Le compte à rebours a démarré. Ce matin, je suis à J-10 de mon départ d’Asie du Sud-Est. Comme lors de chaque périple, les derniers jours sont toujours aussi constrastés entre l’envie de continuer mes pérégrinations mais aussi l’impatience de rentrer, de retrouver mes ami.es, ma famille, ma vie casanière et de me poser enfin dans mon petit appart. En ce dimanche matin, je ne fais toujours pas la grasse mat’. Mais je traînasse un peu quand même. A 5h45, je quitte ma petite cabane. Au fond, celle du proprio est légèrement plus imposante.

Je retourne à nouveau en ville pour y déjeuner puis prendre la route du sud. Le soleil se lève et essaie de percer un ciel bien nuageux. La pancarte me souhaite « Bon voyage ». Jusqu’à présent, il l’a été. Pourvu qu’il le reste jusqu’à la fin.

Sur l’artère principale, quelques marchandes ambulantes sont déjà à pied d’œuvre. Je me rapproche de celle dont les grillades sont presque prêtes. Elle me fait quand même patienter pour que ma grillade soit parfaite. J’achète aussi mon pochon de riz et pars déjeuner sous la statue de la joueuse de flûte.

Je quitte ensuite la ville par l’axe principal désert à cette heure matinale. Je me dirige tout droit vers le Phu Pha Man National Park qui se dresse devant moi. Plutôt que de le contourner par son versant est, en passant donc sur la gauche de ce massif montagneux, je vais m’amuser à le traverser en passant par la droite.

Comme je l’ai déjà écrit, j’ai envie d’ajouter un peu de piment sur ces dernières étapes monotones. Au bout de cette grande avenue, je bifurque donc à droite. Je profite de ces quelques kilomètres pour faire tourner les jambes. En effet, vu mon tracé, je devrais attaquer une belle montée avant de partir dans la pampa. Je passe sous ce massif …

… et, comme prévu, j’attaque la montée par une charmante route bétonnée. Ça grimpe sec. Je suis tout à gauche dans des pentes à plus de 8%. Mais le paysage est de toute beauté, la végétation luxuriante. Au loin, j’aperçois sur ma droite les monts du Phu Kradueng National Park.

Alors que, sur ma gauche, ce sont ceux du Phu Pha Man National Park qui se dresse majestueusement dans le soleil levant. Quel pied ! Même si la montée est abrupte, je me régale de ce spectacle matinal. Je préfère en baver un peu plutôt que de rouler sur une route toute plate. D’ailleurs, c’est qui m’attend après … Par contre, ma petite route bétonnée fait rapidement place à une piste dès que la pente s’adoucit.

En quelques kilomètres, je grimpe jusqu’à 500 mètres d’altitude en étant parti de 200. Arrivé sur un plateau, je traverse un hameau non répertorié sur mes cartes. A nouveau, les autochtones me saluent en se demandant ce que je peux bien faire au milieu de nulle part. Évidemment, ils ne me disent rien mais je le perçois sur leur visage et au fait qu’ils s’interpellent lorsque je passe. En sortant de ce hameau, je m’arrête pour photographier cette jeune cycliste qui fait des va-et-vient devant sa maison. On s’occupe comme on peut. Et, elle au moins, n’est pas déjà le nez sur son téléphone portable.

Une fois arrivé sur le plateau, la piste gravillonée fait, cette fois, place à une piste en latérite. Heureusement qu’il n’a pas plu ce matin, sinon j’aurais eu droit à de la colle. A défaut, c’est de la poussière que je ramasse et des gamelles que j’évite de justesse alors que ma roue avant se dérobe parfois. Mais le spectacle dominical et matinal de Dame Nature vaut bien ces quelques désagréments. J’en prends à nouveau pleins les mirettes.

Après ces quelques champs cultivés sur un relief relativement plat, j’attaque maintenant la descente à travers une forêt luxuriante. De plus, malgré la chaleur humide déjà bien présente, je vagabonde à l’ombre de ces arbres centenaires. Les chants des oiseaux m’accompagnent.

Comme moi, ce sont des centaines de papillons bleus qui batifolent sur cette route. Ils sont posés à terre et, dès que j’arrive, ils prennent leur envol. C’est superbe. Je mets pied à terre pour les observer. Ils se regroupent à 4 ou 5 et ont l’air de discuter; à moins que ce ne soit des parades amoureuses. Je dois dire que je ne suis pas lépidoptériste. Mais j’apprécie aussi ce spectacle. Dans la vallée, ce sont des myriades de papillons jaunes qui, hélas, se font embarquer par les véhicules. Et aussi quelquefois, et j’en suis fort désolé, par les roues de mon vélo. Là, j’essaie d’en photographier mais, malgré de nombreuses tentatives, cela ne donne évidemment pas grand chose. J’en garde une quand même en souvenir de ces moments magiques.

