J180 – dimanche 28 mai – Xanakham / Sakai

Ce matin, ni coq, ni cochon, ni orage, ni bruit, ni fureur, ni foutre, ni branle. Je fais grasse mat’ jusqu’à 6h00. J’ai dormi comme un bébé. Je me prépare, bois un café sucré au lait en sachet, salue et félicite le gérant pour la qualité et la propreté de son GuestHouse. Celui-ci se classe aussi dans mon Top 5 comme T. Pinot au Giro (à moins qu’il ne s’éclate la tronche sur la dernière étape … il en serait bien capable le bougre !). A 6h30, je reprends la route.

A peine sorti de ce village à la route bitumée qui mène à Kenthao à l’extrême sud-ouest du Laos, je tombe sur une piste en latérite. Cela commence fort. De plus, le ciel est bas et le taux d’humidité doit être à +80%. A défaut de suivre le Mékong tout proche, je vais contourner le massif que l’on aperçoit au fond à droite.

Pour le moment, je roule ventre vide sur cette belle piste. En effet, je suis parti sans déjeuner ce matin. Les rares gargotes ouvertes ne proposaient que de la soupe. J’en ai soupé de la soupe. J’ai envie d’un bon bol de céréales croustillantes au chocolat accompagné d’un yaourt et de tartines de bon pain beurrées-salées au miel et à la confiture. La piste, elle, se transforme rapidement en un chemin empierré beaucoup moins carrossable. La signalisation n’est pas non plus terrible. Même ces 2 chiens errants semblent chercher leur chemin. Je continue sur la gauche.

Après quelques beaux rampaillous, je redescends vers le Mékong sauvage et majestueux qui se perd dans la brume matinale. Hier, j’ai regardé mon problème de dérailleur arrière. C’est bien le câble dans la gaine partant du cintre qui est grippé. J’ai versé quelques gouttes d’huile à l’intérieur. Cela me permet, pour l’instant, de passer sur les pignons du haut pour grimper ces tape-culs à +8% sur ce mauvais terrain.

Depuis ce matin, je n’ai encore vu personne sur cette piste. Après 40 minutes à nouveau « Into the wild », je passe devant un scooter arrêté en bordure de piste. Plus haut, dans la pente, des paysans font cramer une parcelle de forêt. Je crains que, dans quelques années, cette déforestation intensive n’entraîne de graves problèmes pour ce pays déjà bien pauvre.

Je continue mon petit bonhomme de chemin en suivant le fleuve. Je suis surpris par le niveau très bas et tous ces rochers apparents. C’est la première fois, alors que je l’ai suivi à de nombreuses reprises notamment lors de ma remontée du Laos du sud au nord, que je le vois si bas. Des barques effilées (ici, au centre et à gauche de la photo), manoeuvrées par de solitaires pêcheurs au filet, serpentent entre ces cailloux à fleur d’eau.

Ce chemin se poursuit à travers une végétation toujours aussi luxuriante lorsque l’Homme ne la détruit pas. Seuls les chants d’oiseaux m’accompagnent. Par contre, la faune est invisible voire inexistante. Je n’ai jamais croisé d’animaux sauvages dans ces contrées reculées. Est-ce la présence de l’Homme ? Est-ce la déforestation ? Est-ce la chasse intensive ? Peut-être est-ce le tout combiné. Mais c’est terrible. Dans mes autres périples ou randonnées, j’ai toujours aperçu des animaux sauvages : écureuils, renards, sangliers, chevreuils, biches, cerfs, … Même un loup lors de ma Grande Traversée du Jura (GTJ) à raquettes avec Coco. Là, rien.

Peu avant 8h00, après 1h30 de route, j’entre dans le premier village. Je dois être au niveau du village de Nonsavan où j’ai bifurqué hier au vu du chantier en cours pour couper à travers le massif et éviter de faire ce détour d’une trentaine de bornes.

Je me pose dans la seule gargote du coin. Au p’tit déj’, ce sera donc café au lait sucré en cannette (pas de Nescafé noir) accompagné de quelques biscuits pour le plaisir et de 2 galettes de riz soufflés pour la faim. Je m’installe sur la plateforme de gauche. Celle de droite est réservée aux américains … et aux jeunes laotiens.

Alors que je déjeune tranquillement, j’entends un bruit de gros moteur en approche. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Non ! Je n’y crois pas. Un méga poids-lourd laotien à double-essieux de 4 et 6 roues, traverse le village. Hallucinant !!! ll doit forcément emprunter la piste qui traverse le massif. Il ne peut pas passer d’où je viens.

Ces chauffeurs sont quand même des as. Passer dans ces endroits avec de tels engins est tout simplement incroyable. Haka2 est quand beaucoup même plus manœuvrable. Après avoir branché ma zique sur Francis Cabrel résidant d’Astaffort dans le Lot-et-Garonne, je reprends ma piste. En cette matinée brumeuse, je trouve que ses chansons poétiques et mélancoliques sur l’Amour, encore et toujours se marient bien à l’atmosphère. D’ailleurs, nouvelle coïncidence étrange, je traverse cette zone pour le moins marécageuse et dangereuse alors que Cabrel entame sa chanson le Loir-et-Cher. (« On dirait qu’ça t’gêne de marcher dans la boue. On dirait qu’ça t’gêne de dîner avec nous »).

