J186 – samedi 3 juin – Ban Khok Muang / Ban Phu Kradueng

Ni orage cette nuit. Ni coq, ni con, ni cor ce matin. A 5h40, j’émerge. A 5h45, je suis sur la sellette (« Mais qu’est-ce tu fous mec ce matin ? »). A 5h50, je suis à la selle (« C’est bon mec. Y’a pas le feu aux chiottes ! »). A 6h00, je suis sur ma selle (« Allez zou mec ! Faut profiter de la fraîcheur matinale … »). A 6h05, je me remets en selle (« T’inquète mec ! Tu gères à la perfection. Ça va le faire … »). Puis je quitte mes bungalows colorés.

Vous rigolez ? Mais c’est vraiment comme cela que ça se passe dans cette fausse vie de baroudeur à vélo. C’est une conversation permanente entre moi et moi. D’ailleurs, en tournant à gauche, je me retrouve dos au soleil levant. Normal, je pars plein ouest. Je me dis à moi-même : « Retourne-toi mec et prend-moi ce putain de beau lever de soleil avant qu’il ne soit trop tard ». Et je me réponds alors : « OK, tu as raison mec. Si je commence à rouler, je vais arriver au village et ce sera trop tard. ». Donc je m’arrête en accord avec moi-même. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Je traverse mon village sans trouver de quoi me nourrir. Je continue sur cette route n°3003 jusqu’au village suivant de Bang Sang Sian. A l’angle d’un grand réservoir d’eau sur ma gauche, deux daronnes tiennent un stand ambulant. Je m’y arrête. Ce sera à nouveau riz/brochettes de poulet en guise de p’tit déj’. Je ne m’en lasse pas. D’autant plus que c’est servi avec le sourire.

Je vais me poser un peu plus loin dans un des bungalows qui donnent sur ce plan d’eau. Je me régale de la vue (même si c’est un lac artificiel) et du déjeuner (même si je mange avec les mains).

Je reprends ensuite mes petites routes de morne campagne : des rizières et des champs de manioc à perte de vue. Au fond sur ma gauche, j’aperçois les contreforts du Phu Wiang National Park. C’est dans ce parc national qu’ont été retrouvés de nombreux ossements de dinosaures. Un musée y a d’ailleurs été construit. J’ai longuement hésité entre ces 2 parcs situés à l’opposé de ma route. J’ai finalement choisi celui vers lequel je me dirige : le Phu Kradueng National Park et son sommet qui culmine à 1316 mètres. La plaine dans laquelle je roule est à 250 mètres d’altitude.

Je trace ma route tout en traçant mon sillon. Métaphore agricole de bon aloi dans ce décor. Après 2 heures de route, je dégote un kiosque à café qui m’a l’air bien sympatoche. Je m’y arrête pour prendre ma dose matinale et converser avec la jeune femme qui le tient. Cela fait partie de mes petits plaisirs. Dans tous les pays déjà traversés, ici en Asie ou ailleurs en Europe, j’adore cette pause. Déjà cela me fait un objectif. Et de plus cela me permet d’échanger avec les autochtones. Le café a un rôle social qui se perd, hélas, en France. Dans nos belles campagnes, nombre de ces cafés ruraux ont disparu. Les locaux restent cloîtrés chez eux. Les GJ ont d’ailleurs connu ce bel engouement de par ce lien social qui s’est à nouveau recréé.

Fin du cours de sociologie à 2 balles. Je reprends mon vélo et repars sur mes chemins de traverse. De temps en temps, un arbre remarquable attire mon attention. J’adore les arbres. A ce sujet, j’ai lu l’article sur un Libé de cette semaine qui traite de ce sujet. Les scientifiques alertent également sur le fait que nos forêts ont de moins en moins ce pouvoir d’aspirateur à CO2. Au contraire, de par les incendies de plus en plus nombreux et catastrophiques, de par les coupes de plus en plus importantes pour répondre à la forte demande, de par le vieillissement de nos forêts, le processus est en train de s’inverser. Les forêts émettent plus qu’elles ne retiennent de CO2. En Asie, en Amérique du Sud, en Afrique, le phénomène est encore plus catastrophique. Je le vois ici au quotidien. « Préservons nos forêts et nos arbres ! ». N’est-ce pas M. les politiques et M. Joseph Carles à Blagnac.

J’approche du parc national. La route devient plus vallonnée. Au loin, j’aperçois les premiers contreforts de ce grand parc national.

En ce samedi matin, je passe devant un marché avant d’arriver dans le village de Ban Huai Som Tai. Forcément, comme chaque samedi matin, je pense à mes ami.es de l’Arche. Ce matin, c’est la belle et douce Carmina qui tient le stand du marché de Blagnac. Je fais le tour de ce petit marché local et j’y achète quelques fruits et une grosse boulette de riz frit. Pendant que les adultes bossent, ce gamin ne lâche pas le guidon du side-car familial. Il s’imagine peut-être être sur un circuit.

Par contre, j’ai beau essayer d’attirer son attention. Rien n’y fait. Il reste perdu dans et derrière sa bulle. Je le laisse à ses pensées (et à ses saucisses) et repars.

Je ne suis plus qu’à 6 bornes de l’entrée du parc. Je vais arriver dans la ville de Phu Kradueng. Il est un peu plus de 10 heures. J’ai bien roulé. Il faut dire aussi que la plupart des routes empruntées ce matin ont été refaites. Le bitume est parfait. La circulation est tranquille. Le dénivelé est léger. Le Haka2 est en forme. Tout concorde pour que ça envoie du lourd.

