, je suis à couvert de la végétation. Je croise un garde-frontière à scooter qui doit descendre se reposer après sa garde. Quelques instants plus tard, le voilà qui revient à ma hauteur alors que je suis dans un raidard. Il me demande de m’arrêter le bougre. J’obtempère. C’est un jeune garde-frontière du nom de Huong Van Son (1* sur l’épaulette). Je deviens parano avec tous ces fonctionnaires qui se contredisent. Il me demande si je puis passer à la « zone américaine » ? J’ai bien vu un bâtiment en montant mais, comme tout est écrit en vietnamien, cela ne m’a pas frappé. Je lui réponds que non. Il me dit alors que je dois quitter cette zone frontalière. C’est un sketch ou quoi ? Sortez les caméras ! Je lui explique que je vais au Laos et lui montre mon visa dûment tamponné. Il s’excuse, me serre la main et repart comme il était arrivé.

Je repars dans la pente. A 7kms du sommet, la pente se durcit. Je passe dans du 8 à 10%. Heureusement, j’ai vent dans le nez qui me donne de l’air vu la température qui commence, comme la route, à grimper sérieusement. Il est bientôt 10 heures. J’arrive au sommet de ce col. La vue sur les montagnes environnantes est superbe. On aperçoit la route qui monte en lacet jusqu’ici. Sur ces versants, la forêt a disparu pour faire place à de grandes zones cultivées.

A 10h20, j’arrive au sommet. Je ne suis plus qu’à quelques encablures de la frontière. J’aborde un virage à droite et tombe devant une barrière fermée avec un bâtiment au-dessus. Le garde-frontière s’approche et me demande mon passeport. Celui-ci se nomme Mui Van Ngoc (3* sur l’épaulette). Il est plus âgé, de forte corpulence, rasé de près, la peau du visage grêlé. Il prend son téléphone et passe un appel. Qu’est-ce qui se passe encore ? Un autre gradé arrive quelques instants plus tard. Ce doit être le chef de poste. Il se nomme Nguyen Van Son (4* sur l’épaulette), petit, svelte et autoritaire. Il me dit, à l’aide de son traducteur, que je ne peux pas passer la frontière ici. Celle-ci n’est réservée qu’aux vietnamiens et aux laotiens. Je dois me rendre soit à Na Mèo plus au sud, soit à Diên Biên Phu. Et bien voilà. J’ai ma confirmation en direct-live. Je n’ai plus qu’à faire demi-tour.

La descente se fait beaucoup plus rapidement que la montée. A part une petite frayeur en sortant un peu large d’un virage, je suis de retour à Môc Châu peu après midi. Je m’arrête dans un restau alors que j’arrive en ville. Une fois de plus, le repas est copieux. J’ai choisi ces petites saucisses très parfumées que j’avais découvert au restau routier hier ainsi qu’une coupelle de lamelles de bambous macérés (je pense). Par contre, l’addition est salée (100.000VND). Même un couple vietnamien, arrivé en même temps que moi, se plaint de la note un peu trop élevée à leur goût. Quant à moi, j’ai à nouveau rempli un pochon pour mon diner.

Après ce plantureux repas, je dois maintenant trouver un bus qui me ramène au nord-ouest. Je retrouve la route principale QL6 et retourne à mon point de départ de ce matin. Mais j’aimerais avoir confirmation que les bus partent bien de là. Je m’arrête à 2 ou 3 reprises pour finalement tomber sur une tablée de jeunes adultes en train de boire le thé et fumer le calumet de la paix. Via mon traducteur, je leur demande où se trouve la station de bus. Le plus déluré de la bande me répond que c’est ici ! Je ne comprends pas. Il m’explique que, en fait, à partir les terminus, il n’y a pas d’arrêt. Les gens font signe au bus en fonction des destinations et des couleurs de bus. Lui attend le bus-couchette pour aller à Diên Biên Phu justement. Sa compagne tient cette gargote où j’aurais mieux de déjeuner. Il passe un coup de fil et me dit qu’un bus sans couchette va bientôt passer. Il a prévenu le chauffeur de s’arrêter. Trop sympa. Quelques minutes plus tard, ce bus arrive. Je démonte Haka2 et nous grimpons à l’intérieur. Il y a effectivement de la place pour mettre des bagages. D’ailleurs, en cours de route, lui et son acolyte vont charger une dizaine de cartons tout droit sortis d’un camion. Par contre, ce bus ne dessert que Son La plus au nord.

Vers 16h30, mon bus s’arrête dans une station-service à l’entrée de cette grande ville. L’acolyte me demande de descendre. J’obtempère. Un autre minibus m’attend avec une seule jeune femme à bord. Nous nous rendons ensuite à la gare routière pour y récupérer d’autres passagers. Le téléphone arabe fonctionne même jusque dans ces contrées asiatiques. J’ai le temps d’aller faire un tour au Wi Sih, boire un cá phê sua da (café au lait sucré glacé …en sachet hélas), m’acheter une nouvelle bouteille d’eau fraiche et commencer à rédiger ces lignes. A 18h00, nous quittons Son La. Nous sommes 6 à bord de ce minibus.

Vers 18h30, le soleil se couche derrière les montagnes. Je ne sais pas à quelle heure nous allons arrivés à destination. Nous avons repris la route nationale QL6. Diên Biên Phu est à 150 kms au nord-ouest. Mais il y a 2 cols à franchir et 2.800 mètres de dénivelé positif et négatif. Autant dire que je ne suis pas encore couché …

Vers 22h, nous arrivons enfin à destination après que le chauffeur est livré tout un tas de lettres, colis, paquets à différents destinataires en ville. Et moyennant biftons évidemment. Il me dépose ensuite devant un Nhá Nghi de sa connaissance situé pas très loin de la Police Territoriale où j’étais il y a 2 jours. Cela me parait si loin avec toute cette route parcourue depuis. Il est 23h. Il faut que je dorme un peu avant d’attaquer à nouveau ce col frontalier et sortir enfin du Vietnam.