Après cette superbe descente « Into the wild », je retourne à la civilisation. Je croise quelques scooters. Les cultures refont leur apparition. A ce sujet, la terre me semble bien riche. Tout a l’air de pousser de façon abondante. Vu la forme de ces parcs nationaux, je pense que ce sont d’anciens volcans et, comme chacun sait, la terre volcanique est particulièrement fertile du fait que les cendres qui se sont déposées contiennent des minéraux.

J’entre à présent dans le village de Ban Sam Phaknam. A l’entrée de cette petite bourgade, un portail immense annonce la présence d’un temple. Je m’y engage. Las ! Le temple est beaucoup moins impressionnant que son imposante porte.

J’emprunte maintenant de petites routes à travers la campagne avant de rejoindre des axes plus fréquentés. Après avoir traversé le village de Huai Muang sans avoir trouvé un café ouvert, je tombe sur un panneau qui m’indique justement un « Coffee ». Je le suis et arrive devant le réservoir éponyme. Une sorte de complexe touristique est construit le long de ce grand plan d’eau artificiel. Un kiosque m’invite à prendre ma dose matinale. La gérante parle d’ailleurs un petit peu anglais. Cela tombe bien, moi aussi. Nous échangeons quelques banalités alors que je déguste son délicieux café noir et chaud.

Il est un peu plus de 8h30. Il me reste encore quelques kilomètres à parcourir avant d’arriver à la grosse bourgade de Ban Namphu Pang Wua, carrefour entre la route nationale n°12 (et Asia Highway n°16 qui relie Mae Sot le long de la frontière birmane à l’ouest à Mukdahan sur le Mékong au bord de la frontière cambodgienne de Savannakhet à l’est) et la route 2159 qui me mène au sud. Après ces 50 premiers kilomètres de bonheur à l’état brut, j’attaque la partie la moins intéressante. Je retrouve la plaine et ses rizières préparées pour accueillir une nouvelle récolte après la saison des pluies qui arrive. Je laisse au loin ce parc sauvage.

La chaleur redevient suffocante, la route rectiligne, la circulation dense, le plaisir nul. Heureusement, le vent me pousse au cul. J’avance à un bon rythme. Vers 10h30, je m’arrête boire un café glacé. Mais, même là, le plaisir n’y est plus. Le café n’est pas terrible en plus d’être cher. L’endroit n’invite même pas à gâcher de la pellicule. J’en profite pour refaire le plein d’eau. Je repars avec Led Zepp pour me refiler un peu la patate. J’ai prévu d’aller jusqu’à la ville de Kaset Sombun où j’ai repéré des hébergements. La route défile. Les kilomètres aussi mais pas assez vite à mon goût. Pourtant, ce n’est pas faute d’appuyer sur les pédales. De plus, la chaleur devient vraiment insupportable. Midi approche. Je suis encore à une douzaine de bornes. Encore une toute petite heure sous le cagnard. J’entre maintenant dans la bourgade de Ban Pao. Je m’arrête au marché pour acheter des mangues. A tout hasard, je demande en mimant s’il y aurait un endroit où dormir. La marchande tend le bras en m’indiquant une direction au loin à l’asiatique. Je m’y dirige. Quel bonheur quand je découvre ce panneau …

L’endroit est superbe. Le patron accueillant et la patronne conciliante. Je négocie le prix à 450THB au lieu des 500 demandés et des 400 espérés. La cabane est à nouveau parfaite, propre et bien équipée. Il y a même un frigo et de l’eau bien fraiche. Le pied quoi !

Je me douche et lave mes fringues couvertes de poussière. Puis je pars déjeuner dans la première gargote venue, trouvée au plus près de ce HomeStay (que je nomme Season vu l’orthographe thaï). Le déjeuner riz-légumes-porc épicé, la bonne bière Chang bien fraîche et la chaleur accablante m’incitent à rentrer dare-dare me coucher avant que je ne m’écroule. Il est 13h00. Le plus dur est fait. Avant de rentrer, j’ai acheté un régime de bananes. Le prix est de 25THB. Même si elles sont bien mûres, ce n’est vraiment pas cher. Je comprends pourquoi les bananiers sont remplacés par d’autres plantations plus lucratives.

En milieu d’après-midi, je sors de mon igloo pour aller manger une glace dans un endroit repéré en cherchant mon hébergement. Je découvre un endroit assez improbable tenu par une jeune et charmante thaïlandaise parlant anglais. Elle m’avait vu passer sur mon vélo en fin de matinée et est très contente de pouvoir me questionner sur mon parcours. Quant à moi, je me régale d’une glace chocolat-noix de coco sous le regard amusé de La Joconde. Encore une belle rencontre (pas La Joconde !).

Puis je file au marché pour m’acheter mon dîner avant de rentrer en faisant un détour par le lac de cette petite ville attrayante.

Fin de cette journée J-10 bien contrastée en cette matinée avec des émotions aux antipodes.