Lorsque j’arrive en ville, le parc est visible depuis ce long boulevard. Le ciel est encore bleu bien que des nuages commencent à s’amonceler sur les sommets. Comme il n’est pas très tard, je décide de me rendre à l’entrée du parc pour y prendre des infos. Je n’ai prévu d’y grimper, comme la température, que demain. Je préfère me reposer et le faire à la fraîche.

Je quitte donc la ville pour me diriger à l’entrée du parc distant d’à peine 5 kms. Je suis accueilli par deux gardes-forestières. L’entrée est à 200THB. Mais j’essaie de leur expliquer que je viens juste repérer les horaires et le site. L’une d’elles me montre le calendrier et me fais signe que demain, c’est non ! « Comment cela, demain, c’est non ? »

Je leur demande si je peux quand même grimper à vélo et revenir. Elles acquiescent. Je dépose alors mes sacoches et franchis la barrière sans payer. Je verrais bien. Après avoir grimpé à peine 500 mètres, j’arrive alors sur un grand parking pratiquement vide. De nombreux bâtiments avec toilettes, douches, commerces se trouvent au-delà de ce parking et d’un nouveau garde-barrière. Celui-ci m’interdit d’entrer avec mon vélo. Je le dépose devant sa guérite et continue à pied. Je vais m’acheter une bouteille d’eau en prévision de la grimpette. Si je ne peux pas grimper à vélo, je vais donc y aller en marchant. Je suis les panneaux qui m’indiquent le départ du chemin. J’arrive devant un nouveau poste. Décidément, c’est Fort Alamo ici ! Le garde-forestier me dit que c’est interdit de passer avant de me montrer la pancarte en anglais.

Effectivement, je comprends mieux. Le sentier est fermé depuis le 1er juin (et non pas le 4 comme me l’ont dit les femmes à l’entrée) jusqu’au 30 septembre en raison de la saison des pluies. Dommage ! Je n’ai plus qu’à rebrousser chemin et rentrer en ville. Lorsque j’y reviens peu avant midi, la joueuse de flûte se marre bien. D’autant plus que de gros nuages noirs s’amoncellent sur les sommets du parc.

Il me faut maintenant trouver un hébergement et retirer des pépètes. Mon porte-monnaie est presque vide. Il ne me reste que 500THB sur moi. Donc juste de quoi payer une nuitée et un repas. Heureusement, au pays des 7-Eleven, je suis pratiquement sûr de trouver un distributeur. Bingo !

Je retourne ensuite en face le lycée de cette ville où j’ai aperçu un Season et quelques cabanes en bois. La charmante gérante et son fils m’ouvrent les portes d’une de ces cabanes. C’est tout petit mais très fonctionnel et très propre. De plus, une bouilloire et des sachets de café sont à disposition. Je prends. Après une bonne douche, je retourne vers le centre. A une centaine de mètres de mon GuestHouse, je repère un magasin rose. Je m’y rends. En plus de faire coffee-bakery, la vieille patronne propose des plats. Parfait. Cela me change de mon riz-poulet ou de ma soupe.

Je ne suis pas le seul à me régaler. Sur la table devant moi, c’est la fête ! Je pense que les frangines fêtent l’anniversaire de la petite.

Après avoir terminé mon repas, je me dirige vers le comptoir pour payer. C’est le petit-fils qui me reçoit. Et là, je tombe sur un phénomène. Ce jeune homme se nomme Kevin (après avoir anglisé son prénom thaï Gwin). Il est âgé de 16 ans. Il parle très bien français et parfaitement anglais. Je reste un long moment à échanger avec lui. Il m’apprend qu’il a couru un marathon pour ses 15 ans et est devenu le plus jeune marathonien thaïlandais. Il a mis un peu moins de 6 heures mais en s’entraînant très peu vu qu’il privilégie ses études. Il est impressionnant de maturité ce jeune. Il m’apprend également qu’il aimerait bien partir vivre au Canada pour pouvoir pratiquer les 2 langues apprises. Je lui laisse mes coordonnées au cas où. Incroyable rencontre !

Je rentre ensuite siester dans ma petite cabane, non pas au Canada, mais en Thaïlande. Après un gros siestou et un réveil programmé, je m’installe confortablement pour rédiger ces lignes au frais. L’orage gronde. Vers 15h00, le déluge s’abat. Je comprends pourquoi ils ferment le parc.

L’orage s’éloigne. Vers 16h00, je retourne à pied dans la maison rose pour y déguster un délicieux gâteau maison au chocolat accompagné d’un non moins très bon café glacé. Par contre, avec l’humidité ambiante, la chaleur est étouffante. Mais que ces petits plaisirs gustatifs sont agréables. A ce sujet, j’ai compris depuis fort longtemps que la possession de biens et de matériels ne faisaient vraiment pas le bonheur. La vie n’est qu’une succession de petits bonheurs simples : rencontre, paysage, gastronomie, culture (livre, musique, art, …), … dont il faut profiter au quotidien. Ce que permet ce type de voyages.

Vers 18h00, je retourne en ville m’acheter de quoi dîner et m’en retourne au frais. Je me dépêche vu que l’orage menace à nouveau. Je rentre alors que le soleil se couche derrière ce parc national. Je ne l’aurais finalement pas parcouru. Dommage …

Fin de cette journée contrariée mais bien agréable tout de même.

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