Hier soir, c’était le coq laotien qui m’a réveillé à 4h du mat’. Ce matin, c’est le cochon chinois qui m’a tiré du sommeil à 3h du mat’. Les 3 chinois, occupant la chambrée, n’ont pas été particulièrement respectueux de ma présence hier soir (discussion à voix haute, portable avec le son ouvert, lumière allumée jusqu’à 23h, …). De mon côté, ils ont pu profiter en direct-live de la montée du dernier col de l’étape du Giro. Mais cette nuit, ce fût le pompon. Le plus grassouillet des trois s’est mis à ronfler en imitant le cochon. Comme j’ai épuisé mon stock de boules Quiès, je me suis mis à bouquiner en attendant que le cochon se calme. Autant dire que ce matin, je me lève plus tard que d’habitude. Mais c’était aussi voulu. A 7h00, après avoir avalé 2 petites bananes en guise de p’tit déj’, j’ai la patate pour me rendre aux fameuses cascades de Kuang Si.

Auparavant, je m’arrête devant une gargote pour m’acheter une belle dose de riz et une pochette surprise enveloppée sous des feuilles de bananier. Je vais m’installer en bord de Mékong pour avaler ce p’tit déj’ roboratif. La surprise est composée d’une pousse de bambou farcie. Avec le riz, c’est parfait. Et que j’ai bien fait d’avaler ce copieux repas. Quand je reprend ma route, je double des moines bouddhistes en train de faire leur quête quotidienne.

J’emprunte la petite route qui longe le Mékong. J’ai trente kms à parcourir et 600 D+ quand même pour me rendre sur le site des chutes. A scooter, cela peut paraître plat (n’est-ce pas Loïc) mais, à vélo musculaire, il y a une belle colline à franchir. Peu après, je m’arrête en bord du Mékong pour y déguster un vrai café. D’ailleurs, il y a quelques plantations dans le coin. Une d’elles propose même du café à la civette, équivalent au café Luwak de Bali.

Cette vallée s’avère être très touristique. Il faut dire que les cascades font partie d’un des plus beaux sites laotiens et attirent forcément le touriste. En bordure de route, quelques femmes tissent, sur d’antiques machines à tisser, des tapis ou des vêtements typiques.

Un peu plus loin, c’est un centre pour éléphant. Comme en Thaïlande, la baignade et la balade sont proposées. De nombreux panneaux proposent aussi des terrains à vendre de 11 à 15$ le m2 quand même.

Alors que j’approche du site en grimpant une nouvelle bosse, 2 scooters me doublent. Le passage de l’un des scooters m’adressent un pouce levé. Je les retrouve quelques minutes plus tard sur le parking. Nous grimpons ensemble dans une navette électrique qui nous emmène dans le village de Tampène au pied des chutes. Forcément, lorsqu’ils achètent leurs billets en parlant anglais, je repère des français. Et, comme le monde est petit, ce sont deux angevins (mes origines maternelles) et un manceau (mes origines paternelles) qui m’accompagnent. Ils ont fini leurs études et se baladent en Asie pendant quelques mois avant de se fixer pour bosser. Le manceau est faiblichon vu qu’il s’est chopé la dingue il y a quelques temps. Nous discutons le bout de gras avant d’arriver aux cascades les plus hautes. Elles sont effectivement magnifiques.

J’en profite pour me faire tirer le portrait au bord du 1er bassin où l’eau est couleur vert turquoise. Il est 9h30. Nous sommes pratiquement les premiers sur site.

Les gars me quittent là. Ils veulent monter en haut des chutes. Quant à moi, j’ai encore de la route à tailler si je veux trouver un hébergement ce soir. Je préfère prendre le chemin Trail et me trouver un coin tranquille pour me baigner. Le bassin, en dessous la chute principale, est déjà occupé.

Je descends à celle d’en dessous. Il n’y a encore personne. Elle est pour moi. D’autant plus qu’il y a 1,80 mètre de profondeur et que je peux donc nager. Elle est un peu fraîche mais que c’est bon.

Un peu plus bas, c’est un espace pour la sauvegarde des ours noirs asiatiques (ou ouest lune) qui a été créé. Ce centre accueille une trentaine d’ours sauvés des braconniers.