C’est clair que là, ça me gênerait vraiment de marcher, voire de rouler, dans la boue. Déjà que je suis bien maculé. Pour l’anecdote, j’ai également passé quelques dimanches dans le Loir-et-Cher où habitait mon pote Pierre-Gilles (dont je vous ai parlé dernièrement au sujet des Troiq Quilles de Quillan dans l’Aude). Son père et son frère ainé étaient charpentiers dans le village de Morée proche de Vendôme. J’y allais passer des week-ends. C’était l’époque des bals du samedi soir où cela se finissait souvent en bagarre entre les bandes des différents villages. Tout cela parce qu’un gars d’un des villages avait osé draguer la nana d’un autre village. Le dimanche après-midi, après une courte nuit, il y avait match de foot. Gillou, petit et fin technicien, jouait n°10 dans son équipe de niveau régional. Et là aussi, cela dégénérait quelquefois quand les vieux costauds d’en face osaient toucher au p’tit jeune. A l’époque, nous étions lycéen au Lycée Paul-Louis Courier de Tours et préparions notre bac informatique (bac H). Gillou y était pensionnaire. Je ferme la parenthèse et reviens sur mes routes laotiennes alors que je retrouve le bitume. J’arrive de la piste qui vient sur la gauche alors que la route fermée doit être ce nouvel axe traversant le massif.

Il est 9h30. Cela fait 3 heures que je suis parti. Le plafond est toujours aussi bas. Quelques gouttes commencent à tomber. J’emprunte ce long ruban noir récent qui serpente le long du fleuve marron sous un ciel désespérément gris. Au moins, je ne souffre pas de la chaleur.

Le Mékong, comme le plafong cong, est toujours aussi bas. Les rochers toujours affleurants. La Thaïlande toujours aussi proche.

La circulation, elle, est toujours aussi calme en ce dimanche matin. Pourtant, ici, tout le monde bosse. Même si les niveaux de vie sont aussi criants que dans tous les pays. Comparé à ma GuestHouse de ce matin et à certaines belle demeures en dur, de biens pauvres masures rappellent la difficulté de certains à survivre. Pour assombrir un peu plus le tableau, la pluie s’est invitée. Je sors mon ciré jaune.

Il est un peu plus de 10h. Je me pose dans une nouvelle gargote pour refaire le plein. J’achète à nouveau une cannette de café, une bouteille d’eau et quelques gâteaux. Aucun fruit n’est à vendre. Dommage. Je m’installe à l’abri à côté d’une petite famille dont la patronne casse la croûte. Comme partout ici, installés sur leur plateforme à l’abri du soleil et de la pluie, ils attendent que le temps s’écoule …

Après cette pause familiale où j’ai tenté de leur expliquer ce que je faisais en cet endroit perdu sous la pluie, je reprends mes pérégrinations le long du Mékong. Je suis à 42 kms du prochain hébergement repéré sur mes cartes. Encore un marathon à rouler. Si tout va bien, je devrais arriver sur zone vers midi.

Alors que la pluie continue de tomber, je sors du village de Khok Hea. Un bel établissement, que je n’avais pas vu sur ma carte, est dressé sur la gauche de la route. Je m’y arrête. Je suis reçu par une jeune fille alors que sa mère lui donne des instructions en lui hurlant dessus au loin. Elle m’amène visiter une chambre. C’est effectivement très bien mais le prix demandé me dissuade de m’arrêter. En fait, c’est un Resort à 240.000KIP la nuit soit 2 fois plus chers que les GuestHouse. La mère, qui étend son ligne, continue de hurler après sa progéniture. Je pense que c’est une chinoise ! Je reprends ma route en plaignant cette gamine. Vers midi, comme prévu, j’entre dans Sakai, nouvelle bourgade sans charme le long du Mékong … si ce n’est le Mékong évidemment !

Le premier Guesthouse visité ne me donne vraiment pas envie de m’installer tellement c’est sale et moche. Le second, à la sortie de la bourgade, sera le bon malgré qu’il n’y ait pas la wifi De toute façon, je n’ai pas le choix. Je m’installe après avoir changé de chambre vu que, dans la première, il n’y avait pas de tuyau de douche. Dans la nouvelle, il n’y a pas de clé. Je me douche puis vais déjeuner dans la première gargote trouvée. Je commande la même chose que ce que la vieille patronne mange. Puis c’est l’heure de la sieste. En fin d’après-midi, je pars me balader dans ce village sans wifi. Les pêcheurs rentrent avec un seau de petit poissons blancs.

De toute façon, ils n’ont pas le droit de pêcher à l’explosif, à la décharge électrique, au produit toxique, au harpon !

En remontant dans le village, je trouve un magasin d’informatique où je peux choper la wifi. J’en profite pour publier cet article avant d’aller dîner et retourner dans ma chambre.

Demain, je serais à Vientiane la capitale laotienne où j’ai prévu de me poser un peu avant de retourner en Thaïlande.

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