Dommage que ce GuestHouse se trouve en bordure de route. Sinon, c’eût été parfait. Je me réveille vers 5h du mat’. Lorsque je m’apprête à reprendre la route, j’ai la surprise de découvrir quelques gâteaux et des sachets de café à disposition devant ma porte. Je m’installe à une table devant le Mékong et le lever de soleil. Petit-déjeuner royal.

Quant à ma chambre, elle était simple mais tout était parfait : un frigo, un lit confortable, une déco sobre mais efficace et une salle de bain enfin fonctionnelle et parfaite (un chiotte avec tuyau lave-cul, un évier avec miroir au-dessus, une tablette pour poser ses affaires, un tuyau de douche qui fonctionne, une déco simple mais raccord). Je vais écrire au Ministère du Tourisme laotien pour qu’ils prennent exemple sur ce modèle.

Après ces considérations qui peuvent paraître futiles mais tellement importantes après une grosse matinée à pédaler dans la poussière et sous le cagnard, je salue le vieux couple propriétaire de ce charmant endroit. Je laisse une larme dans le Mékong que je ne reverrai plus. Je prends la direction du sud. Il est 5h45. Le ciel est dégagé. La chaleur est déjà présente.

Par contre, j’ai toujours ces douleurs apparues à Vientiane après ma longue matinée de marche. Je dois avoir les périostes (membrane devant le tibia) légèrement enflammés d’avoir trop marché avec mes sandalettes qui n’amortissent plus rien. Pour pédaler ça va mais, en marchant, ça me lance un peu. Cela devrait se calmer. J’emprunte un réseau de petites routes à travers la campagne thaï. Le contraste est vraiment saisissant avec le Laos. J’ai l’impression d’avoir fait un bond de 50 ans en avant. Les routes, les maisons, les champs, les villages … Tout semble plus « moderne ».

Même le Bouddha thaï converse directement avec Surya.

Quant à moi, je converse avec moi-même. Vers 8h00, je m’arrête dans un village pour y acheter un sachet de riz et 2 brochettes de poulet. Les 2 gâteaux de ce matin sont déjà loin. Il me faut manger. D’autant plus que la matinée va être longue. En effet, le paysage est redevenu bien monotone avec ces rizières à perte de vue attendant un peu d’eau, ces champs de maniocs et cette platitude retrouvée.

Les kilomètres ne défilent pas bien vite. J’ai perdu la motivation. A part le fait de rejoindre Bangkok, je n’ai plus trop d’objectifs à atteindre ou de lieux à visiter. Je crains que ces derniers jours ne soient bien longs. D’autant plus que la chaleur est déjà présente alors qu’il est à peine 9h00. Je poursuis ma route jusqu’au village de Na Dan où je retrouve avec plaisir mes kiosques à café. Je me commande un café américano froid. J’en profite pour discuter en anglais avec une des 2 jeunes filles qui tiennent ce kiosque … et un magasin d’outillage.

Mais il me faut poursuivre ma route jusqu’à la prochaine grande ville. Je suis en pleine cambrousse. Il n’y a ni hôtel, ni GuestHouse, ni Season dans les parages. Même si je voulais m’arrêter plus tôt, je serais bien emmerdé. Je dois donc rejoindre Nong Bua Lum Phu. Je n’ai qu’à suivre les panneaux. Il me reste encore 35 bornes à faire. Il est 10h15. Je devrais y être vers midi.

Je suis en nage et couvert de poussière après avoir traversé une zone de travaux. Heureusement, à part une colline à grimper, le profil est relativement plat … à part justement quelques faux-plats. Haka2 fait le job malgré sa câblerie qui mériterait d’être changée. Vers 11h20, je passe sous ces fameuses arches à la gloire de la royauté thaïlandaise. Le roi est toujours aussi coincé du cul. Quant à la reine, elle a gardé son joli sourire. J’espère que son mari est un peu plus risou à la maison. Sinon elle doit se faire chier comme un rat mort la pauvre.

Juste sur la gauche de cette arche se tient la prison de la ville. Quelques commerçants y ont élu domicile. Drôle d’endroit quand même pour y faire du business. Il me reste 15 kms à faire pour arriver dans la zone hôtelière repérée sur mes cartes. Étrangement, je repense à cette course des 15kms de Bergerac à l’époque où je vivais là-bas. Allez je me fais un petit délire. Je vous raconte ma 3è édition alors que je n’avais ni passé la trentaine, ni franchi la barre symbolique de l’heure. Si cela ne vous intéresse pas, je vous conseille de passer directement au paragraphe suivant.

