Réveil dès potron-jacquet ce matin. A 5h00 du mat’, je suis déjà debout. Je me prépare rapidos. Vers 5h15, je quitte à regret ma petite maison de Schtroumpf. Je me pointe à la terrasse en espérant trouver quelqu’un. En effet, je suis infoutu de me rappeler si j’ai payé ou pas ma seconde nuitée. Le boss dort sous une tente au camouflage militaire posée à même la terrasse. Je le réveille. Et les palabres reprennent. Il me sort à nouveau son portable. Je patiente. C’est un véritable sketch à lui tout seul !

Finalement, il me demande de lui régler 2 nuitées alors que je suis certain d’avoir payé la première. Je lui règle la seconde et me barre. A force, il me casse trop les coucougnètes. Je me dirige vers le marché pour y acheter mon p’tit déj’. Il n’est que 5h40 mais il y a déjà du monde. Je m’achète une barquette et un gâteau de riz avec un régime de bananes. Puis je me pose à l’écart à la sortie du village pour déjeuner en paix.

J’attaque d’entrée par un long faux-plat montant. De toute façon, vu le profil, je sais que cette étape va être rude. Je profite de la fraîcheur matinale pour enquiller les kilomètres. Pour l’instant, je monte sur la plaque du milieu une pente à environ 5%. Je circule toujours sur ma petite route 2E. Je traverse des zones maraîchères et quelques rizières complètement asséchées. Ces zones devraient être irriguées par un torrent longeant la route mais il est presque à sec aussi. Un peu plus haut, des films plastiques ont été tirés pour garder la fraîcheur et éviter la pousse de mauvaises herbes. Cela me rappelle quelques bons souvenirs de l’Arche lorsqu’il fallait mettre en place ces fameux films. Il est 6h30. Le soleil pointe le bout de son museau.

Je continue ma grimpette matinale alors que le ciel est à nouveau complètement dégagé. Cela va encore cogner sec. Par contre, je traverse des monts chauves. Pratiquement, toutes les collines environnantes ont été brûlées. Spectacle de désolation. J’imagine que, pendant la période des pluies, l’eau doit ruisseler sur ces zones dénudées, et, forcément, dévaler dans les villages plus bas. La déforestation (ou le bitumage à outrance chez nous) empêche l’eau de pénétrer le sol et de recharger les nappes phréatiques. On le sait mais on continue de bétonner. A ce sujet, je pense évidemment au nouveau combat mené à Beauzelle par des citoyens engagés contre le projet des Céphéides (Poumon des Céphéides). Notre asso ECOSOL s’associe bien sûr à ce combat.

Je reprends mon récit et ma route avant de tomber sur un panneau dont le texte ne me dit rien. Par contre, les dates me parlent plus ! 1961 correspondrait à la fin de la guerre civile au Laos et, accessoirement, à mon année de naissance.

A 8h00, j’entre dans la grande ville de Muang Xuay. Je viens de parcourir 30 bornes et de me taper 800 mètres de dénivelé positif. Mais ce n’est que l’échauffement. Le plus dur arrive. En attendant, je cherche à nouveau désespérément un café où me poser. Mais je ne trouve pas. Finalement, je m’arrête devant un kiosque géré par un monsieur. Il me prépare un vrai café. Je remarque des casques à vélo accrochés au mur de son kiosque. Il est tout fier d’aller me chercher son bicycle et de me montrer des photos prises en haut d’un col (peut-être celui que je vais grimper). Évidemment, quand un cycliste rencontre un autre cycliste, il se raconte des histoires de vélo …

Ce n’est pas le tout mais j’ai encore de la route à tailler moi. Je repars. Je contourne le petit aéroport, passe devant la gare routière internationale et rejoins la route 13 qui descend du nord-ouest. La circulation, très calme jusqu’ici, s’intensifie. Des poids-lourds, trainant de grandes remorques, descendent de Chine vers la capitale Vientiane. Il est un peu plus de 8h00 quand je sors de la plaine pour attaquer la montée du col. La pente grimpe relativement régulièrement entre 5 et 8%. De temps en temps, j’aperçois des paysans – ici, ils sont facilement repérables avec leur chapeau rose – en plein travail de plantation.

Mais quel courage pour travailler cette terre montagnarde pentue alors que la chaleur commence à bien se faire sentir. Quant à moi, je ne me plains surtout pas. J’ai choisi d’être là. Même si c’est dur, même s’il fait chaud, même si j’en chie. Je ne suis pas obligé. Donc silence dans les rangs et pédale. Je passe la borne des 555 kms (enfin presque) de Vientiane. Si tout va bien, j’y serais dans une grosse semaine. Après, il me restera une dizaine de jours pour rejoindre Bangkok. Cela me fait quand même bizarre de l’écrire.

Après une vingtaine de bornes de grimpette et 1.300 de D+, j’arrive devant un panneau illisible et masqué par les mauvaises herbes. Je suis à plus de 1200 mètres d’altitude. Je pense que je suis au sommet. Contrairement à nos montagnes françaises, il n’y a pas de panneaux pour indiquer la fin d’un col; panneau devant lequel les cyclistes (dont je) se photographient pour montrer que « je l’ai fait ! ».

