Ce matin, ce n’est coq, ni cochon mais l’orage qui me réveille. C’est assez impressionnant même de mon lit douillet. De toute façon, j’ai prévu de faire une petite étape aujourd’hui. J’en profite pour essayer de me rendormir. Lorsque la pluie se calme un peu, je sors du lit. Il est un peu plus de 7h00. Je pense de suite à mes fringues de cycliste étendues hier. Je n’ai pas pu les ramasser en rentrant du restau hier soir. Il aurait fallu que je passe par la cuisine de la maison mais tout était fermé lorsque je suis rentré. Je descends avec la crainte que tout soit « trempé, gueuné » comme disait ma grand-mère. Heureusement, une bordure de toit les a protégées. A 7h15, je suis prêt pour enquiller une nouvelle journée à vélo.

Je quitte ce superbe GuestHouse, l’un des meilleurs rapport qualité/prix depuis mon départ. Avant de partir, je discute avec une femme, propriétaire du pick-up blanc, parlant parfaitement anglais et travaillant pour l’association « Hospital for Children » (LFHC), structure privée qui accueille des enfants dans un hôpital pédiatrique à Luang Prabang. J’ai moins de mal à démarrer que le chauffeur du camion JAC de gauche. Le démarreur n’enclenche pas. Sa journée commence bien. Quant à moi, je la commence par une bonne soupe bien chaude. La température a chuté après l’orage. J’ai à nouveau sorti mon ciré jaune.

Après ce copieux p’tit’ déj’, je repars sur la route n°4. Les montagnes sont couvertes par la brume matinale et la vapeur d’eau. Le ciel est voilé. Si cela se maintient, je ne vais pas souffrir de la chaleur aujourd’hui.

La route commence par traverser la plaine. Cela tombe bien. Je suis mou du genou ce matin. Entre les dernières nuits agitées et l’étape pour le moins compliquée d’hier, je sens que je n’ai plus beaucoup d’énergie dans les batteries. Je vais me la jouer cool aujourd’hui. Je profite de ces paysages fantasmagoriques …

… avant de plonger, non pas dans, mais vers le Mékong, jamais très loin de ma route finalement. Un village de pêcheurs est érigé au bord. La couleur du fleuve se confond avec celle du ciel. Tout est gris ce matin. Cela change.

Après la traversée, je passe devant un poste de contrôle. Il y en a de temps en temps. Les policiers m’ont l’air bien débonnaires. Ils ne contrôlent pas grand monde. A chaque « barrage », ils m’adressent même de grands bonjours. Par contre, le gros morceau de la matinée s’annonce. Il me faut grimper un petit col. Je le passe en mou-linant, terme bien choisi pour dire que je suis vraiment mou, mou, mou. Je remonte un peu dans les montagnes. Le spectacle de Dame Nature est toujours aussi beau. Je ne m’en lasse pas.

Peu après 9h00, je m’arrête à Pangkhom, premier village sur ce plateau situé à 400m d’altitude. Je prends un Nescafé en cannette accompagné d’une galette de riz soufflé tirée d’un de ces sacs suspendus … et souvent couverts de la poussière de la routei. Je m’installe à une petite table en pierre où sont déjà assis un jeune père et sa fille. L’homme n’est pas trop loquace. Je ne saurais pas ce qu’ils attendent. Avant de reprendre la route, je demande à la jeune gérante si je peux prendre sa boutique en photo. Elle acquiesce … mais se cache le visage. Tant pis. Je n’aurais pas non plus capté son joli sourire.

Je repars avec ce surplus de caféine qui me donne un petit coup de fouet. Et j’en ai bien besoin. Le paysage brumeux contribue à mon état léthargique matinal. J’ai beau branché ma zique avec U2, cela ne me donne pas plus la pêche. J’aurais dû télécharger et écouter Tina Turner dont je viens d’apprendre le décès sur Libé. Heureusement, j’ai la chance de doubler ou croiser des jeunes toujours aussi souriants et enthousiastes à ma vue. Ce sont d’abord ces 2 jeunes filles marchant pieds nus en bord de route. Celle en rouge porte son sac en bandoulière en posant la lanière sur le front, comme beaucoup de femmes des montagnes. J’en ai croisé énormément avec de lourdes charges sur le dos, courbées par l’effort et lanière sur le front. Par décence, je ne les ai pas prises en photo.