A 10h30, je retrouve Haka2 qui m’attend sagement sur le parking. S’il savait ce qui l’attend, il se serait barré le pauvre. Pour rejoindre la ville de Chang Nan un peu plus sud, mes traceurs, positionnés sur « Vélo de Route » me proposent 3 options. Une première de 48 kms et 1100D+ par la route dans les montagnes. Une seconde de 55 kms et 770D+ qui longe le Mékong en empruntant une piste.. Une troisième qui me fait revenir à Luang Prabang pour emprunter une autre vallée donc 98 kms et 2254D+. J’opte pour la première option. Je reprends donc la route qui me ramène à Thapene. A l’entrée du village, je dois bifurquer à gauche, la route principale menant au parking des cascades donc dans un cul-de-sac.

Il est 10h30. J’attaque donc par une piste hyper pentue qui monte au-dessus de la cascade. Je ne l’aurais pas fait à pied mais à vélo. Je pense que cette piste va m’amener sur une route au-dessus du village. D’ailleurs, un peu plus haut, je tombe sur des villageois en train de réparer la passerelle qui enjambe le torrent au-dessus des cascades.

Je croise ensuite quelques scooters venant peut-être prêter main forte. Mais la piste continue de grimper. A chaque virage, je pense arriver sur une route bitumée pour « Vélo de route » selon Mapy.cz. J’emprunte maintenant une piste en latérite. Je croise quelques paysan.nes, machette à la main, sur ce chemin.

C’est quand bizarre cette affaire. Je continue de descendre vers le sud mais sans trouver cette route espérée. Vu les kms déjà effectués, je ne me vois pas non plus rebrousser chemin. Je continue. Le paysage s’ouvre maintenant sur des collines complètement ratiboisées.

Je vais bien finir par trouver une route carrossable. D’autant plus que la chaleur commence à grimper. J’ai rempli ma gourde au village avant de partir. Mais, vu comment ça tape, elle ne va pas tenir longtemps. Par contre, je n’ai rien acheté pour bouffer. Je trouverais bien un village dans la pampa. Il est déjà 11h30. Je regarde mon GPS. J’ai la désagréable impression de ne pas avancer. Le paysage est désertique. Quelques cabanes sont posées ça et là au milieu de nulle part.

Peu avant midi, j’arrive enfin à l’entrée d’un village intégré dans une zone de protection de la forêt. Mais toujours aucune trace d’une route. Peut-être dans ce village. Ces 2 villages ne sont même pas répertoriés sur mes cartes. J’a l’impression d’être dans une autre dimension.

Ce village ne comprend que des cabanes en osier. C’est d’une pauvreté sans nom. Il doit bien y avoir une route qui relie ces habitants au monde civilisé. Je demande où je peux acheter de l’eau et à manger. On me fait signe plus loin. Il n’y a même pas une gargote ou un magasin. C’est quoi ce bordel ? Je sors du village alors que ma gourde est presque vide. Et je n’ai rien trouvé à becqueter.

Je poursuis ma route sur ces plateaux à 600 mètres d’altitude environ. Pas le choix. De temps en temps, j’aperçois un abri sur pilotis au milieu d’un champ. Quelques fois, une personne est allongée et attend. Je la salue. Elle me regarde comme si j’étais un extra-terrestre. Peu avant 13h00, je jardine un peu pour trouver le bon chemin alors que ma trace m’envoie dans une ferme. Mais, je déniche une source. C’est déjà ça. Je m’asperge, bois jusqu’à plus soif, emplis ma gourde et repars.

Je commence à désespérer de trouver une route carrossable. De plus, je suis souvent obligé de mettre pied à terre tellement la pente est raide. Ça monte parfois à 15%. Impossible de tenir sur le vélo. Même en mettant pied à terre, je glisse avec mes sandalettes dont les structures sont bien entamées. Cela devient vraiment galère. Il ne faudrait pas qu’il m’arrive une tuile ici. Et je n’avance pas. De plus, le ciel s’assombrit méchamment au-dessus des sommets.

Je suis au milieu de nulle part. Des champs. Des cailloux. Un chemin de merde. Un ciel noir. Et ça finit par péter. J’ai juste le temps de me mettre à l’abri d’un gros arbre et de sortir ma veste jaune pour me protéger. Dans quelle galère je me suis fourré ? Il est 13h30. J’ai faim. J’ai mal aux jambes et aux mains à force d’être secoué comme un prunier. J’ai encore une trentaine de bornes à faire. Je repars après que l’orage soit passé.