Cette course partait devant le stade Gaston Simounet, stade de rugby de Bergerac. A cette époque où le rugby était encore amateur, l’équipe navigait entre la 1ère et la 2nde division. Je bossais à l’informatique de la CRCAM de la Dordogne avec son demi de mêlée Michel LACOSTE. Il doublait son salaire avec ses primes de match. Mais, surtout, il ne fallait pas le dire. Donc, en ce dimanche matin du mois de mai, je suis sur la ligne de départ avec quelques 300 autres coureurs et marcheurs. Le parcours est simple : on part du stade, on monte au château de Monbazillac, on traverse le village et on revient au stade. Le départ est donné à 10h00. Comme d’habitude, cela part très vite. Je ne me laisse pas embarqué par les fous furieux. Je dois tourner à 15 km/h soit 4’ au km. Après la ligne droite devant le stade, le peloton bifurque à gauche pour emprunter le bld Michelet avant de traverser le pont qui enjambe la Dordogne. Puis, après avoir passé ce pont légèrement bombé, je tourne à gauche pour emprunter la longue ligne droite qui mène à ce village réputé pour son vin liquoreux. Au bout de 5 kms, il faut négocier une petite bosse. Je suis dans le rythme. J’ai rattrapé les téméraires partis trop vite. Je passe devant le lycée agricole. La fameuse côte, ce juge de paix, se rapproche. Au 6è km, la route s’élève. Elle fait une borne mais avec un sacré dénivelé. Elle serpente, comme dans un col montagnard, à travers les vignes. Je raccourcis la foulée et tire sur les bras. Le cardio grimpe également. Je l’ai déjà monté à plusieurs reprises et connais tous les virages. Je ne me mets pas dans le rouge. Le dernier virage est une épingle qui part à droite avant de revenir à gauche pour arriver sur le faux-plat qui mène au château. Je tourne à angle droit pour arriver au pied de ce très beau château moyenâgeux, négocie les pavés de la cour avec son puit sur ma droite, puis traverse le bosquet et arrive dans le village. Le ravito est installé sur la place. Je ne prends qu’un verre d’eau à la volée. Les secondes sont trop précieuses. On m’annonce dans les 20. Je suis juste dans mes temps de passage. J’amorce la descente. Je me tiens à gauche de la route alors que le gros du peloton arrive. J’entends les encouragements des collègues.Le temps perdu en montée devrait être récupéré. Par contre, ça tape fort sur les cuissous. Arrivé en bas de la descente, il me reste 6 bornes. Surtout ne pas lâcher le morceau. Je retrouve mon rythme à 15km/h. Je jette un coup d’œil à ma montre en passant au dixième kil. Je suis juste en 40 minutes. Cela va être chaud patate. Je double quelques coureurs qui n’arrivent plus à maintenir le rythme. C’est bon pour le moral. Je passe devant la maison de Sylvie et Georges qui m’encouragent fort. Cela me redonne un coup de boost. Je repasse sur le pont. Autant à l’aller, c’est passé. Autant au retour, le léger faux-plat fait mal aux guiboles. Plus que 2 bornes. Je ne lâche rien. J’entends le micro qui annonce les premiers arrivants. Le cardio est au taquet. Plus qu’une borne. Les jambes couinent. Quelques spectateurs m’encouragent. Le stade se rapproche. Plus que 500 mètres. J’arrive à l’entrée du stade. Je vire à droite pour entrer sur la piste d’athlétisme. Je donne tout ce qui me reste. L’arrivée est jugée devant les tribunes. Les spectateurs massés dans cette tribune me gueulent dessus alors que le chronomètre égrène les secondes. Je sprinte. Bernard Faure, ancien consultant de France TV, ancien champion de France de marathon, entraîneur à l’époque de l’athlé et du rugby est au chrono. Il me gueule aussi dessus. Je passe la ligne d’arrivée. « Il était temps … » me dit-il en rigolant. 59’55. 14é au scratch. « I dit it ». Ce fût la dernière édition avant qu’une rocade ne vienne couper la route de Monbazillac. Et cela reste, plus de trente ans après, un de mes bons souvenirs des très nombreuses épreuves courues après celle-ci.

Retour au présent. Comme prévu, j’arrive en ville à midi. Une nouvelle fois, c’est très moche. Un grand boulevard à 2* voies traversent la rue principale où de nombreux magasins, commerces, entrepôts, concessionnaires, restaurants ont pignon sur rue. Mais je ne repère aucun hôtel. Je dois sortir de la ville pour les trouver. Le premier est un ensemble de 5 bungalows chicos. Personne. Le second est un Resort aux chambres à 800THB minimum beaucoup trop chères pour mon budget. Le troisième est parfait. 400THB (11€) la chambre avec tout le confort. Je me pose enfin. Après avoir pris ma douche, je dois reprendre le vélo pour trouver un endroit où déjeuner dans la zone industrielle. Mais une commerçante ambulante à scooter, certainement prévenue par la réceptionniste, fait le pied de grue devant l’hôtel. Je lui prends un sachet de riz et des morceaux de poulet comme ce matin. Cela m’évitera de repartir sous cette chaleur accablante. De plus, le café est en distribution libre. Cela me va très bien. Je reste au frais tout l’après-midi. De toute façon, il n’y a rien à voir dans les parages. Ce soir, ce sera « Retour à 7-Eleven » pour un dîner « cheat-meal ». Le ciel s’est méchamment assombri. L’orage gronde.

Demain, je vais essayer de me remotiver en me baladant dans les parcs nationaux qui vont jalonner ma descente vers Bangkok.