J178 – vendredi 26 mai – Muangphiang / Souvannaphoum

Comme hier, c’est l’orage qui me réveille. Il est 4h00 du mat’. Il tombe des hallebardes. C’est impressionnant. J’imagine cet orage en montagne sous une cabane en osier. Ce doit être l’enfer. Déjà que je me suis endormi tard après avoir regardé l’étape montagnarde du GiroThibaut nous a encore fait du Pinot : du panache mais pas de victoire. J’adore ce coureur. D’ailleurs, j’avais été le voir passer avec l’ami Riri dans la Hourquette d’Ancisans alors qu’il jouait la gagne lors du TdF 2019. Pour l’occasion, j’avais confectionné une affiche « Pinot, simple champion ». Mais il était à la bagarre pour le podium et ne l’avait pas vu. Par contre, son coéquipier David Gaudu l’avait vu plus tard après avoir rempli son boulot d’équipier de l’époque. En passant, il m’avait adressé un petit signe pouce levé. T. Pinot avait dû abandonner à la 19é étape à cause d’une liaison musculaire dont personne n’a pu lui expliquer la cause. Sa carrière a été jalonnée d’exploits retentissants et d’échecs pour la gagne. A force de ne pas vouloir être connu et reconnu, sa tête devait dire à son corps de lâcher à un moment ou à un autre. Quant à moi, « Dureau, simple cyclotouriste », il me faut reprendre la route. J’attends que l’orage passe avant de quitter ce GuestHouse.

Il est un peu plus de 6h00. Après avoir déjeuné de mes restes d’hier soir – un mélange délicieux mais hélas froid de riz, canard et mangue -, je quitte la maison bleue. La cour est détrempée. Je me demande dans quel état va être la route. Je ne tarde pas à le savoir. C’est pour le moins gadouilleux ! Elle est recouverte de boue. Haka2, qui était tout beau, tout propre, va encore prendre cher. La prochaine grande ville Paklay est à 121kms mais je m’arrêterais avant si je trouve un hébergement.

Les rizières, ainsi que les autres plantations, apprécient. Elles sont gorgées d’eau.

Par contre, pour travailler la terre, c’est une autre histoire. Il faut aimer la gadoue et être sacrément costaud.

Ce ne sont pas forcément les qualités requises pour ces moines effectuant leur quête quotidienne. De plus, ils n’ont pas de problème avec la boue dans leur godasse. De mon côté, j’ai les sandalettes qui sont déjà bien dégueulasses.

Pour en revenir aux rizières, je passe devant des carrés d’herbes bien vertes. Je pense que ce sont ces jeunes pousses qui vont être plantées dans les rizières. Mais toujours personne pour me confirmer mes questionnements métaphysiques.

Depuis mon départ, je roule dans la vallée. A part les trous, la boue, les ornières à éviter, j’avance à bonne allure. Le ciel est toujours couvert et la température est encore clémente. Je m’arrête juste photographier ce fameux engin rudimentaire avec ces 2 plateaux avant et arrière. Je vais en voir à nouveau toute la journée. Apparemment, c’est hyper robuste et ça passe partout.

Après avoir parcouru une trentaine de kilomètres et passé la ville de Nampouy, la vallée se ferme. Je dois à nouveau grimper un col et prendre un centaine de mètres de dénivelé dans les guiboles. Vers 8h30, je m’arrête boire mon café en cannette dans le village montagnard de Khounphon. Je retrouve ces fameux gâteaux, de provenance thaïlandaise, que j’avais dévoré il y a 2 jours dans la pampa.

Alors que je suis posé sur ma petite table en céramique devant la boutique, je regarde passer les gamins toujours aussi surpris de voir un farang en ces contrées perdues.

Après cette petite pause toujours bienvenue, je repars. La route a séché. Pourtant, le soleil essaie toujours de percer les nuages. Ne perce pas trop vite; moi, ça me va très bien comme cela. Je quitte ce village perdu dans ce massif montagneux.

Alors que je continue à grimper et que la route s’élève à plus de 8%, j’aperçois dans la pente une mamie en train de se confectionner un bâton de marche. Elle a l’air aussi surprise que moi de cette improbable rencontre. Je vole cet instantané. Pardon mamie.