Un peu plus loin, c’est un trio d’ados, aux couleurs du Stade Toulousain (et de la Thaïlande), qui prennent la pose sur leur scooter électrique. Avec toujours le sourire et la patate. Merci les gars !

J’entre maintenant dans la « Province » de Sayaboury dont la ville-préfecture est posée au bord de la rivière Nam Hung, un des nombreux affluents du Mékong. Cette ville possède un aérodrome et de nombreuses industries.

A ce sujet, le Laos comprend 17 provinces et préfectures. Pour rappel, le Laos est le seul de ces pays asiatiques déjà traversés qui n’a aucun accès à la mer.

Avant d’entrer en ville, j’emprunte un pont qui traverse la rivière pré-citée. Un pêcheur au carrelet taquine l’ablette de bon matin dans une eau toujours aussi boueuse.

J’arrive en ville. Je croise de nombreuses ados qui sortent du lycée. Peu après, je tombe devant l’entrée de ce lycée ethnique. Il faut savoir qu’il existe entre 65 et 129 groupes ethniques au Laos suivant les estimations répartis en 5 groupes linguistiques (pour plus d’infos : Ethnie).

En ville, je me pose dans une gargote pour y boire un bon, frais et long jus de canne accompagné d’un paquet surprise espérant une surprise sucrée. Raté. Je me retrouve avec une barre de poissons. Ce n’est pas du grillé comme celui qui est sur le gril et qu’entretient la patronne avec du charbon de bois.

Après ce petit reconstituant, je reprends ma route. Par contre, après être sorti de la ville, la route devient beaucoup moins belle. De temps en temps, de grandes plaques de bitume sont parties. Je redouble de prudence.

Au moment où je m’arrête, je vois un de ces engins bizarres, déjà aperçus depuis quelques jours, sortir d’un chemin. Celui-ci est particulièrement chargé. Il s’agit d’un véhicule avec 2 plateformes et mu par un moteur de motoculteur posé derrière le conducteur.

J’entre dans le village de Muangphiang alors que ma destination prévue est Phiang distant de 8 kms. Mais, comme 13h00 approche, je préfère m’arrêter déjeuner maintenant. La grosse fatigue, le copieux repas, la fraiche Beerlao m’incitent à ne pas repartir alors que la chaleur est de retour. Je trouve un Guesthouse en retrait de la route et m’y pose. Je peux enfin piquer un gros roupillon. Je ne me réveille que vers 15h00. Je reste au frais pour rédiger ces lignes. Vers 16h30, je pars faire le tour du village à la recherche d’un café ou équivalent où me poser. Je ne trouve hélas pas. Par contre, je tombe sur la poste de l’époque coloniale.

Vers 18h30, après une longue conversation téléphonique avec ma puce, je sors pour diner. Juste derrière mon Guesthouse, une autre maison d’hôte diffuse de la musique à donf’ et des odeurs alléchantes de grillades. Je m’y dirige. Je suis accueilli chaleureusement par un laotien … vivant aux US. En anglais, il me propose de m’installer à sa table et me commande à dîner des grillades de canard. Il se nomme Dillon, retraité, 65 ans, vivant à Rochester dans le Minnesota. Il s’est installé là-bas dans les années 80. Il est veuf avec 3 grands enfants vivant aux States. Il est en compagnie de ses ami.es du village qui m’invitent à goûter le Wood Medecine, une eau-de-vie locale macérant dans du bois. Je partage mon diner et quelques bières avec eux. J’immortalise cette belle soirée avec mon iPhone. Est-ce moi qui ai trop bu ou les vapeurs d’alcool qui ont à nouveau perturbé mon téléphone, mais les photos sont à nouveau foirées ! Tant pis. J’en insère quand même une en souvenir de cette belle soirée festive.

J’essaierais d’en récupérer une par ses ami.es. Il est bientôt 20h00. Il me faut regagner ma chambre. Heureusement que je suis à pied et pas trop loin. Fin de cette petite étape de 70 bornes mais avec 1.000 mètres de D+ quand même.