Par contre, la pluie a rendu la terre collante. Je suis obligé d’enlever le garde-boue avant. L’arrière est fixé. Je ne peux l’enlever. La boue s’agglutine dessous. Je le nettoie avec un bâton. Si ça continue ainsi, je vais passer la nuit dans la montagne. Je repars. Le ciel se dégage. Le soleil revient. La chaleur également. La route sèche. J’entame la descente. Je fais gaffe de ne pas me casser la gueule dans les ornières. Vers 14h30, j’arrive à un second village toujours pas répertorié sur mes cartes. A défaut d’une gargote pour manger, je trouve enfin une boutique ouverte.

Comme dans toutes ces boutiques, il n’y pas grand chose de consistant à manger. J’y achète deux paquets de gâteaux les plus roboratifs possibles et un soda orangé frais. Je me pose sur les marches. J’alterne 2 ou 3 cigares avec une gorgée de ce nectar frais et sucré. Cela me requinque un peu. Et cela amuse aussi beaucoup les jeunes abrités sous l’arbre en face. Comme prix du spectacle, je les prends en photo. Avant de repartir, je consulte mon GPS. Il me reste encore 24 bornes à faire.

Même en descendant, je ne peux pas envoyer. Le chemin est beaucoup trop cassant. Mais comment font-ils pour se ravitailler ? Et le village précédent complètement perdu dans la pampa ? C’est hallucinant.

Je ne sais pas comment je ne pète pas un truc sur le vélo tellement ça secoue. Haka2 est vraiment résistant. Qu’est-ce que je lui en fais voir le pauvre ! A 15h30, je rejoins enfin la piste qui longeait le Mékong. J’aurais dû la suivre. Cela ne pouvait pas être pire que celle-ci. Et je n’ai toujours pas trouver de route carrossable. Comme indiqué sur le panneau, ce village fait partie du programme « Village Women Union – 3 aspects to be considerated as good ». LAO Women’s Union

C’est vrai que la femme laotienne est au omniprésente. Elle est au champ, au marché, au comptoir des boutiques ou des stands. Elle s’occupe des enfants, de la bouffe, de la vaisselle, du linge. Alors que l’homme est beaucoup moins présent à part dans les gargotes à picoler et jouer aux dames (sic!). Ou roupiller dans un hamac. J’exagère mais à peine. C’est encore pire que chez nous … Bonjour la charge mentale ! Quant à moi, je retrouve les bords du Mékong.

Dans les vallons, les rizières prennent des formes géométriques surprenantes. Cela me change des paysages désertiques traversés depuis ce matin.

Cela ne dure pas. Il me faut déjà quitter le fleuve et rentrer dans les terres pour rejoindre Muang Nan. Il me reste encore une dizaine de bornes. Je tiens enfin le bon bout. Mais toujours pas de route carrossable. Je traverse maintenant de grands plantations bananière. Je me ferais bien un régime. La piste est toujours autant défoncée.

Il me reste encore une dernière grimpette histoire de bien m’achever. Je bascule enfin vers la ville. Il est 16h30. Alors que le ciel s’assombrit à nouveau, le dindon de la farce arrive enfin à destination.

Je rejoins enfin la route bitumée n° 4 par laquelle j’aurais pu arriver en prenant l’option 3. L’hébergement repéré est bien là. Il n’est pas complet. De plus, il est nickel avec ses boiseries posées sur du plâtre blanc. Tout fonctionne : clim, ventilo, douche, robinet, Wifi. Après cette étape interminable, c’est le grand luxe ! La patronne est en plus charmante. Je peux enfin me doucher, laver mes fringues et Haka2, puis déguster un ananas coupé devant moi. Vers 18h30, je migre au restau en face pour engloutir une belle assiette de riz frit accompagnée d’une Heineken (pas de Beerlao !) gouleyante. Il est temps de rentrer me reposer après, je pense, une de mes plus rudes journées à vélo-rando. J’ai mis environ 6h00 pour faire 48 bornes soit du 8km/h.
Bravo, encore une belle aventure. Les galères font souvent les meilleurs souvenirs.