Je poursuis mon ascension alors que les nuages finissent hélas par disparaître. Cependant, les paysages sont toujours aussi beau avec ces cultures et cette végétation luxuriante qui forment une belle mosaïque de couleurs.

Vers 9h30, j’amorce la descente. Les nuages et le ciel gris refont leur apparition sur les sommets au loin. La route, elle, ne change pas. Elle est toujours pourrie. Je redouble d’attention en descente. Avec la vitesse, si je prends une ornière, c’est la gamelle assurée.

Après cette longue descente, je bascule dans une autre vallée. En milieu de matinée, je m’arrête dans le village de Na-Oum. C’est l’heure de ma seconde pause matinale. J’ai besoin de refaire le plein d’eau. Je rachète aussi un sachet de petites mangues jaunes à une des commerçantes de ce marché couvert. Elles vendent uniquement des pousses de bambou, du manioc, des mangues et des ananas. Toutes ces denrées sont forcément cultivées dans le coin. Ici, il n’y a pas de MIN (Marché d’Intérêt National).

Hier, j’en avais acheté un paquet de 5. La commerçante m’en avait offert 3. C’est assez rare pour le souligner. A défaut de jus de canne ou de noix de coco, je bois un soda sucré. Après cette petite collation, je retrouve ma route qui longe dorénavant la rivière boueuse Nam Phoun. Le long de cette rivière, j’aperçois une aire et un bâtiment pour y louer des kayaks. Vu la couleur de l’eau, cela ne donne quand même pas trop envie.

Le profil de la route est plutôt descendant mais il y a toujours quelques raidards à grimper. Je suis proche du but. Il doit me rester encore une vingtaine de bornes. Mais le soleil a refait son apparition. Cela tape à nouveau. Je roule avec ma veste ouverte pour me faire un peu d’air. Cette dernière heure est toujours la plus pénible. Fatigue, lassitude, chaleur s’installent. J’ai branché U2 pour essayer de me refiler la patate. Mais cela ne suffit pas. Vers 12h30, je parviens enfin au but de cette étape. Je trouve un restaurant, avec quelques tables déjà occupées, où déjeuner. Dans la pièce derrière, la petite dernière de la maison dort à poings fermés. Bientôt, ce sera mon tour.

Quant au repas, c’est toujours le même dilemme. Je demande du riz et je choisis un plat sur une photo du panneau devant le restau. Ce sera surprise sur prise. La fille de la patronne m’apporte les plats. C’est encore gargantuesque. Je goûte à ce plat inconnu. Ce sont des petits morceaux de viande qui baignent dans une sauce persillée, aillée et forcément épicée. C’est fort bon accompagné du riz gluant et d’une petite BeerLao. Vu la consistance, je me demande si ce ne sont pas des escargots. J’aimerais bien en avoir le ventre net. Je sors mon traducteur. La jeune fille me le confirme.

Je repars, avec mon pochon rempli des restes, à la recherche d’un hébergement. En arrivant, j’en ai repéré un près de la rivière. J’y retourne. Il n’y a personne. Je descends au bord de la rivière où une gargote et des plateformes ont été installées. La patronne appelle un numéro et me dit de retourner là-haut. Quelques minutes plus tard, le gérant arrive. Les chambres ne sont pas tip-top mais ça ira. Il me branche même un répartiteur de wifi dans la chambre. Par contre, je m’aperçois après son départ qu’il n’y a pas de tuyau de douche. Décidément, il manque toujours un truc. Je ferais sans. Après avoir fait une grosse lessive, vu l’état de mes fringues, il est l’heure de siester. Ensuite c’est au tour de Haka2 de passer sous la douche au sens littéral du terme.

En fin d’après-midi, je descends près de la rivière pour y rédiger ces lignes. Malgré que je sois assis à l’ombre et au bord de l’eau, je transpire à grosses gouttes.

J’attends que le soleil se couche avant de remonter dans ma chambre et y dîner des restes de ce midi. Fin de cette nouvelle belle étape de 99 kms et encore 1.000 mètres de D+ et, ce, malgré l’état déplorable de la route. Demain, je vais retrouver le Mékong.

Laisser un commentaire