Il est 10h20, j’attaque la descente. Il faut quand même que je fasse gaffe à ne pas me manger un camion qui monte. J’adore les descentes. Pour l’instant, je ne me suis encore jamais viandé. Le jour où cela m’arrivera, je pense que ça me calmera. Peu avant 11h, je m’arrête en bas de la longue descente dans le village de B. Lak32. Vous vous souvenez ? J’avais déjà traversé des villages nommés ainsi lors de ma traversée du plateau des Bolovens. Pour mémoire, B. pour Ban (village), Lak signifie km. Donc B. Lak32 est le village situé au 32è km de Muang Xay. Ce n’est pas très poétique. Je m’arrête donc au marché pour y boire une boisson fraiche et déguster quelques beignets aux différents parfums.

Je me balade ensuite entre les stands. J’adore les marchés. D’ailleurs, le samedi en fin de matinée lorsque je suis à Blagnac, cela fait partie d’un de mes rituels. Je retrouve les copains-copines pour y boire le café. J’y croise des potes du monde associatif ou sportif. Je passe dire bonjour aux ami.es de l’Arche. Je fais mes petites emplettes et discutent avec les commerçants où j’ai mes habitudes. Là, la dame roupille. Je ne vais pas la déranger.

Un peu plus loin, je découvre les enfants d’une vendeuse installés sous le stand. Evidemment, la grande est sur son portable pendant que son frangin roupille.

Ici, c’est la mamie au tee-shirt bleu qui avait attiré mon attention. Je l’ai suivi. Par contre, je ne sais pas ce qu’elle épluche (champignon, gingembre, …).

Après cet intermède, j’attaque le dernier col de cette étape. Il me reste 20 bornes avec 1270 D+ et 816 D-. Dans les petites descentes, je m’arrête faire quelques photos de ces cabanes typiques avec ces troncs de bois brulé posé devant; bois qui permet d’alimenter le feu comme je l’évoquais hier.

J’ai oublié de raconter que j’étais accompagné par M. Alain BASHUNG pendant ma grimpette. Alors que j’étais en plein effort, j’écoute sa chanson « Ma petite entreprise ». Pour les cinéphiles, c’était la musique du film éponyme sorti en 1999 et réalisé par Marc Jolivet avec Vincent Lindon. Les paroles sont (1ère coïncidence) :
Qu’importe l’amour importe
Qu’importe l’amour s’exporte
Qu’importe le porte à porte
En Crimée au sud de la Birmanie
Les lobbies en Libye au Laos
L’Asie coule à mes oreilles

J’approche du but. Les monts deviennent plus doux. Par contre, ils sont toujours aussi ratiboisés. Au loin, les montagnes d’où je viens sont beaucoup plus impressionnantes. Je traverse maintenant le village de B.Lak44. Cette fois-ci, mon regard est attiré par cette belle cabane au toit de chaume et aux parois d’osier avec ce faîtage de bois. Des gamines me scrutent depuis la maison d’à côté.

Evidemment, je m’approche après avoir pris une dernière photo avec cette vue superbe sur les montagnes au loin.

Après les « sabadi » d’usage, je demande la permission d’immortaliser cette petite famille. C’est bien joli tout cela mais ça respire la pauvreté.

Je dépasse maintenant le village de B.Laowa érigé le long de cette route. Il est presque midi. Le soleil tape fort.

A la sortie de ce village, je passe devant une maison au mur tagué. Forcément, ces deux initiales m’interpellent. Quelle étrange coïncidence ! Hier, j’étais au téléphone avec ma belle-sœur Flo alors que mon grand frangin Yves-Marie a eu un pépin de santé. Il est d’ailleurs hospitalisé à Marseille. Je lui dédicace cette journée et lui envoie un gros bisous avant de se retrouver dans quelques semaines.

Vers 12h30, j’arrive à bon port dans cet endroit planté au bout d’une plateforme que j’aperçois depuis quelques kilomètres déjà. Il y a bien un Guesthouse et un restaurant comme indiqué sur mes cartes. Contrairement à avant-hier, Je réserve en 2 minutes une chambre où je vais me doucher et me changer de suite. Puis je m’installe à une table pour y boire une bonne bière BeerLao bien fraîche et avaler un plat ô combien désiré.

L’endroit est superbe et la vue magnifique. Bon choix M.Dureau ! Il est l’heure d’aller faire un gros siestou après cette étape montagnarde de 82 bornes avec 2.537 mètres de D+ et 1.688 mètres de D-.

Après ma sieste et la rédaction au frais de ces lignes, je sors pour aller boire une bière au restau alors que la température baisse (tu vois Jean-Louis, je parle du temps !). Il est bientôt 17h00 et il ne fait plus que 33°C à l’ombre. Par contre, je ne vois plus mon vélo laissé devant ma porte et non attaché évidemment. Là, je prends un gros coup de chaud. Ce restau a un grand parking pouvant accueillir des poids-lourds. J’imagine le pire. Je me dirige vers le restau en mode panique. Les serveuses sont explosées de rire. De mon côté, je ne rigole pas du tout. Finalement, quelques minutes plus tard, je vois le patron revenir ahanant, trempé et grimpé sur Haka2. Ouf de soulagement !

Je passe le reste de ma soirée au restaurant. Il faut dire que la vue n’est pas trop moche.

Fin de cette belle étape montagnarde. Demain, je remets ça !
Super Gaël !!